LA LITTERATURE D'EGLISE
AU MOYEN-AGE
Au Moyen-Age, l'Eglise est le refuge de la science: clerc est synonyme de savant. Aussi elle a le monopole de l'enseignement: dans ses Universités, elle enseigne la théologie, la philosophie, les arts libéraux en latin, puis dans un latin mêlé de français, enfin en français. Elle inspire toute la littérature didactique, si florissante alors que Dante en fait une des principales gloires de la France. Elle représente un immense effort, le désir de l'Eglise détentrice du savoir humain, de le traduire du latin et de l'adapter à l'esprit du peuple. Ce peuple qui s'amusait à la grossièreté des fableaux était croyant et docile et c'est de l'Eglise qu'il attendait la lumière.
La prédication au XIIème siècle
Les prédicateurs qui poussèrent les chevaliers et le peuple à la Croisade furent certainement éloquents. Mais leurs sermons ne sont pas parvenus jusqu'à nous: s'ils les prononçaient en français, ils les écrivaient en latin, quand ils les écrivaient. Le receuil de Maurice De Sully, évêque de Paris, est un formulaire qui a pour but de fournir des modèles de sermons au clergé: ce n'est pas de la prédication vivante.
La prédication au XIIIème siècle
Les Franciscains et les Dominicains donnèrent, au XIIIème siècle, une grande impulsion à la prédication populaire. A cette époque, on rencontre des fragments de sermons en latin macaronique (latin mêlé de français). Il semble facile d'en expliquer l'origine. Le grand sermon solennel se prononçait encore en latin: comme le peuple ne comprenait plus cette langue que vaguement, les prédicateurs étaient amenés à traduire de temps en temps leur pensée en langue vulgaire, pour se mettre en communication plus intime avec l'auditoire.
La prédication écrite
C'est une sorte de prédication écrite que la littérature édifiante des contes dévots. Ils étaient tirés des recueils latins d'exemples qui servaient aux prédicateurs pour illustrer leurs sermons. Le type de ces contes est le Chevalier au barizel dont on fait aussi un fableau, et ce Dit dou vrai Aniel (de l'anneau véritable) qui fut si célèbre pendant tout le Moyen-Age. Il faut ranger dans cette catégorie des récits édifiants les miracles de la Vierge dont le culte avait pris au XIIème siècle une si grande ampleur. Le recueil le plus célèbre de Miracles de Notre-Dame est celui de Gautier de Coinci qui est très attachant par la naïveté et par la ferveur mariale.
La littérature didactique du Moyen-Age n'est pas originale. Elle se compose de traductions et de compilations faites par les clercs pour les laïques qui ignorent le latin. Toute la religion, la morale et les sciences connues alors sont enseignées en prose et en vers, presque toujours sous la forme allégorique. Quoique la valeur littéraire de cette oeuvre immense soit médiocre, il faut dire un mot des genres principaux.
Bestiaires, lapidaires, volucaires sont les noms que l'on donne à des poèmes scientifiques sur les bêtes, sur les pierres, sur les oiseaux. Un bestiaire célèbre est celui où Philippe de Thaon, au début du XIIème siècle décrit les animaux sous la forme d'une allégorie morale: le lion représente Jésus, le crocodile le diable etc... A la même époque l'évêque de Rennes, Marbode, écrit un lapidaire qui fut regardé comme le dernier mot de la science: c'est un compendium de traditions bizarres et de superstitions dont médecins, apothicaires et orfèvres devaient faire un si grand usage.
Sous ce titre on publia surtout au XIIIème siècle des encyclopédies. La plus connu est l'image du monde de Gautier de Metz, destinée à faire connaitre aux laïques les oeuvres de Dieu et de "clergie", la géographie, la cosmographie, l'astronomie. Il faut citer le Trésor de Brunetto Latini, le maitre de Dante, qui écrit en français, non en italien, parce que, dit-il, "la parleure française est plus délitable et plus commune à toutes gens".
Les traités d'éducation, très nombreux au Moyen-Age, s'appelaient, doctrinal, castoiement ou chastiement. On cite en particulier Le Chastiement des Dames, de Robert de Blois, sorte de traité de politesse à l'usage des dames; l'auteur leur enseigne à ne pas jurer, ni trop boire, ni trop manger, ni mentir, ni voler; il les exhorte à manger proprement et à s'essuyer les lèvres avant de boire. Certains de ces conseils sont empreints d'une bonhomie malicieuse.
Les Bibles sont les traités de morale et des exhortations à bien vivre. On peut citer dans ce genre la Bible de Guiot de Provins, bénédictain où les conseils moraux se mêlent à une satire parfois assez violente. La Bible d'Hugues de Berzé qui est du même ton, Le Livre des manières d'Etienne de Fougères, Le Besant Dieu de Guillaume le Clerc qui sont moins violents, et le livre des Quatre Ages de l'Homme de Philippe de Novare.
On désigne sous le nom de "Batailles / débats" des discussions entre des personnages allégoriques comme le vice et la vertu. Ce genre fut très à la mode au XIIIème siècle. Citons La Disputation du Vin et de l'Eau, la Bataille de Caresme et de Charnage, la Disputation du Corps et de l'Ame, etc...
Toute cette littérature didactique est sans art et sans agrément, elle abuse jusqu'à satiété de l'allégorie mais dans quelques ouvrages il faut remarquer une connaissance assez fine de l'âme humaine. Les contemporains de Saint-Thomas d'Aquin ne manquent pas de psychologie.