AUCASSIN ET NICOLETTE
Aucassin et Nicolette est l’histoire d'amour la plus connue parmi les fables françaises. Elle n’a été conservée que par un unique manuscrit du fonds français de la bibliothèque nationale de France. La date de cette oeuvre reste imprécise. On la situerait plutôt à l'extrême fin du XIIe siècle ou dans la première moitié du XIIIe siècle. Dans le texte même, l’auteur anonyme a baptisé l'oeuvre de « chantefable», ce qui est l'unique attestation de ce mot.
Le manuscrit est constitué de plus de quarante morceaux où alternent des laisses assonancées destinées au chant, introduites par «or se cante» (cela se chante) et des morceaux de prose, passages narratifs faits pour la récitation, précédés de « or dient et content et fabloient» (maintenant on parle, on raconte et l’on bavarde).
Cette chantefable emprunte à la poésie lyrique quelques motifs traditionnels de la chanson d’amour et de la poésie courtoise; à l’épopée, les récits de batailles et le motif de la guerre féodale. L’auteur doit le portrait de l’héroïne au roman ainsi que quelques épisodes merveilleux dont la chasse à la bête magique dans la forêt.
Les personnages sont tout aussi originaux que la forme choisie. Dans cette histoire d'amour contrarié, le jeune homme, Aucassin, est paralysé par son amour et pleure beaucoup tandis que la jeune sarrasine est pleine d'énergie et d'esprit de décision.
Une succession d’heureuses transformations assure aux deux héros un plus grand état de conscience et d’épanouissement. Cette profondeur qu’ils gagnent en évoluant, fera d’eux les seuls personnages vraisemblables de l’oeuvre. Ils imposent leur propre logique au monde de la chantefable, la logique du désir d’aimer.
RESUME
Aucassin est amoureux de tant de charmes. Nicolette est la plus appétissante fille qui se soit offerte aux lèvres gourmandes d’un homme. Nicolette est aussi amoureuse de son amoureux. L’auteur trace d’Aucassin le même portrait que Nicolette. L’un est en homme ce que l’autre est en femme: deux coprs fondus en un seul. Cependant ce mutuel amour qui eût attendri des tigres, irrite le Comte Garin de Beaucaire refusant l’amour de son fils pour une esclave car Nicolette est achetée aux Sarrasins mais en fait c'est la fille du Roi de Carthage. D'autre part comme le jeune homme est issu d'une famille chrétienne et la demoiselle est considérée comme musulmane cet amour est deux fois impossbile à l'époque.
Le Comte voudrait bien que son fils Aucassin participe à la guerre qui ravage le pays mais celui-ci ne pense qu’à Nicolette, qu’on enferme alors. Aucassin, à la condition de la revoir accepte la bataille et s’y déchaine. Nicolette s’échappe courageusement de sa prison et se réfuige dans la forêt, préférant les animaux atroces aux hommes, plus féroces et plus bêtes que les animaux. On l’accompagne dans sa fuite tramblant pour elle, ému comme elle, attristé comme elle par l’attente de son ami.
Au château, le Comte Garin libère Aucassin qui va se promener dans la forêt, où il apprend des petits bergers que Nicolette s’y trouve. Tout à sa recherche, il croise un bouvier qui a perdu son bœuf. Il s’éloigne de lui, trouve une hutte qu’il devine construite par Nicolette. Il s’y repose, blessé lors d’une chute de cheval. Nicolette arrive et le guérit.
Ils voyagent, sont pris par une tempête. Ils se retrouvent à Torelore où tout est à l’envers, puis sont enlevés et séparés. Aucassin se retrouve à Beaucaire où son père est mort, et Nicolette à Carthage, son pays natal, d’où, déguisée en jongleur, elle s’échappe pour rejoindre Beaucaire. Elle se dévoile à Aucassin; il la prend pour femme « et ils s’abandonnent à leur plaisir ».
EXTRAIT DE L'OEUVRE
Un jour je vis un pèlerin
Qui s'en venait du Limousin:
II était frappé de vertige.Il gisait couché dans un lit
Sans voix, sans souffle, déconfit
Et mal en point. Mais, ô prodige!
Près du lit tu vins à passer;
Tu soulevas, sans y penser,
Ta robe et ton manteau d'hermine,
Et ta chemise de blanc lin;
II aperçut ta jambe fine,
Et fut guéri le pèlerin:
Du lit il se leva sur l'heure
Et retourna, gaillard et sain,
En son pays de Limousin.
Douce amie, ô toi que je pleure,
Ma Nicolette, ô mon amour,
Au doux aller, au doux retour,
Au doux maintien, au doux langage,
Aux doux baisers, au doux visage,
Au front blanc plus pur que le jour,
Contre toi quelle âme inhumaine
Pourrait se sentir de la haine?...