Hakkımda

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Şişli / İstanbul, (0533 2490843) vildan_ornadis@hotmail.com, Türkiye
Chers abonnés et visiteurs du blog;Tout au long de ma vie scolaire,j’ai reçu un enseignement français.Après avoir terminé le collège français “Sainte-Pulchèrie” j’ai continué à ma vie lycéenne au “Lycée Français Saint-Michel”.J’ai reçu mon diplôme de fin d’études secondaires 3 ans plus tard. À la suite du lycée,j’ai étudié la philologie et la littérature française à “L’Université d’Istanbul, dans “La Faculté des Lettres”;simultanément j’ai étudié la formation pédagogique à L’Université d’Istanbul,dans“La Faculté d’Éducation”(“Formation à L’Enseignement”).Après 4 ans d’études de double licence je suis diplômée en tant que philologue,aussi professeur de français.Toutes les formations que j’ai acquises m’ont perfectionnée dans les domaines tels que la langue, la littérature et la culture française ainsi que la formation pédagogique. Depuis 11 ans, je partage mes connaissances avec ceux qui veulent apprendre la langue,la culture et la civilisation française. J’enseigne les gens de tout âge et de tout niveau depuis les élèves des écoles françaises,jusqu’aux étudiants de diverses universités sans oublier les hommes ou femmes d’affaires ni les amateurs de la francophonie

Présentation

Sevgili Blog Takipçileri;
Tüm eğitim hayatımı fransızca gördüm. İstanbul'da bulunan‘’Özel Sainte-Pulchérie Fransız Kız Ortaokulu’’nu bitirdikten sonra liseyi İstanbul'da bulunan ''Özel Saint-Michel Fransız Lisesi’’nde okudum. Ardından ‘’İstanbul Üniversitesi Edebiyat Fakültesi Batı Dilleri ve Edebiyatları Bölümü‘’ içinde yer alan ‘’Fransız Dili ve Edebiyatı Anabilim Dalı’’nda dört yıllık lisans eğitimimi tamamladım.Bu süre içerisinde ‘’İstanbul Üniversitesi Eğitim Fakültesinde Pedagojik Formasyon’’ alanında eğitim görüp çift anadal diploması aldım. Böylece hem filolog (Dilbilimci) hem de öğretmen olarak mezun oldum. Aldığım bütün bu eğitimler bana hem Fransız Dili, hem Fransız Edebiyatı hem de Pedagoji alanlarında büyük bir yetkinlik sağladı. Onbir yıldır teorik olarak edindiğim tüm bilgileri, pratikte bu dili ve kültürü öğrenmek isteyen her yaştan her gruptan kişilere aktarıyorum. İstanbulda bulunan fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler başta olmak üzere üniversite öğrencileri, iş adamları, fransız kültürüne meraklı olup kendini geliştirmek isteyen her yaştan her meslek grubundan kişiler meslek hayatım süresince öğrencim olmuştur ve olmaya devam edecektir.

EĞİTMENLİK YAPTIĞIM ALANLAR ►

MES DOMAINES D'ENSEIGNEMENT-EĞİTMENLİK YAPTIĞIM ALANLAR

Grammaire – Littérature – Biologie ( Pour les élèves des écoles françaises - Fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler için )

Préparation au concours organisé par L'Université de Galatasaray - Galatasaray Üniversitesi iç sınavına hazırlık

Préparation au concours de langue étrangère - YDS (Üniversite Yabancı Dil sınavı) ye hazırlık

Toutes sortes de conseils d'orientation scolaire en France (licence, master) - Fransa’da yüksek öğrenim (lisans , yüksek lisans) görmek isteyen öğrencilere, üniversite seçimlerinden motivasyon mektubu yazımına kadar her türlü alanda eğitim danışmanlığı

Etudes spéciales (privées ou en groupe) pour les adultes -Yetişkinler için kişiye özel birebir ve grup çalışmaları

Cours de la langue Turque (grammaire - conversation) pour les étrangers - Yabancılara türkçe (dil bilgisi ve konuşma) dersleri

BLOGU BİRLİKTE GELİŞTİRELİM (Développons ensemble le contenu du blog)

Le contenu du blog est bilingue. Le blog sera développé grâce à la contribution des abonnés. On présentera les oeuvres des écrivains français, on partagera des résumés ainsi que des analyses et des commentaires sur le blog. Pour mieux concevoir la littérature contemporaine, on va traiter les nouveaux auteurs et courants, on va discuter sur les extraits de leurs oeuvres pour autant la littérature classique et antique. On va honorer les célèbres auteurs classiques en parlant de leurs oeuvres et des courants qu'ils ont initiés à la très chère littérature française. Parfois, on parlera d'une époque soit artistique, soit historique; ou bien on va donner des informations générales ou spécifiques sur la France, la culture française etc...
Pour tout cela il est nécessaire que nos abonnés soient en contact et en collaboration avec nous.

İçerik hem türkçe hem fransızcadır. Siz takipçilerin katkılarıyla gelişecektir blog yazıları. Fransız yazarların eserlerinin tanıtımı kimilerinin özetleri, farklı dönemlerden yazarlar ve eserleri hakkında analiz ve yorumlarla çeşitlendireceğiz blogumuzu. Klasik edebiyata olduğu kadar çağdaş metinlere de önem vereceğiz yeni yazarları işleyeceğiz eserlerinden alıntılar yapacağız. Kimi zaman bir dönemi ele alacağız, bazen de Fransa ile ilgili genel bilgiler, tanıtımlar yapacağız. Katkılarınızı bekliyoruz...

Merci Bien - Teşekkürler

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Böylece,bir gün üyesi olmayı hedeflediğimiz Avrupa Birliğine katıldığımız zaman farklı kültürlere uyum sağlamakta zorluk çekmeyeceğiz.

3 Mart 2011 Perşembe

L'INTELLIGENCE D'UN CHIEN

Louis-Frédéric Rouquette (1884-1926) dans le grand silence blanc évoque sa vie à travers les solitudes glacées de l'Alaska. Un jour qu'il a fait halte dans un bouqueteau, le chien de tête de son attelage, Tempest, le force à repartir.

-En route puisque vous le voulez. Vosu êtes le maitre de ma vie allez devant, je vous suis...
Pendant que j'attelle ses compagnons Tempest reste à mes côtés surveillant tous mes gestes; la dernière courroie serrait, il va de lui-même se placer en tête. A peine son harnais est-il assuré, qu'il lance l'appel du départ et file un train d'enfer.
J'ai juste le temps de sauter sur le takou où je tombe debout, les reins en main.
Il a le diable dans le corps, il tire de tous ses muscles, existant les autres chiens de la voix; ceux-ci, gagnaient par cette belle ardeur, dont toutes leurs forces; si l'un deux paraissent ou se ralentit, le chien d'à côté lui morde les pattes.
La vitesse les grise... Jamais mon team n'a donné un tel effort. Vainement, j'essaie de modérer son ardeur. Allez donc vous faire écouter de ces labradors et de ces huskies conduits comme des enragés par un fou comme Tempest.
Je les salais, les guides molles. Le chien ne se sentant plus soutenu, redoublant d'ardeur. Nous prenons des virages fantastiques, mon équipe est attelée à la façon indien. Automatiquement l'éventail se referme. Nous frôlons des gouffres sombres, nous rasons des satins dont les branches me gifflent au passage.
-Holà, démonce, arrêtez-vous!
Le team n'obéit plus à ma voix. Les chiens suivent, la langue en loque, les flancs en soufflet Tempest qui tire, tire, tire...
J'ai la sensation nette qu'au premier tournant, nous allons nous briser. Il n'en ai rien. Le virage est pris avec une courbe savante. Nous dévalons. Enfin, nous voilà dans la plaine...
Alors, seulement Tempest s'arrête, les jarrets raidis, comme pour soutenir seul toute la charge. Heureusement, les autres chiens ont aussi freiné. Je tombe moi-même sur les genoux, n'importe. Ils ont reçu un fameux choc. Le traineau pattine. Trois chiens, s'affaissent dans la neige en hurlant... Je me précipite. Un examen sommaire. Rien de cassé. Je saute sur le siège.
-Allons, mes petits frères, en route!
Personne ne bouge. Je descend et les excite de la voix:
-Mush on, mush, boys...
Rien n'y fait. Pour me narguer, Tempest se couche sur le flanc. Je prends le fouet. Le fouet claque, je tire sur les courroies. Les chiens n'ont pas fait un pouce en avant...
-Vous n'allez pas me planter là, je suppose.
Alors Tempest se dresse et de ses pattes de devant, il fouille le sol et lance la neige à gauche et à droite.
-Tu veux te reposer? Je sais vous m'avez conduit d'un train peu ordinaire, mais le but n'est pas ici...
Pour toutes réponses Tempest gratte, gratte, gratte furieusement.
Découragé, je dételle le team. Aussitôt libre, les chiens font leur trou comme pour se coucher.
La neige est bientôt déblayée, l'ouverture à ses larges, les bêtes se tapissent.
Tempest a fait son trou plus vite que les autres, mais il est aussitôt ressorti.
Ses bonc grands yeux me regardent et me disent:
-Comment, tu ne te couches pas aussi?... Vite, vite, fais comme nous:
Il va vers son gite, reviens vers moi, et ne me quitte plus du regard. Alors, pour faire comme lui, dans cette immensité où rien ne parait ou rien ne vit, ayant rangé mon traineau et sorti mes outils, je commence à construire un abri pour la nuit.
Hâtif, je façonne une hutte de neige, un igloo à la façon des esquimos. Un peu d'eau jetée sur les blocs les unit plus solidement que le meilleur mortiller. Au bas, j'ai ménagé une porte étroite sous laquelle on passe en rampant. On pénètre ainsi dans une chambre circulaire de quinze pieds de diamètre... Je jette sur le sol battu, deux peaux de phoque et une couverture. Je ménage une place pour ma cantine... Une étagère s'improvise bientôt pour mes objets usuels.
Le chef de vôute est un bloc de glace equarri. J'y suspends ma lampe, une lampe primitive où brûle une lumignon qui flotte dans l'huile de phoque...
L'odeur m'écoeur toujours un peu. Mes nerfs de civilisés sont encore sensible.
Je sors... Mes chiens ont disparu sous la neige. Seul Tempest m'attend sur le seuil. Son oeil pétille de satisfaction. Il remue la queue avec contentement, je lui tapote les flancs. Il disparait heureux dans son trou de neige.
Et comme je reviens un peu étonné vers mon igloo en levant ma tête, j'aperçois devant moi par dessus le mont que nous avons descendu à une allure si vertigineux, j'aperçois un tourbillon qui vient à la vitesse d'un cheval au galop.
Ho! ho! nous allons avoir une sacrée tempête...
Et je comprends, tout à coup, la hâte de mes chiens et l'esprit de Tempest qui a prévu l'ouragan. Il a senti que, si nous étions surpris par lui en montagne, c'était la mort.
La bête, avec son intelligence sûre a eu conscience de cette chose.
Elle m'a sauvé la vie tout simplement...

Louis-Frédéric Roquette "Le Grand Silence Blanc"
L'OEUVRE DU SIXIEME JOUR

Née à Auxerre en 1883, Marie Noël est un poète qui, dans un langage très simple, exprime des pensées et des sentiments d'une grande délicattesse. Elle sait aussi pratiquer l'humeur, comme dans ce conte où elle interprète à sa façon la Genèse, cette partie de la Bible qui dit comment Dieu, après avoir fait le ciel, la terre, les eaux et les animaux, au cours des cinq premiers jours, créa l'homme le sixième jour.

Dès que le Chien fut créé, il lécha la main du Bon Dieu et le Bon  Dieu flatta sur la tête:
"Que veux-tu Chien?
-Seigneur Bon Dieu, je voudrais loger chez toi, au ciel, sur le paillasson devant la porte.
-Bien sûr que non! dit le Bon Dieu, je n'ai pas besoin de chien  puisque je n'ai pas encore créé les voleurs.
-Quand les créeras-tu Seigneur?
-jamais. Je suis fatigué. Voilà cinq jours que je travaille, il est temps que je me répose. Te voilà fais, toi, chien, ma meilleure créature, mon chef d'oeuvre. Mieux vaut m'en tenir là. Il n'est pas bon qu'un artiste se surmène au-delà de son inspiration. Si je continuais à créer, je serai bien capable de rater mon affaire. Va, chien! Va vite t'installer sur la terre. Va et sois heureux".
Le chien poussa un profond soupir:
"Que ferai-je sur terre, Seigneur?
-Tu mangeras, tu boiras, tu croitras et tu multiplieras".
Le chien soupira plus tristement encore.
"Que te faut-il de plus?
-Toi, Seigneur Mon Maitre! Ne pourrais-tu pas, toi aussi, t'installer sur la terre?
-Non! dit le Bon Dieu, non, chien! Je t'assure. Je ne peux pas du tout m'installer sur la terre pour te tenir compagnie. J'ai bien d'autres chats à fouetter. Le ciel, ses anges, ses étoiles, je t'asssure, c'est tout un tracas".
Alors le chien baissa la tête et commença à s'en aller. Mais il revint:
"Ah! si seulement Seigneur Bon Dieu, si seulement il y avait là-bas une espèce de maitre dans ton genre?
-Non, dit le Bon Dieu, il n'y a pas".
Le chien se fit tout petit, tout bas et supplia plus près encore:
"Si tu voulais, Seigneur Bon Dieu..., tu pourrais toujours essayer...
-Impossible, dit le Bon Dieu. J'ai fait ce que j'ai fait. Mon oeuvre est achevée. Jamais je ne créera un être meilleur que toi. Si j'en créais un autre aujourd'hui je le sens dans ma main droite celui -là serait raté.
-O Seigneur Bon Dieu, dit le chien, çane fais rien qu'il soit raté pourvu que je puisse le suivre partout où il va et me coucher devant lui quand il s'arrête.
Alors le Bon Dieu fut émerveillé d'avoir créé une créature si bon et il dit au chien:
"Va! qu'il soit fait selon ton coeur".
Et, rentrant dans son atelier, Il créa l'homme..................................................................................................
N.B - L'homme est raté, naturellement. Le Bon Dieu l'avait bien dit.
Mais le chien est joliement content!
Marie Noël, Contes

2 Mart 2011 Çarşamba


LE PAIN, LE VIN, LE SEL

Très attaché à son terroir suisse, Charles-Ferdinand Ramuz (né et mort près de Lausanne, 1878-1947) chante avec ferveur les simples produits de la terre qui sont la condition de la vie des hommes et lui permettent de communier avec le sol sur lequel ils vivent.

Nourritures de partout, nourritures de toujours, et proches malgré tout du sol, n'est-ce-pas, quand je vais à vous et vous respire, avec lui que je communique, mystiquement et grâce à vous? L'une qui est un minéral, tranchante d'arêtes, semblable au caillou, que la chèvre cherche avec la langue à la surface de la roche, qui est roche, dont chaque morceau imite en petit un bloc de rocher; puis le pain, dont la croûte a juste la couleur de l'épi parvenu à son point de maturité, dont la mie a le grumuleux, le poreux, le tendre qui durcit à l'air de la terre, le pain qui, mis en miches, quand on le sort du four, est chaud comme le champ sous le soleil, et au-dessus tremble la même buée, le dessus de cette miche est comme une ligne d'horizon; le vin enfin, le vin qui est rouge comme le sang, étant le sang de la terre, le vin qui sent le caillou quand on le frotte dans ses mains, le vin qui garde, dans sa masse et la transparence de sa masse, toute la lumière, tout le soleil, toute la chaleur de la belle saison, laquelle se réveille dans nos veines et c'est en nous une journée d'été -le vin jaloux qui, mis dans les tonneaux, quand la sève monte, tressaille, se souvenant encore, peut-être regrettant, puis qui retombe et se résigne, à mesure que la grappe tend par son propre poids à descendre aux nouveau paniers.

O choses de partout, choses de tous les temps, choses qui faites qu'on ne sait plus où on est, chose qui contenez l'oubli, l'illusion, le rassasiement, la satisfaction complète, chose qu'on n'a plus quand on meurt; fruits essentiels, nourriture de l'âme; choses qui êtes à la fois les plus grandes images et les plus grandes réalités, choses qui faites rêver et qui faites qu'aussi afin de vous avoir, on se détourne de son rêve pour le travail quotidien- permettez qu'une fois de plus je considère où vous êtes, dans votre nue réalité, rapprochées tout autour de moi, contenues toutes les trois quand même dans mon pays qui est petit, mais qui tout à coup, grâce à vous, devient grand et, grâce à vous, l'égal de tous les autres supérieur même à tous les autres, le plus beau, le plus aimé.

C.-F RAMUZ, Adieu à beaucoup de personnages

UNE VOCATION DE TERRIEN

Ernest Pérochon (1885-1942) a écrit des romans régionaux où il peint avec beaucoup de sobriété des drames paysans: Nène (1920), qui obtint le prix Goncourt; la Parcelle 32 (1922)...
A la fin de la guerre (1914-1918) les prix ont commencé de monter. Le notaire vient de conseiller au vieux Mazureau, un paysan poitevin, d'en profiter pour vendre ses champs et placer son argent. Il n'a rien répondu, car, s'il tient à sa terre son fils a été tué à Verdun et lui se fait vieux.
Avec Bernard, son petit-fils, qui a 16 ans il regagne sa ferme.

Quand ils eurent dépassé les dernières maisons, ils laissèrent la route et prirent un petit chemin traversier qui coupait droit, au millieu de la plaine, vers Fougeray.
On était en février, et le froid était net et piquant. Sous le ciel bas, dans cette grande étendue plane et sans  arbres, un vent cruel bondissait et faisait front. Mazureau n'y prenait point garde, mais le petit geignait de temps en temps:
-Le vent coupe!
Il s'arrêta un instant pour rabattre les oreillères de sa casquette. Le grand-père, ne le sentant plus à côté de lui, se retourna et son regard, vague, se posa sur l'enfant.
-Que fais-tu donc Bernard?
-C'est que j'ai les oreilles glacées... Et puis le bout du nez aussi.
Mais le grand-père n'entendait pas. Depuis les paroles du notaire toute sa pensée était en travail.
-Mauvais temps, disait l'enfant; la terre n'est pas gelée, cependant rien ne pousse. Il faudrait un peu de soleil à ce moment de l'année, et de l'eau, n'est-ce-pas, pour les emblavures?
-Oui! de l'eau... de la pluie douce... Dis--moi, Bernard?
-Quoi donc, grand-père?
Le grand-père n'acheva sa pensée que vingt pas plus loin.
-Dis-moi, Bernard, t'en retournerais-tu à la ville avec ta mère si elle voulait t'emmener?
-Non!
-Si elle veut, cependant...
-Elle ne m'emmenera pas! Je ne veux pas, moi, Ma place est ici; c'est ici qu'il y a du travail pour moi
-Mais elle parlait de te mettre à l'apprentissage, ta mère...
-Je n'irai pas! Mon père est mort à la guerre... J'ai des droits!
-Bien dit, mon petit gars!
-Je veux rester chez nous! J'aime la terre, moi; je veux des champs... Plus tard, j'acheterai de la terre au lieu d'en vendre.
-Bien dit, Mazureau!
Le grand-père regarda avec une orgueilleuse tendresse cet enfant qu'il connaisait à peine, trois ans plus tôt. Sa bru le lui avait confié au début de la guerre, quand elle était entrée comme ouvrière dans une usine de Nantes et, tout de suite le petit citadin anémique s'était épanoui. Un mois après son arrivée, le fouet en main, des socques boueux aux pieds il poussait les bêtes avec le dendinement d'un vieux paysan.
Il avait retrouvé, d'instinct, les gestes séculaires de sa race et en son âme d'enfant, quelques choses d'âpre avait surgi qui était le tenace amour de la terre, de la terre ingrate, buveuse de sueur, buveuse de sang, de la terre maigre où l'outil s'émousse, de l'argile qui tire les pieds, de la terre dure aux hommes, mais où passe le vent des libres espaces.

Oui, celui-là était un vrai Mazureau un gars solide, rusé, actif, un peu taciturne. Il répondait mal aux gâteries de sa tante Evelyne, si douce et si maternelle. On le voyait point jouér avec les jeunes garçons de son age; il préfrait à tout autre compagnie celle de son grand-père et celle de son chien Flambeau, une grande bête hargneuse, aux yeux féroces. Quand il avait appris la mort de son père, il avait pleuré, mais raisonnablement.
-Bien dit, Mazureau!

Ernest Pérochon, La Parcelle 32

1 Mart 2011 Salı

 AU TEMPS OU
 L'HOMME ET LA BETE SE PARLAIENT

Représentant du Sénégal à l'O.N.U. et ambassadeur à Washington, Ousmane Socé Diop (né en 1911 au Sénégal) o publié des romans ainsi que des Contes et Légendes d'Afrique noire dont voici un extrait. Samba a lié une amitié secrète avec un lionceau. "Les anciens disent qu'en ce temps-là l'homme et la bête se parlaient". Une fois l'enfant a vexé l'animal en lui disant qu'il avait "la gueule puante". Ce fut la cause de leur première dispute. Plus tard la mère de Lionceau tua la mère de Samba. Par affection pour son ami, Lionceau tua sa propre mère.

(...) -J'ai vengé ta mère en tuant la mienne, dit-il à son ami. Enterre ton chagrin maintenant et puisque tu es orphelin comme moi nous habiterons le même endroit.

Ainsi ils passèrent ensemble leur adolescence. A l'aube, Lionceau s'enfonçait en brousse. Il se mettait en arrêt près du grand ruisseau. Il savait que vers le millieu du jour, le soleil et la soif chasseraient des fourrés vers l'eau, l'antilope, le chevreau et la gazelle. Il les surprenait au moment où ils plongeaient leur museau altéré dans la rivière avec une volupté qui leur faisait oublier le reste du monde.

Puis Samba et lui accommodaient l'abattis chacun à son goût, et l'après-midi, c'était jeux et cabrioles.
Lionceau avait grandi: ses crocs et ses griffes devinrent fermes et acérés. De grands poils poussèrent de chaque côté de son dos sur les bords de l'échine; ils montèrent tout droit puis, ils s'incurvèrent, retombèrent le long du flanc. Lionceau sentit naitre en lui des désirs inquiétants. Lorsque Samba était proche, il avait des envies comme lorsqu'il aparçevait le chevreau: la viande d'homme ne se serait plus à lui déplaire.

-Samba, finit-il par dire à son ami, je suis devenu adulte. L'homme est homme et le lion est lion. Il me faut retourner à la forêt et toi au village. Je te promets, Samba, continua-t-il que tu ne seras pas malheureux dans l'existence. Chaque fois que tu entendras mon rugissement, la nuit, à l'heure où nulle part le pas de l'homme ne foule terre accours me voir; je te dirai comment il faut éviter un danger proche. Quelque dérangement que cela puisse te causer, viens, ou ne viens pas si tu veux, mais ne dis jamais: "Oh! cet animal a la gueule puante!"

Vint le jour où Samba devait subir le rite de l'initiation. C'est la tradition qui fait d'un adolescent un homme. Il doit être accompli avec faste et courage (...). Samba aurait ce courage mais, orphelin il était dénué de richesses. Sur la grand'place du village, les tam-tams rythmaient gaiement les chants des jeunes hommes:

Mane nièye là!...
Kou ma fire nga danou!
Té kou ma fire danou...!
Je suis tel l'éléphant!
Je terrasse ce que heurte!
Et ce qui me heurte s'écroule!

Ainsi chaque adolescent chantait sa devise...
Samba s'était retiré dans sa case, humilié et malheureux de dénuement, pendant que ses camardes rivalisaient à qui égorgerait le plus de boeufs et de béliers à qui déclamerait la devise la plus admirable.
Au millieu de la nuit lorsque les tam-tams se firent moins nerveux, on entendit le rugissement thoracique d'un lion.
Samba rejoignit aussitôt son ami qui lui remit cent boeufs cent moutons, cent chèvres. Et le n'gomar (fête de l'initiation) de Samba resta célèbre dans les mémoires.

Vint le jour où le roi voulut donner un époux à sa fille, il publia qu'il ne la marierait qu'à celui qui lui offrirait un lion vivant. Le soir même Lion fit venir son ami par le signal convenu et lui dit ceci:
-Demain tu viendras au bord du marigot; tu prendras avec toi un fusil chargé à blanc, lorsque je paraitrai, tu tirera dans ma direction; je ferai semblant d'avoir très peur et tu viendras me conduire au roi "par le bout de l'oreille". Ce la fut fait et Samba devint gendre du roi.
Trois années passèrent.
Au millieu de la nuit, Samba devenu roi à la mort de son beau-père était mollement couché dans son lit et se faisait masser par sa femme pour chasser les fatigues de la journée.
On entendit un triple "hâan..." secouer la nuit.
-Oh! l'animal à la gueule puante! s'écria Samba,quelle idée de me déranger à cette heure-ci!
Il se leva néanmoins et s'en fut au rendez-vous.
-Samba, lui dit le lion, je sais qu'une épizootie dévastera dans quelques jours le bétail du pays et je t'apporte le troupeau que voici pour te constituer des réserves de viande sèche. Je sais aussi que tu as proféré l'insulte que tu m'avais promis de ne jamais redire!
Lion s'arrêta un moment puis reprit:
-Samba, frappe-moi de ton sabre!
-Non!... Tu sais bien que je ne ferai pas cela.
-Frappe-moi de ton sabre! dis-je, insista le lion.
Samba frappa; le son jaillit.
-Enfonce moi ton pignard dans ton flanc.
Samba le poignarda. Le sang jaillit.
-Vois-tu, Samba, les blessures que tu m'as faites ne sont rien! La blessure peut guérir mais la parole blaissante ne guérit pas.
"Adieu! lorsque tu verras le baobab qui pousse au millieu de la cour s'étioler et flétrir, sache que je suis mort!"
Depuis l'homme et le lion furent ennemis à tout jamais.

Ousmane Socé Diop, Contes et légendes d'Afrique Noire

28 Şubat 2011 Pazartesi


 LE FEU RECONQUIS

C'est grâce au feu que les premiers hommes, à l'âge de pierre, ont pu assurer peu à peu leur domination sur les animaux, vaincre leur peur de la nuit, faire cuire leurs aliments, fabriquer des outils. Les Grecs racontaient que Prométhée avait dérobé le feu dans l'Olympe pour le donner aux hommes et les Romains gardaient le culte de Vesta. La guerre du feu est un récit où J.-H Rosny ainé reconstitue l'atmosphère des temps préhistoriques. Oulhamr ont laissé éteindre le feu et ne savent pas le rallumer; trois de leurs guerriers, commandéa par Naoh, le fils du Léopard partent pour tenter de reconquérir un nouveau feu; ils échappent aux bêtes féroces, font alliance avec les Mammouths et après une âpre lutte, ils prennent le feu des Kzamms ou Dévoreurs d'hommes.

Alors, la joie de Naoh gronda comme un torrent. Il considéra avec un rire rauque le brasier où soubressautaient des flammes. Sous les astres profonds dans la rumeur du fleuve, au murmur léger de la brise, entrecoupé du glapissement des chacals et de la voix d'un lion perdu à l'autre rive, il avait peine à concevoir son triomphe.
Et il criait d'une haletante:
"Naoh est maitre du feu!"
Il lui semblait être la vie souveraine du  monde. Il tournait lentement autour de la bête rouge, il allongeait la main vers elle, il exposait sa poitrine à cette caresse depuis si longtemps perdu. Puis, il murmurait encore, dans le ravissement et dans l'extase:
"Naoh est maitre du feu!"
A la longue, la fièvre de son bonheur s'apaisa. Il recommença de craindre le retour des Kzamms; il lui fallait emporter sa conquête.
Déliant les pierres minces qu'il portait avec lui, depuis son départ du grand marécage, il se disposa à les réunir avec des brindilles, des écorces et des roseaux. Comme il furetait autour du camp, il eut une joie nouvelle; dans un repli du terrain, il venait d'apercevoir où les Dévoreurs d'Hommes entretenaient le Feu.
C'était une sorte de nid en écorce, garni de pierres plates disposées avec un art grossier, patient et solide; une petite flamme y scintillait encore. Quoique Naoh sût fabriquer les cages à feu aussi bien qu'aucun homme de sa horde, il lui eût été difficile d'en faire une aussi parfaite.

Il y fallait le loisir, un choix attentif des pierres, des remaniements nombreux. La cage des Kzamms était composée d'une triple couche de feuilles de schiste, maintenue extérieurement par une écorce de chaine vert; elle était reliée par des branchettes flexibles. Une fente maintenait un tirage léger.

Ces cages demandaient une vigilence incessante; il fallait défendre la flamme contre la pluie et les vents; prendre garde qu'elle ne décrût ni n'augmentât au-delà de certains limites fixées par une expérience millénaire, et renouveler souvent l'écorce.

Naoh n'ignorait aucun des rites transmis par les ancêtres; il ranima légerment le feu, il imbiba la surface extérieure d'un peu d'eau puisée dans une flaque, il vérifia la fente et l'état du schiste. (...).
D'ailleurs, il était plus urgent d'écraser le foyer; il en éparpilla les tisons à l'aide d'une des massues laissées par les vaincus, il les réduisit en fragments trop menus pour durer jusqu'au retour des guerriers, puis,  entravant les blessés dans les roseaux et des branches, il cria:
"les Kzamms n'ont pas voulu donné un tison au fils du Léopard et les Kzamms n'ont plus de feu. Ils rôderont dans la nuit et dans le froid, jusqu'à ce qu'ils aient rejoint leur horde!... Ainsi, les Oulhamr sont devenus plus forts que les Kzamms!".

Nam qui a pu échapper à ses ennemis, rejoint Naoh. Avant de partir à la recherche de Gaw, ils jouissent d'abord un peu de leur victoire.

Ils s'assirent devant ce faible feu et ce fut comme si le brasier des nuits les protégeait de sa véhémence, au bord des cavernes natales, sous les étoiles f roides, devant les flammeroles du Grand Marécage. L'idée du long retour ne leur était plus pénible (...).
J. H. Rosny ainé, La Guerre du Feu.

26 Şubat 2011 Cumartesi


 PHILOSOPHE

D’APRES DUMARSAIS
Rédigé par Dumarsais qui dirigea jusqu’à sa mort la partie grammaticale de l’Encyclopédie, cet article tient plus de l’éloge du philosophe, incarnation de l’esprit des Lumières, que de l’article traditionnel d’une encyclopédie.

PHILOSOPHE, s. m. Il n’y a rien qui coute moins à acquérir aujourd’hui que le nom de philosophe ; une vie obscure et retirée, quelques dehors de sagesse, avec un peu de lecture, suffisent pour attirer ce nom à des personnes qui s’en honorent sans le mériter.

D’autres en qui la liberté de penser tient lieu de raisonnement, se regardent comme les seuls véritables philosophes, parce qu’ils ont osé renverser les bornes sacrées posées par la religion, et qu’ils ont brisé les entraves où la foi mettoit leur raison. Fiers de s’être défaits des préjugés de l’éducation, en matiere de religion, ils regardent avec mépris les autres comme des ames foibles, des génies serviles, des esprits pusillanimes qui se laissent effrayer par les conséquences où conduit l’irréligion, et qui n’osant sortir un instant du cercle des vérités établies, ni marcher dans des routes nouvelles, s’endorment sous le joug de la superstition.

Mais on doit avoir une idée plus juste du philosophe, et voici le caractere que nous lui donnons.

Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir, ni connoître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu’il y en ait. Le philosophe au contraire demêle les causes autant qu’il est en lui, et souvent même les prévient, et  se livre à elles avec connoissance : c’est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentimens qui ne conviennent ni au bien-être, ni à l’être raisonnable, et cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l’état où il se trouve. La raison est à l’égard du philosophe, ce que la grace est à l’égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe.

Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu’ils font soient précédées de la réflexion : ce sont des hommes qui marchent dans les ténebres ; au lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n’agit qu’après la réflexion ; il marche la nuit, mais il est précédé d’un flambeau.

Le philosophe forme ses principes sur une infinité d’observations particulieres. Le peuple adopte le principe sans penser aux observations qui l’ont produit : il croit que la maxime existe pour ainsi dire par elle-même ; mais le philosophe prend la maxime dès sa source ; il en examine l’origine ; il en connoît la propre valeur, et n’en fait que l’usage qui lui convient.

La vérité n’est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, et qu’il croie trouver par-tout ; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l’appercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance ; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblable ce qui n’est que vraisemblable. Il fait plus, et c’est ici une grande perfection du philosophe, c’est que lorsqu’il n’a point de motif propre pour juger, il sait demeurer indéterminé.

Le monde est plein de personnes d’esprit et de beaucoup d’esprit, qui jugent toujours ; toujours ils devinent, car c’est deviner que de juger sans sentir quand on a le motif propre du jugement. Ils ignorent la portée de l’esprit humain ; ils croyent qu’il peut tout connoitre : ainsi ils trouvent de la honte à ne point prononcer de jugement, et s’imaginent que l’esprit consiste à juger. Le philosophe croit qu’il consiste à bien juger : il est plus content de lui-même quand il a suspendu la faculté de se déterminer que s’il s’étoit déterminé avant d’avoir senti le motif propre à la décision. Ainsi il juge et parle moins, mais il juge plus surement et parle mieux ; il n’évite point les traits vifs qui se présentent naturellement à l’esprit par un prompt assemblage d’idées qu’on est souvent étonné de voir unies. C’est dans cette prompte liaison que consiste ce que communément on appelle esprit ; mais aussi c’est ce qu’il recherche le moins, il préfere à ce brillant le soin de bien distinguer ses idées, d’en connoître la juste étendue et la liaison précise, et  d’éviter de prendre le change en portant trop loin quelque rapport particulier que les idées ont entr’elles. C’est dans ce discernement que consiste ce qu’on appelle jugement et justesse d’esprit : à cette justesse se joignent encore la souplesse et la netteté. Le philosophe n’est pas tellement attaché à un système, qu’il ne fente toute la force des objections. La plûpart des hommes sont si fort livrés à leurs opinions, qu’ils ne prennent pas seulement la peine de pénétrer celles des autres. Le philosophe comprend le sentiment qu’il rejette, avec la même étendue et la même netteté qu’il entend celui qu’il adopte.

L’esprit philosophique est donc un esprit d’observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes ; mais ce n’est pas l’esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins.

L’homme n’est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer, ou dans le fond d’une forêt : les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire ; et dans quelqu’état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien être l’engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu’il connoisse, qu’il étudie, et qu’il travaille à acquérir les qualités sociables.

Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi ; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre ; il veut trouver du plaisir avec les autres : et pour en trouver, il en faut faire : ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre ; et il trouve en même tems ce qui lui convient : c’est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile.

La plûpart des grands à qui les dissipations ne laissent pas assez de tems pour méditer, sont féroces envers ceux qu’ils ne croyent pas leurs égaux. Les philosophes ordinaires qui méditent trop, ou plûtôt qui méditent mal, le sont envers tout le monde ; ils fuient les hommes, et les hommes les évitent. Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite et le commerce des hommes, est plein d’humanité. C’est le Chrémès de Térence qui sent qu’il est homme, et que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani à me nihil alienum puto.

Il serait inutile de remarquer ici combien le philosophe est jaloux de tout ce qui s’appelle honneur et probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre ; il l’encense, il l’honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs, et  par un desir sincere de n’en être pas un membre inutile ou embarrassant. Les sentimens de probité entrent autant dans la constitution méchanique du philosophe, que les lumieres de l’esprit. Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire où regne le fanatisme et la superstition, regnent les passions et l’emportement. Le tempérament du philosophe, c’est d’agir par esprit d’ordre ou par raison ; comme il aime extrèmement la société, il lui importe bien plus qu’au reste des hommes de disposer tous ses ressorts à ne produire que des effets conformes à l’idée d’honnête homme. Ne craignez pas que parce que personne n’a les yeux sur lui, il s’abandonne à une action contraire à la probité. Non. Cette action n’est point conforme à la disposition méchanique du sage ; il est paîtri, pour ainsi dire, avec le levain de l’ordre et de la regle ; il est rempli des idées du bien de la société civile ; il en connoît les principes bien mieux que les autres hommes. Le crime trouveroit en lui trop d’opposition, il auroit trop d’idées naturelles et trop d’idées acquises à détruire. Sa faculté d’agir est pour ainsi dire comme une corde d’instrument de musique montée sur un certain ton ; elle n’en sauroit produire un contraire. Il craint de se détonner, de se desacorder avec lui-même ; et ceci me fait ressouvenir de ce que Velleius dit de Caton d’Utique. « Il n’a jamais, dit-il, fait de bonnes actions pour paroître les avoir faites, mais parce qu’il n’étoit pas en lui de faire autrement ».

D’ailleurs dans toutes les actions que les hommes font, ils ne cherchent que leur propre satisfaction actuelle : c’est le bien ou plutôt l’attrait présent, suivant la disposition méchanique où ils se trouvent qui les fait agir. Or le philosopheest disposé plus que qui que ce soit par ses réflexions à trouver plus d’attrait et de plaisir à vivre avec vous, à s’attirer votre confiance et votre estime, à s’acquiter des devoirs de l’amitié et de la reconnoissance. Ces sentimens sont encore nourris dans le fond de son coeur par la religion, où l’ont conduit les lumieres naturelles de sa raison. Encore un coup, l’idée de mal-honnête homme est autant opposée à l’idée de philosophe, que l’est l’idée de stupide ; et l’expérience fait voir tous les jours que plus on a de raison ; de lumiere, plus on est sûr ; propre pour le commerce de la vie. Un sot, dit la Rochefoucault, n’a pas assez d’étoffe pour être bon : on ne péche que parce que les lumieres sont moins fortes que les passions ; c’est une maxime de théologie vraie en un certain sens, que tout pécheur est ignorant.

Cet amour de la société si essentiel au philosophe, fait voir combien est véritable la remarque de l’empereur Antonin : « Que les peuples seront heureux quand les rois seront philosophes, ou quand les philosophes seront rois » !


Le philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, et qui joint à un esprit de réflexion et de justesse les moeurs et les qualités sociables. Entez un souverain sur un philosophe d’une telle trempe, et vous aurez un parfait souverain.

De cette idée il est aisé de conclure combien le sage insensible des stoïciens est éloigné de la perfection de notre philosophe : un tel philosophe est homme, et leur sage n’étoit qu’un phantôme. Ils rougissoient de l’humanité, et il en fait gloire ; ils vouloient follement anéantir les passions, et nous élever au-dessus de notre nature par une insensibilité chimérique : pour lui, il ne prétend pas au chimérique honneur de détruire les passions, parce que cela est impossible ; mais il travaille à n’en être pas tyrannisé, à les mettre à profit, et à en faire un usage raisonnable, parce que cela est possible, et que la raison le lui ordonne.

On voit encore par tout ce que nous venons de dire, combien s’éloignent de la juste idée du philosophe ces indolents, qui, livrés à une méditation paresseuse, négligent le soin de leurs affaires temporelles, et de tout ce qui s’appelle fortune. Le vrai philosophe n’est point tourmenté par l’ambition, mais il veut avoir les commodités de la vie ; il lui faut, outre le nécessaire précis, un honnête superflu nécessaire à un honnête homme, et par lequel seul on est heureux : c’est le fond des bienséances et des agrémens. Ce sont de faux philosophes qui ont fait naître ce préjugé, que le plus exact nécessaire lui suffit, par leur indolence et par des maximes éblouissantes.


DUMARSAIS, article "Philosophe", Encyclopédie
« LES PHILOSOPHES » DE CHARLES PALISSOT

Cydalise►
J'avais des préjugés qui dégradaient mon être ;
vainement ma raison voulait s' en dégager,
l' habitude bientôt venait m' y replonger.
Les plus vaines terreurs me déclaraient la guerre,
je croyais aux esprits, j' avais peur du tonnerre,
je rougis devant vous de ces absurdités,
mais on nous berce enfin de ces frivolités,
et leur impression n' en est que plus durable.
Notre éducation, frivole, méprisable,
loin de nous eclairer sur le vrai, ni le faux,
n' est que l' art dangereux de masquer nos défauts.
Mes yeux se sont ouverts, hélas ! Trop tard peut-être !
à ces hommes divins, je dois un nouvel être.

Le hazard présidait à mes attachemens,
j' étais aux petits soins avec tous mes parens,
et les dégrés entre eux réglaient les préférences.
Cet ordre s' étendait jusqu' à mes connoissances.
J' avais tous ces travers, beaucoup d' autres encor ;
enfin mes sentimens ont pris un autre essor.
Mon esprit épuré par la philosophie
vit l' univers en grand, l' adopta pour patrie,
et mettant à profit ma sensibilité,
je ne m' attendris plus que sur l' humanité.

Damis►
Je ne sais, mais enfin dussé-je vous déplaire,
ce mot d'humanité ne m' en impose guére,
et par tant de fripons je l'entens répéter,
que je les crois d' accord pour le faire adopter.
Ils ont quelque intérêt à le mettre à la mode.
C' est un voile à la fois honorable et commode,
qui de leurs sentimens masque la nullité,
et prête un beau dehors à leur aridité.
J'ai peu vû de ces gens qui le prônent sans cesse,
pour les infortunés avoir plus de tendresse,
se montrer, au besoin des amis, plus fervens,
être plus généreux, ou plus compatissans,
attacher aux bienfaits un peu moins d' importance,
pour les défauts d' autrui marquer plus d' indulgence,
consoler le mérite, en chercher les moyens,
devenir, en un mot, de meilleurs citoyens;
et pour en parler vrai, ma foi, je les soupçonne
d' aimer le genre humain, mais pour n' aimer personne.
ACTE II, SCÈNE 5


 

UN PHILOSOPHE FICHÉ PAR LA POLICE
Nom: Diderot
Profession: auteur
Âge: 36 ans (en 1749)
Natif de: Langres
Signalement: taille moyenne, visage agréable
Demeure: place de l’Estrapade (Paris) chez un tapissier
Origine: fils d’un coutelier de Langres
C’est un garçon plein d’esprit mais extrêmement dangereux. Il a fait les “Pensées Philosophique” et d’autres livres de genre. Il travaille à un dictionnaire encyclopédique. Le 24 juillet 1749, il a été arrêté et conduit à la prison de Vincennes comme auteur de livres contre la religion, dont il parle avec mépris, et contre les bonnes moeurs.
D’après François Moureau,
le roman vrai de l’Encyclopédie

 
 
 
LE «POISON DES PHILOSOPHES»
Les philosophes se sont élevés en précepteurs du genre humain. Liberté de penser, voilà leur cri, et c ecri s’est fait entendre d’une extrémité du monde à l’autre. D’une main, ils ont tenté d’ébranler le Trône; de l’autre, ils ont voulu renverser les Autels. La révolution s’est pour ainsi dire opérée… Histoire, romans, jusqu’aux dictionnaires, tout a été infecté par le venin philosophique. A peine ces écrits sont-ils devenus publics dans la capitale, qu’ils se répandent et comme un torrent dans les provinces; la contagion a pénétré dans les ateliers et sous les chaumiers.
D’après un discours de Séguier,
avocat général au Parlement de Paris, 1770.

25 Şubat 2011 Cuma


 FUNERAILLES D'UN LAPIN  

Judith, l'héroïne de Poussière, est en train d'évoquer le temps de sa jeunesse, où elle retrouvait dans une merveilleuse campagne anglaise, des camarades: Mariella, Charlie, Roddy, Julien, Martin. Beaucoup sont morts et morte cette époque heureuse. Mais Judith revit tour à tour tel ou tel de ses chers souvenirs. On remarquera avec quelle sensibilité et quelle exactitude, nuancée,de mystère par la poésie du rêve, Rosamund Lehmann (née en 1903) a peinte cette épisode.

Parmi les inconsistantes images émergeant de ce temps lointain, celle de Roddy était restée la plus proche, la plus nette, la plus singulière.
Elle se revoyait avec lui dans une terre inculte, semer de trous crayeux de ronces murissantes, de fougères et de genêts: le curieux parfum des fleurs de ronce, faible mais insidieux terrestre et pourtant irréel, était troublant.
Elle contemplait avec horreur un lapin mort gisant dans le sentier. Il était étalé sur le flanc, ses petites pattes fragiles mollement étendues, et la blancheur secrète de son doux pelage à demi révélée. L'un deux -lequel? elle ne put jamais se rappeler- disait:
-Non, je n'aurais jamais cru le toucher!
C'était comme si elle entendait parler dans un mauvais rêve.
-Comment avez-vous fait? dit la voix de Roddy.
_ Eh bien! il était assis; je me suis approché en rempant, et je lui ai jeté une pierre pour le faire partir; je ne voulais pas lui faire de mal.
Mais j'ai dû le frapper en plein derrière l'oreille... en tout cas il est mort sur-le-champ. C'est un pur hasard. Je ne pourrais refaire la même chose quand j'essaierais toute ma vie.
-Hum! dit Roddy, drôle de chose!
 Il se tenait les mains dans les poches, le visage pareil à un masque, regardant le cadavre étendu à ses pieds. Le soleil vacillait et s'assombrissait. La bruyère brillait d'un éclat métallique, l'herbe se décolorait, les arbres sifflaient, Judith se débattait dans un cauchemar.
-Alors, qu'est-ce que je vais faire? dit la voix.
-Je m'en occuperait, répondit Roddy.
 Ensuite, elle et lui furent seuls. Elle se baissa et toucha la fourure.
La bête était morte, bien morte. Elle tomba à côté sur les genoux et pleura.
-Voyons, ne faites pas ça! dit Roddy presque aussitôt. Il ne pouvait supporter les larmes. Elle pleura d'autant plus, avec des terribles sanglots qui venaient du creux de l'estomac.
-Il ne l'a pas fait exprès, on n'y peut rien dit Roddy (...). Tenez nous allons l'emporter à la maison et lui faire les funerailles.

Il cueillit d'immenses feuilles de fougères, il en enveloppa doucement le lapin. Elle le ramassa, elle le porterait bien qu'elle défaillit presque au contact de ce corps tendre et menu. Elle pensait: "Je tiens dans mes bras quelque chose qui est mort: c'était vivant il y a un instant, et maintenant c'est... qu'est-ce que c'est?" et elle se sentait suffoquée, noyée.

Ils partirent. Pleurante, pleurante, elle portat ce cadavre du haut de la colline jusqu'au jardin et Roddy marchait en silence à côté d'elle. Il s'écarta et creusa un trou sous un buisson de lauriers, au plus épais du massif. Mais quand ils arrivèrent  à l'acte final, la mise en terre, elle ne put absolument pas le supporter. Elle avait perdu toute possession d'elle-même, elle n'était plus qu'une tourmente de sanglots et de larmes.

-Finissez je vous en prie, répéta Roddy d'une voix tremblante. Elle se calma subitement, saisie, s'apercevant qu'il était lui-même sur le point de s'abandonner. Il ne pouvait supporter qu'elle eût du chagrin (...) Vite elle lui laissa prendre le corps et il l'emporta.
 Il fut longtemps absent. Quand il revint, il l'a prit par le bras et dit:
-Venez voir
Sous le buisson de lauriers, en tête du petit tertre funèbre, il avait dressé une magnifique tablette. C'était un couvercle de boite à gâteaux en étaint poli net et brillant, surlequel au moyen d'un marteau et d'un clou il avait gravé ces mots: "A la mémoire d'un lapin".

La paix, le réconfort affluèrent en elle. Le lapin, reposait dans toute cette ombre tranquille et verte, sous la voûte sculpturale de grandes feuilles rigides, fraiches, et vernies: non plus terrible et pathétique, mais dignifiée par sa table commémorative, abrité, dans le sein de la terre clémente et protectrice, hors de l'atteinte des mouches, des gamins, et de l'éclat ironique du soleil. Tout était bien, il n'y avait plus là rien de triste.

Rosamund Lehmann. Poussière.

24 Şubat 2011 Perşembe


NUIT DE NOEL

Nicolas Gogol (1809-1852), auteur de Tarass Boulba, poème romanesque en prose à la gloire des Cosaques du XVIIème siècle, écrivit plusieurs recueils de nouvelles, dont les Veillées d'Ukraine, auxquelles appartient cette "Nuit de Noël", l'un des textes les plus populaires de la littérature russe; vous pourrez y admirer l'heureuse alliance du merveilleux et du réalisme.
Il fait une belle nuit froide et lumineuse. Et tout à coup le ciel s'obscurcit... C'est qu'une sorcière Solokha, s'est glissée dans le ciel pour ramasser les étoiles et jouer ainsi un bon tour aux paysans superstititeux qui s'apprêtent à célébrer Noël. Imitant la sorcière, un diable essaye de dérober la lune.

Le diable se glissait tout doucement vers la lune et déjà il était sur le point de la saisir, quand il retira précipitamment la main comme s'il s'était brulé, se suça le bout des doigts, agita un pied et courut de l'autre côté de la lune. Là, il sauta de nouveau en arrière et retira brusquement la main. Pourtant, sans se laisser décourager par toutes ces déconvenues le rusé diable n'abandonna pas ses espiègleries. S'étant approché par surprise, il saisit la lune à deux mains. Se soufflant dans les doigts et faisant toutes sortes de grimaces, il l'a fit sauter d'une paume dans l'autre à la manière d'un paysan qui aurait sorti de ses mains nues une braise du feu pour allumer sa pipe. Enfin, il fourra précipitamment la lune dans sa poche et, comme si de rien n'était, poursuivit sa route.

A Dikanka, personne ne savait que le diable avait volé la lune. Il est juste de dire que le copiste communal, comme il sortait à quatre pattes du cabaret, avait vu la lune se mettre à danser dans le ciel sans raison apparente, et il en assurait le village tout entier jurant ses grands dieux qu'il avait vu. Mais les bons gens branlaient le chef et même se moquaient de lui (...).

Le froid avait augmenté et en haut, il était devenu si vif que le diable sautillait d'un sabot sur l'autre et soufflait dans ses poings pour essayer de réchauffer un peu ses doigts engourdis. Rien d'étonnant d'ailleurs à ce qu'il gelât, lui qui passait sa vie en enfer, où, comme chacun sait, il fait bien moins froid que chez nous en hiver, et où, coiffé d'un bonnet et se tenant devant l'âtre ainsi qu'un vrai maitre-queux, il faisait rôtir les pêcheurs avec le même plaisir qu'une bonne femme met à griller des saucisses à Noël!

La sorcière elle-même sentit le froid, bien qu'elle fût chaudement habillée. C'est pour cette raison que levant les bras, elle ramena un pied en arrière et , ayant pris la posture d'un patineur qui file à toute allure sans faire le moindre mouvement, elle descendit dans l'air comme si elle glissait sur une abrupte paroi de glace et s'engouffra tout droit dans une cheminée.

Prenant le même chemin le diable suivit (...). Cependant, s'étant retourné, il vit, déjà à une bonne distance de son isba, le vieux Tchoub qui cheminait bras dessu bras dessous avec son compère. Sur-le-champ le diable bondit de la cheminée, leur barra la route et se mit à faire voler de tous côtés des tas de neige gelée. Une tourmente de neige se leva; toute l'atmosphère prit une apparence laiteuse; la neige voltigeait par-tout et sans ordre; elle menaçait de coller aux piétons les yeux, la bouche et les oreilles. Le diable en profita pour s'enfiler alors dans la cheminée (...).

Au moment où l'agile élégant, parait d'une queue et d'une barbiche de bouc, avait volé hors de la cheminée pour s'y engouffrer de nouveau bientôt après, la musette qu'il portait pendue au côté et dans laquelle il avait caché l'astre subtilisé s'accrocha dans le poêle et s'ouvrit; la lune, profitant de l'occasion, s'échappa par la cheminée et monta majestueusement dans le ciel. Tout s'éclaira. Il n'y avait plus trace de tourmente. La neige scintilla comme un vaste champ d'argent parsemé d'étoiles de cristal. Le froid diminuait apparremment de rigueur. Des troupes de garçons et de jeunes filles parurent qui portaient des sacs. Des chants retentirent et rares étaient les chaumières sous les fenêtres desquelles ne se pressaient pas ces chanteurs de noëls.

Nicolas Gogol, Veillées d'Ukraine
  
JUDE ET LES CORBEAUX

L'écrivain anglais Thomas Hardy (1840-1928) a consacré son art à peindre le malheur de ceux qui sont écrasés par l'injustice des hommes ou par un destin trop sévère. Son dernier roman Jude L'Obscur (1895) est l'histoire d'un de ces mal compris. A douze ans, Jude, orphelin, est hébergé par une tante qui ne l'aime guère. Les seules marques d'intérêt qu'il ait reçues lui sont venues du maitre d'école, Mr. Phillotson, qui, au grand chagrin de Jude, vient de quitter le village, non sans recommander à l'enfant: "Soit bien sage, soit bon pour les animaux et les oiseaux". Justement, Jude se rend à son travail qui consiste à chasser les corbeaux des champs ensemencés.

Escaladant  la haie du fond du jardin, il prit un sentier vers le nord et arriva sur le plateau près d'une vaste conque solitaire où l'on venait de semer du blé; il y descendit, car c'était là qu'il travaillait pour Mr. Troutham, le fermier.

Tout autour de lui, la masse brune du champ montait droit dans le ciel et se perdait dans le brouillard qui en cachait les bords, renforçant l'impression de solitude. Peu de choses rompaient la monotonie du paysage: une meule de l'an passé se dressant sur les terres labourées les corbeaux qui s'envolaient à son approche et le sentier qui venait du village. Bien des membres de sa famille avaient autrefois arpenté ce sentier, mais maintenant, ceux qui passaient par là, l'enfant ne les connaissait même pas.
-"Comme c'est laid ici!" murumura-t-il.
Les sillons encore frais ressemblaient aux lignes d'une pièce de velours côtelé toute neuve et donnaient à cette vaste étendue un aspect mesquinement utilitaire. Tous les accidents de terrain avaient disparu; plus la moindre trace d'histoire: ne restait que celle des quelques derniers mois. Et pourtant à chaque motte de terre, à chaque pierre, s'attachaient des souvenirs innombrables -échos des chansons entendues lors des moissons passés, paroles échangées (...). Mais de tout cela ni Jude, ni les corbeaux qui l'entouraient n'avaient cure: ils ne voyaient là qu'un terrain dénudé bon champ de travail pour l'un, bon grenier de provisions pour les autres.

Le gamin se tenait au pied de la meule et, toutes les deux ou trois secondes, faisait résonner son claquet ou sa crécelle. A chaque coup, les corbeaux cessaient de picorer et s'élevaient lentement, battant avec lourdeur l'air de leurs ailes luisantes comme des cottes de mailles, puis tournoyaient en le regardant avec circonspection et enfin recommençaient leur repas à distance respectueuse.

Il secouait si bien son claquet que son bras lui faisait mal et à la fin, il sentit en son coeur une grande sympathie pour les désirs contrariés des oiseaux.  Il lui semblait que, comme lui, il vivait dans un monde hostile. Pourquoi les effrayer? Ils prenaient de plus en plus à ses yeux l'apparence de douze amis de protégés -les seuls amis auxquels il inspirât un smeblant d'intérêt, car sa tante lui avait souvent dit qu'elle ne se souciait pas de lui. Il cessa son vacarme et les oiseaux s'abattirent sur le sol.

"Pauvres petits chéris! dit Jude tout haut, vous aurez à diner je le veux. Il y en a assez pour nous tous. Le fermier Troutham peut supporter de vous en laisser un peu. Mangez donc, mes chers petits oiseaux régalez-vous!"

Ils mangeaient en effet, petites taches noires sur la terre brunâtre et Jude se réjouissait de leur appétit. Un fil magique de camaraderie les unissait à lui: leurs vies chétives et mélancoliques ressemblaient fort à la sienne.

Il avait fini par jeter son claquet loin de lui comme un instrument vil et abject, offensant pour les oiseaux et pour lui-même puisqu'il était leur ami. Soudain, il sentit au bas de sa culotte un coup violent suivi d'un claquement retentissant qui annonça à ses sens stupéfiés que le claquet avait servi d'arme offensive. Les oiseaux et Jude sursautèrent simultanément et les yeux effarés de ce dernier contemplèrent le fermier Troutham en personne, dont le visage cramoisi flamboyait au-dessus du pauvre Jude tout tremblant tandis qu'il brandissait le claquet.

"Ah oui, vraiment!" "Mangez chers petits oiseaux" Attends un peu, je vais te chatouiller les culottes et nous verrons si tu as encore envie de dire: "mangez, chers petits oiseaux". Et tu as trainassé chez le maitre d'école au lieu de venir ici, n'est-ce pas? C'est ainsi que tu gagnes tes douze sous en chassant les corbeaux?"

Tout en déversant cette rhétorique passionnée aux oreilles de Jude, Troutham avait attrapé sa main gauche dans la sienne et faisant tournoyer à bout de bras son petit corps frêle autour de lui, frappait sa partie postérieure avec le plat du claquet. Le champs résonnait de l'écho des coups qu'il administrait.

"Non Monsieur, non, je vous en prie", criait l'enfant, aussi impuissant devant cette impusion centrifuge imprimée à son corps qu'un poisson accroché à l'hameçon et balancé au bout de la ligne; il apercevait la colline, la meule, le champ, le sentier et les corbeaux qui tournoyaient autour de lui en une course circulaire terrifiante: "Je ... Je... Monsieur je pensais seulement... Il y avait tant de grains dans le champ... Je les ai vu semer... Que les corbeaux pouvaient en prendre un peu pour leur diner... Et cela ne vous ferait pas tort, Monsieur... Et Mr Phillotson m'a dit d'être bon pour eux... Oh! oh! oh!"

Cette explicaition véridique sembla exaspérer le fermier encore plus que si Jude avait tout nier avec énergie; il frappait toujours et faisait tournoyait le gamin. Le bruit de l'instrument se propageait à travers champs, jusqu'aux oreilles des laboureurs éloignés -qui en déduisirent que Jude travaillait avec une grande énergie- il parvenait même à travers le brouillard jusqu'à la tour de  l'église flambant neuve pour laquelle le fermier avait généreusement souscrit voulant ainsi témoigner de son amour pour Dieu et son prochain.

Enfin, Troutham se fatigua de frapper et déposant le gamin tremblant, lui tendit douze sous, salaire de sa journée, et lui enjoginit de rentrer chez lui et de ne jamais remettre les pieds dans un de ses champs.

Thomas Hardy, Jude L'Obscure.
Traduction de F. W. Laparra

23 Şubat 2011 Çarşamba

 LE BAIN FORCE  

L'écrivain soviétique Boris Leonidovich Pasternak (1890-1960) compte parmi les plus grands poètes russes, mais c'est un roman publié en Italie, Le Docteur Jivago, parru en 1957, qui le fit connaitre mondialement. Pour des raisons politiques, le poète ne crut pas devoir accepter le prix Nobel de littérature qui lui fut décerné en 1958. Dans cet extrait de son roman, Nika, -bientôt 14 ans et qui en a assez d'être un petit garçon- et Nadia, son ainée d'un an, font une promenade en bâteau.

Le bord de l'étang était envahi de nénuphars. La barque entailla cette masse avec un bruissement sec. Dans les déchirures du feuillage aquatique l'eau de l'étang suintait, comme du jus de pastèque dans le triangle de l'entaille.

Les deux enfants se mirent à cueillir des nénuphars. Ils saisirent l'un et l'autre la même tige résistante et élastique. Elle les attira l'un contre l'autre. Leur tête se cognèrent. Comme par une gaffe, la barque fut entrainée contre le rivage. Les tiges s'emmêlaient et se racourcissaient, les fleurs blanches au coeur vif comme un jaune d'oeuf sanglant s'enfonçaient sous l'eau et en émergeaient ruisselantes.

Nadia et Nika continuaient à cueillir des fleurs inclinant de plus en plus la barque et presque couchés côte à côte sur le rebord affaissé.
-J'en ai assez d'aller en classe, dit Nika. Il est temps de commencer à vivre: gagner sa vie, être indépendant.
-Et moi qui voulais justement te demander de m'expliquer les équations du second degré. Je suis si nulle en algèbre que ça a failli finir par un examen de passage.
Nika crut entendre dans ces mots on ne sait quelle pointe. Bien sûr elle le remettait à sa place en lui rappelant combien il était encore petit. Les équations du second degré! Et eux qui n'avaient pas seulement mis le nez dans l'algèbre.
Piqué au vif, mais sans le laisser paraitre, il demanda avec une indifférence jouée -et il comprit au même instant combien sa question était sotte:
-Quand tu seras grand qui épouseras-tu?
-Oh, c'est encore si loin. Probablement personne. Je n'y ai pas encore pensé pour le moment.
-Je t'en prie, ne va pas t'imaginer que ça m'intéresse tellement.
-Alors pourquoi le demandes-tu?
-Idiote

Ils commencèrent à se disputer. Nika se souvint de sa misogynie de ce matin. Il menaça Nadia de la noyer, si elle n'arrêtait pas de dire des impertinences. -Essaie un peu! dit Nadia. Il l'a prit à bras le corps. Ils se mirent à lutter. Ils perdirent l'équilibre et tombèrent à l'eau.

Tous deux savaient nager, mais les nénuphars s'accrochaient à leurs bras et leurs jambes, et ils n'avaient pas encore pied; enfin, pataugeant dans la vase, ils parvinrent à grimper sur la berge. L'eau ruissealait de leurs chaussures et de leurs poches. Le plus fatigué des deux était Nika.

Si cela leur était arrivé un peu plus tôt, pas plus tard, qu'au printemps dernier, s'ils étaient trouvés comme maintenant assis côte à côte trempés comme une soupe, après une équipée de ce genre, ils se seraient disputés, ils auraient ri aux éclats, ils auraient certainement fait du bruit.

Mais ils se taisaient et respiraient à peine, écrasés par l'absurdité de l'aventure. Nadia était révoltée et ruminait son indignation, et Nika avait mal dans tout le corps, comme si on lui avait brisé bras et jambes et enfoncé les côtes à coups de bâtons.
Enfin à voix basse, comme une grande personne, Nadia laissa tomber ces mots:  "Fou que tu es!" -Et lui, comme une grande personne également, dit: "Je te demande pardon".
Ils remontèrent vers la maison, suivis par une trace humide, comme deux barriques de porteurs d'eau.

B. L. Pasternak, Le Docteur Jivago
LES SOUVENIRS DE TANTE VERONIQUE

Fils d'un garde forestier, Ernst Wilchert est né en 1887 dans une rude province de la Prusse-Orientale, la Masurie. Déporté à Buchenwald par les Nazis, il a évoqué sa captivité dans la Forêt des morts et Messe  sans nom qui montre que la haine peut toujours devenir amour. Il est mort en 1950. Dans Des forêts et des Hommes il raconte des épisodes de son enfance, sa passion de la nature, certes, mais aussi le climat de féerie qui l'enveloppait grâce à certains êtres comme tante Véronique qui évoquait pour lui une enfance encore plus lointaine, plus rude, mais aussi plus merveilleuse, ici le souvenir des anciens fêtes paysannes.

(...) Ah, le Carnaval..., disait-elle, il s'y passe tant de choses, vois-tu dont ils ne savent rien de nos jours. Regarde tes parents: ils font trois milles en traineau, mettent leurs masques et se déguisent en chasseur et Chaperon Rouge et ils dansent et causent tant et plus, puis s'enroulent de nouveau dans leur fourrure et reprennent le traineau pour rentrer chez eux. Quand j'étais jeune il y a quarante ans, il n'y avait pour nous ni traineau ni fourrure. Ma soeur et moi nous devions faire le ménage, traire les vaches, abrever les veaux jusqu'à la nuit. Et alors on nous permettait de sortir les costumes, les souliers, les bas, un mouchoir de poche, nous mettions dans une corbeille en ligne tout ce qu'il nous fallait. "Et la trompette demandait mon père, vous l'avez aussi?". Oui, nous l'avions la trompette. Et nous voilà parties. Deux milles, mon petit Andréas, et le vent chassait tellement la neige qu'il ne restait pas trace de notre passage derrière nous. Nous chantions à deux voix et après chaque chanson nous changions de côté pour n'avoir pas les mains gelées. Quand la chanson était trop longue nous sautions un couplet. Avec "Tout les bois font silence...", c'était le plus dur. Je crois qu'il y a douze couplets. Ainsi pendant trois heures mon petit Andréas et ensuite nous dansions toute la nuit. J'étais en tzigane et tous les jeunes forestiers me faisaient dire la bonne aventure. Et pour le retour, encore à pied. Et avant le lever du soleil, le fourneau devait être allumé et, tout en trayant les vaches, nous chantions encore, mais pas "Tous les bois font silence". Ça ne convenait pas pour l'étable.
-Et la trompette? demandai-je au bout d'un moment. Est-ce que tu jouais dans l'orchestre, tante Véronique?
Elle laissa tomber ses aiguilles mes regarda.
-Un orchestre? Mais, Andréa, en tant de choses, tu es tellement déformé pour ton âge. Un orchestre! Nous avions de la musique, mais pas d'orchestre. Un violon, une clarinette, et une contrebasse. Dans la grande salle du ciel, il n'y en aura guère plus, sans doute... non, la trompette était pour les loups.
-Pour... tante Véronique!
-Oui pour les loups. De ce temps-là ils hurlaient dans les bois quand les hivers étaient rigoureux, et lorsqu'ils venaient trop près nous posions la corbeille, je prenais la trompette et je soufflais. Cela devait faire une terrible musique, car ils n'osaient pas approcher. Mais il fallair réchauffer l'embouchure, sans quoi plus moyen de décoller les lèvres..., tu ne veux pas le croire? Et bien, viens-ici... tu vois, maintenant? Je tenais l'instrument dans mes mains, un vieil instrument terni cabossé, mais du métal sombre, le souffle magique des temps disparus passait, glacé, dans mes mains, et je croyais distinguer des taches sombres, le sang des loups peut-être (...)

Ernst Wiechert, Des Forêts et des Hommes

22 Şubat 2011 Salı


 WILHELM MEISTER
 (VOCATION THEATRALE)

Dans ses ouvrages, le grand écrivain Allemand Goethe (1749-1832) s'est souvent inspiré de souvenirs personnels. C'est le cas pour son roman, Wilhelm Meister. Pour expliquer l'attrait de son héros pour le théâtre, il lui prête ses souvenirs d'enfance. Un soir de Noël, il assiste à une scène de marionnettes qui met en scène la lutte de David contre Goliath.

Chacun s'était installé et se taisait; un sifflet donna le signal, le rideau se leva  et découvrit l'intérieur d'un temple tout décoré de rouge. Le grand prêtre Samuel fit son entré avec Jonathan, et leurs voix alternées et bizarres me parurent infiniment vénérables. Bientôt après, se fut l'arrivée de Saül, cruellement embarassé par l'insolence du guerrier géant qui l'avait défié lui et les siens. Et ma joie, quand je vis s'avancer le fils d'Isai à la taille de nain, avec sa houlette, sa panetière et sa fronde, et s'écriant: "Tout-Puissant roi et seigneur, que personne ne se décourage à cause de ce Philistin; si Votre Majesté veut bien me le permettre, je marcherai au devant du géant et je me mesurerai avec lui". Le premier acte était terminé et les spectateurs brûlaient d'apprendre ce qui allait advenir. Chacun désirait que la musique cessât bien vite. Enfin le rideau se releva. David vouait la chair du géant aux oiseaux du ciel et aux animaux de la terre; le Philistin se moquait de lui et frappait violement le sol des deux pieds, et pour finir il tomba comme une bûche, donnant ainsi à toute l'action un dénouement splendide. Et tandis que les vierges chantaient: "Saül a frappé ses mille et David ses dix-mille!", que l'on apportait la tête du géant devant le petit berger victorieux; tandis qu'on lui donnait pour épouser la charmante fille du roi malgré toute ma joie, je ne pouvais me consoler de voir cet heureux prince doté d'une taille de nain. Car, fidèle à la tradition gigantesque Goliath et du petit David, on ne s'était pas fait faute de leur donner à tous deux bonne mesure pour leur taille (...).
Puis le rideau tombeau, la porte se referma, et tout le petit auditoire se hâta, dans une sorte d'ivresse et tout chancelant, de gagner son lit; mais je sais que moi, je ne pus m'endormir que j'aurais voulu en savoir davantage et que je fis mille questions, ne pouvant me résoudre à laisser partir la gouvernante qui nous avait reconduits dans nos chambres.

Le lendemain matin, hélas, l'échafaudage magique avait disparu, le voile mystique avait était retiré, la fameuse porte était redevenue le simple passage d'une pièce dans l'autre, et de tant d'aventures, il ne restait pas la moindre trace. Mes frères et mes soeurs étaient tout à leurs jouets, tandis que j'errais seul, de-ci de-là, sans pouvoir admettre qu'il n'y eut plus que c'est deux chambranles, là où tant de miracles s'étaient déroulées hier (...).

A la grande joie de Wilhelm, on organise une seconde représentation.

Alors que la première fois tout était absorbé par la joie et la surprise de la nouveauté, cette deuxième représentation apportait les plaisirs d'une étude attentive et d'un examen minutieux. Comment cela se faisait-il? -tout était là, pour moi, désormais. Je soupçonnais bien, dès la première fois que les marionnettes ne parlaient pas elles-mêmes; qu'elles ne pussent se mouvoir toutes seules. Je le supposais aussi; mais pourquoi tout cela était-il si charmant, pourquoi semblait-il qu'elles fussent douées de voix et de gestes propres? Et où donc se trouvaient les lumières et les "acteurs"? Toutes ces énigmes m'agitaient d'autant plus que j'eusse voulu me trouver en même temps parmi les enchantés et les enchanteurs avoir mes mains dissimulées dans le jeu tout en goûtant les joies de l'illusion en spectateur.

La pièce était terminée on faisait les préparatifs pour l'épilogue, les spectateurs s'étaient levés et bavardés entre eux. Je me rapprochait de la porte et au craquement qui venait de l'intérieur, je compris qu'on était en train de ranger quelque chose. Je soulevai la tenture inférieure et glissai un regard entre les tréteaux. Ma mère m'aperçut et me fit reculer. Mais j'avais eu le temps de voir qu'on emballait dans le même tiroir amis et ennemis SaÜl et Goliath et toute la bande, et ma curiosité, à demi satisfaite, s'en trouva aiguisée d'autant. De plus, à ma grande surprise j'avais distingué le lieutenant fort affairé dans le sanctuaire. Et dès lors, Polichinelle eut beau se démener, mon intérêt était ailleurs. Je me perdis dans une profonde méditation: depuis ma découverte je me sentais à la fois plus calme et plus agitée que naguère. J'avais appris quelquechose et il me semblait désormais que je ne savais rien du tout, et j'avais raison: Le rapport m'échappait qui est, en définitive l'essentiel de toute connaissance.
(Il découvre bientôt la boite où sont rangées les marionnettes, puis le livret et apprend à les animer)

Wolfgang Goethe, Wilhelm Meister.
Traduction Groethoysen, du Colombier, Briode

 DAVID ET GOLIATH

Au temps du roi Saül au Xème siècle av. J-C. les Hébreux étaient en guerre contre les Philistins, habitant de Sud de la Palestine. Les deux armées se préparaient à la bataille, quand un Philistin d'une taille énorme -six coudées et un empan, plus de trois mètres- s'avança: c'était Goliath.
Il demanda aux hébreux de choisir un homme pour le combattre et il les défiait ainsi: "S'il peut me battre et qu'il me tue nous vous seront assujettis, mais si je l'emporte et que je le tue, vous nous serez assujettis et vous nous servirez". Les Israëlites saisis d'une grande crainte, s'enfuirent devant lui. Or David, jeune berger de Béthléem était venu au camp des Juifs pour apporter des provisions à ses frères soldats de Saül, Il entendit le défi et voulut le relever. Il se fit conduire devant le roi Saül.

David dit à Saul: "Que personne ne perde de courage à cause de lui! Ton serviteur ira se battre contre le Philistin". Mais Saül répondit à David: "Tu ne peux pas marcher contre ce Philistin pour lutter avec lui car tu n'es qu'un enfant et lui, il est un homme de guerre depuis sa jeunesse". Mais David dit à Saül: "Quand ton serviteur faisait paitre les brebis de son père et que venait un lion ou un ours qui enlevait une brebis du troupeau je le poursuivais, je le frappais et j'arrachais celle-ci de sa gueule. Et s'il se dressait contre moi, je le saisissait par les poils du menton et je le frappais à mort. Ton serviteur a tué le lion et l'ours, il en sera de ce Philistin comme de l'un d'eux puisqu'il a défié les troupes du Dieu vivant". David dit encore: "Yahvé qui m'a sauvé de la griffe du lion et de l'ours, me sauvera des mains de ce Philistin". Alors Saül dit à David: " Va et que Yahvé soit avec toi!".

Saül revêtit David de sa tenue militaire, lui mit sur la tête un casque de bronze et lui fit endosser une cuirasse. Il ceignit David de son épée, par-dessus sa tenue, mais Davis essaya vainement de marcher car il n'était pas entrainé et il dit à Saül: "Je ne puis pas marcher avec cela car je n'y suis pas entrainé". On l'en débarassa donc.

David prit son bâton en main il se choisit dans le torrent cinq pierres bien lisses et les mit dans son sac de berger, sa giberne. Puis, la fronde à la main il marcha vers le Philistin. Le philistin s'approcha de plus en plus prèd de David, précédé du porte-bouclier. Le Philistin tourna les yeux vers David, et lorsqu'il le vit, il le méprisa, car il était jeune -il était roux, un jeune homme de bel apparence. Le Philistin dit à David: "Suis-je un chien pour que tu viennes contre moi avec des bâtons?" Et le Phillistin maudit David par ses dieux. Le Philistin dit à David: "Viens vers moi que je donne ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs!". Mais David répondit au Philistin: "Tu marches contre moi avec épée, lance et javelot, mais moi je marche contre toi au nom de Yahvé Sabaot, le Dieu des troupes d'Israël, que tu as défiées. Aujourd'hui, Yahvé te livrera en ma main, je te tuerai et je te décapiterai, je donnerai aujourd'hui même ton cadavre et les cadavres de l'armée philistine aux oiseaux du ciel et aux bêtes sauvages. Toute la terre saura qu'il y a un Dieu en Israël, et toute cette assemblée saura que ce n'est pas par l'épée ni par la lance que Yahvé donne la victoire car Yahvé est maitre du combat il vous livre entre nos mains".

Dès que Philistin s'avança et marcha au-devant de David, celui-ci sortit des lignes et courut à la rencontre du Philistin. Il mit la main dans son sac et en prit une pierre qu'il tira avec la fronde. Il atteignit le Philistin au front; la pierre s'enfonça dans son front et il tomba la face contre terre. Ainsi David triompha du Philistine avec la fronde et la pierre: il frappa le Philistine et le fit mourir; il n'y avait pas d'épée entre les mains de David. David courut et se tint debout sur le Philistin; saisissant l'épée de celui-ci, il la tira du fourreau, il acheva le Philistin et lui trancha la tête. Les Philistins voyant que leur champion était mort, s'enfuirent. Les hommes d'Israël et de Juda se mirent en mouvement, poussèrent le cri de guerre et poursuivirent les Philistins jusqu'aux approches de Gat et jusqu'aux portes d'Egron.

LA BIBLE, I, SAMUEL 17-18

AUTEURS et LEURS OEUVRES

  • Louis Aragon (20ème siècle)
  • Samuel Beckett - "En Attendant Godot" (20ème siècle - Théâtre)
  • Eugène Ionesco - "La Cantatrice Chauve", "Rhinocéros" (20ème siècle - Théâtre)
  • Aimé Césaire - "Cahier du Retour au Pays Natal" (20ème siècle)
  • Jacques Prévert - "Paroles" (20ème siècle)
  • Marguerite Yourcenar - "Alexis ou Le traité du Vain Combat" (20ème siècle)
  • André Breton - "Nadja" (20ème siècle)
  • Jean Cocteau - "Les Enfants Terribles" (20ème siècle)
  • Jean-Paul Sartre - "Huis Clos", "Les Mouches", "La Nausée", "Le Mur" (20ème siècle)
  • Albert Camus - "L'Etranger", "La Peste" (20ème siècle)
  • Colette - "Les Séries de "Claudine" (20ème siècle)
  • Guillaume Apollinaire - "Calligrammes" (20ème siècle - Poésie)
  • André Gide - "Les Nourritures Terrestres", "La Symphonie Pastorale", "Les Caves du Vatican", "Les Faux Monnayeurs" (20ème siècle)
  • Paul Verlaine - "Romances Sans Paroles" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Arthur Rimbaud - "Le Dormeur du Val" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Mallarmé - "Poésies" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Charles Baudelaire - "Les Fleurs du Mal", "L'Etranger" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Emile Zola - "Germinal", "L'Assommoir", "Thérèse Raquin", La Bête humaine" (19ème siècle, Naturalisme)
  • Guy de Maupassant - "Papa de Simon", "L'Auberge", "Aux Champs", "La Ficelle", "Pierrot", "Toine", "La Bête du Maitre Belhomme", "La Parrure", "La Dot", "La Rempailleuse" (19ème siècle - Réalisme)
  • Alexandre Dumas - "Les Trois Mousquetaires", "Le Comte de Monte Cristo", "La Reine Margot" (19ème siècle)
  • George Sand - "La Petite Fadette", "La Mare au Diable" (19ème siècle)
  • Gustave Flaubert - "Madame Bovary", "Salammbô", "L'Education Sentimentale" (19ème siècle - Réalisme)
  • Honoré de Balzac - "Le Père Goriot", "Eugénie Grandet", La Peau de Chagrin", "Le Colonel Chabert", "Le Lys dans La Vallée", "Illusions Perdues", "Le médecin de Campagne", "Les Chouans" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Stendhal - "Le Rouge et Le Noir", "La Chartreuse de Parme", "Vie de Rossini" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Victor Hugo - "Notre Dame de Paris", "Les Misérables", "Le Dernier Jour d'Un Condamné", "Les Orientales", "Hernani", "Cromwell", "William Shakespeare" (19ème siècle - Romantisme)
  • Gérard de Nerval - "Odelettes" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Vigny - "La mort du Loup" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Musset - "Les Caprices de Marianne" (19ème siècle - Romantisme, théâtre)
  • Alphonse de Lamartine - "Méditations Poétiques" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Bernardin de Saint-Pierre - "Paul et Virginie" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Madame de Staël - "Colline et Delphine", "De l’Allemagne" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Senancour - "Oberman" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Benjamin Constant - "Adolphe" (19ème siècle - Préromantisme)
  • François René de Chateaubriand - "Mémoires d'Outre-Tombe", "René" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Le Sage - "Gil Blas de Sentillane" (18ème siècle)
  • Marquis de Sade - "Justine ou Les Malheurs de la vertu", "Les 120 jours de Sodome" (18ème siècle)
  • Choderlos de Laclos - "Les Liaisons Dangereuses" (18ème siècle - Roman Epistolaire)
  • Jean-Jacques Rouseau - "Emile ou de L'Education", "Les Confessions", "Julie ou La Nouvelle Héloïse" (18ème siècle)
  • Voltaire - "Candide", "Zadig", "Micromégas" (18ème siècle)
  • Diderot - "Le Neveu de Rameau" (18ème siècle)
  • Beaumarchais - "Le Barbier de Séville", "Le Mariage de Figaro" (18ème siècle - Théâtre)
  • Marivaux - "Le Jeu de L'Amour et du Hasard" (18ème siècle - Théâtre)
  • Montesquieu - "L'Esprit des Lois", "Les Lettres Persanes" (18ème siècle)
  • Jean Racine - "Andromaque", "Bérénice", "Britannicus", "Phèdre", "Iphigénie" (17ème siècle - Tragédie)
  • Pierre de Corneille - "Le Cid" (17ème siècle - Tragédie)
  • Molière - "L'Avare", "Le Bourgeois Gentilhomme", "Les Précieuses Ridicules", "Dom Juan", "Le Malade Imaginaire", "Tartuffe", "L'Ecole des Femmes", "Amphitryon", "Les Fourberies de Scapin", "Les Femmes Savantes" (17ème siècle - Comédie)
  • Madame de la Fayette - "La Princesse de Clèves" (17ème siècle)
  • Jean de La Fontaine - "Les Fables" (17ème siècle)
  • Joachim du Bellay - "Regrets" (16ème siècle)
  • Pierre de Ronsard - "Sonnets pour Hélène", "Sonnets pour Marie", "Sonnets pour Cassandre" (16ème siècle)
  • Michel de Montaigne - "Les Essais" (16ème siècle)
  • Thomas More - "L'Utopie" (16ème siècle)
  • Erasmes de Rottherdam - "L'Eloge de la Folie", "Les Antibarbares" (16ème siècle)
  • François Rabelais - "Gargantua" , "Pantagruel" (16ème siècle)