LA FARCE DE MAÎTRE PATHELIN
C’est une farce médiévale, anonyme, écrite en octosyllabes et à rimes plates, ayant paru à la fin du XVème siècle, vers 1465.
Maître Pierre Pathelin est le fourbe tout craché, qui allie la sagacité à la bonhomie. Ingénieux plus que cultivé, quoique baragouinant plusieurs dialectes et maniant -douteusement- le latin, ses diverses expériences passées en font un maître de l'escroquerie. Précurseur de Scapin, il ne manque pas de tours dans son sac et sait parfaitement comment satisfaire son dessein: usant de la flatterie, de ses dons de comédien et de sa ruse, il appâte Guillaume en lui faisant tour à tour gober, qu'il est citadin modèle et sinon fortuné, du moins sans soucis pécuniaires, -il a mis de côté 80 écus pour une rente, et verse le "denier à Dieu", geste coutumier précédent tout commerce-, qu'il est malade et sur le point de rendre l'âme. Escroc, il ne nous est pas moins sympathique: "advocat dessoubz l'orme", il est poussé à ces filouteries par la détresse qui sévit sur son foyer. Descendant de Renart, il incarne comme lui le petit peuple: il prend sa revanche sur les classes privilégiées, mais succombe aux ruses du petit peuple.
Guillemette fait honneur à son époux, et n'a rien à lui envier. Paraissant plus sensée que ce dernier, elle fait preuve d'un semblant de moralité, en demandant à son mari avec quel argent il a payé, en craignant la saisie, et en rappelant à ce dernier qu'il a déjà été châtié pour ses sournoiseries. Cependant, elle est comme lui sans scrupules et s'acquitte on ne peut mieux de son rôle. Complice de Pathelin, elle rit avec lui du tour joué à Guillaume.
Guillaume Joceaulme le drapier que ses défauts nous rendent peu sympathique, est le souffre-douleur de la pièce. En effet, âpre au gain, il ne manque pas de voler son client pour satisfaire son avidité. C'est un menteur (il certifie ne tirer aucun bénéfice du drap: "Il le m'a cousté" dit-il, parlant du prix; il cache bien son jeu en justifiant le coût par de nombreuses raisons: "Trestout le bétail est péri" ...), doublé d'un escroc: non content de voler Pathelin sur le prix, il aulne "ric a ric". Ajouter à cela le mépris du client qu'il traite de "becjaune". Sa bêtise couronne le tout: il ne flaire pas la supercherie. Bref, il présente tous les vices du plus misérable marchand, et le sort qui l'attend, la perte de son drap et de son procès, nous paraît justifié, ne faisant que renforcer le comique.
Le thème principal c’est la satire comique des moeurs
Véritable farce, l'oeuvre recèle tous les procédés comiques susceptibles d'égayer rondement l'auditoire. A ces fins, l'auteur use tour à tour du comique de mot, de situation, de caractère, et de moeurs:
Le comique verbal, tout d'abord, est omniprésent, et place d'office la pièce sous le signe du rire. Dès la rencontre de Pathelin et du drapier, le dialogue regorge de jurons et d'expressions populaires propres à amuser le public. Le délire de l'avocat alité y participe également: il brode un latin de son invention, insensé, puis divague en de nombreux dialectes. Le comique de répétition prend la relève en deux occasions: quand Guillemette accueille Guillaume, elle lui répète sans cesse "parlez bas", mais est la première à tonitruer, ressassant inlassablement sa rengaine; au tribunal, Thibaut bêle sans relâche.
"Ces phisicïens m'ont tué
de ses brouliz qu'ilz m'ont fait boire;
et toutesfois les fault il croire!
Ils en oeuvrent comme de cire."
Le trompeur trompé (ou à trompeur, trompeur et demi) est la seule morale acceptée dans la farce. Que ce soit Pathelin qui faute d'avoir berné le drapier est à son tour roulé par le berger et ses "bées" au moment de payer, ou Guillaume Jeauceaulme qui croyant abuser Pathelin sur le prix du drap, subit la fourberie de l'avocat, bref, la tromperie est érigée en règle.
Les plaisirs de la vie; le seul désir de jouir meut les protagonistes qui ne s'attachent qu'à la ripaille, le gain et le jeu: Guillaume se laisse convaincre par une oie, le larcin de Thibaut est d'avoir dévoré quelque trente agneaux, et le juge clôt le procès pour aller déjeuner prestement; Guillaume est mû par l'appât du gain, de même que Pathelin qui exulte de son futur payement; l'avocat s'amuse à jouer la comédie devant le drapier et le berger prend sa relève. Cette tendance s'ajoute à la satire des moeurs.
RÉSUMÉ
Maître Pathelin et son épouse Guillemette se lamentent sur leur sort. Sans un sou et sans clients, ils ont besoin de drap, et le rusé Pathelin se décide tout de même à aller à la foire, comptant bien user de quelque tour.
Arrivant devant l'étal de Guillaume Joceaulme, drapier de son état, l'avocat ne tarit pas d'éloge à son égard, et loue abondamment son père, à qui il ressemble "mieulx que goute d'eaue". Après tant de flatteries, Pathelin fait mine de s'intéresser par hasard à une pièce de drap et finit par en réclamer six aunes. Il prie le marchand de venir chez lui prendre son dû. Tout d'abord méfiant, Guillaume se laisse tenter par un verre et une oie que Pathelin l'invite à partager dans son logis. Pathelin s'en va avec le drap, se moquant du drapier qu'il ne compte pas payer, tandis que Guilllaume se réjouit d'avoir volé un client.
De retour au foyer, Pathelin conte l'histoire à sa femme, et prépare un subterfuge pour berner le marchand. Il s'alite et feint la maladie.
Le drapier se refuse à boire, quand il peut le faire gratis chez l'avocat, et se décide à partir, n'espérant plus rien vendre. Accueilli par Guillemette, qui l'exhorte à parler bas par respect pour son mari malade, Guillaume ne peut croire à la supercherie. Mais Guillemette assure que Maître Pierre est au lit depuis onze semaines, et fait entrer le marchand dans sa chambre. Tandis que Guillaume s'obstine à réclamer ses neuf francs, Pathelin délire et feint de le prendre pour médecin. Ahuri, Guillaume s'excuse et s'en va croyant avoir rêvé. Alors que les époux se gaussent, le drapier revient après avoir vérifié que le drap manquait à son étal. Pathelin se met à délirer de plus belle, en dialecte limousin, puis picard, normand, breton, et enfin latin. Ce tour de force achève de convaincre de son erreur Guillaume, qui impute le vol du drap au diable.
Poursuivi par la malchance, le drapier s'aperçoit qu'il est volé par son berger, Thibaud l'Agnelet, et compte le traduire en justice. Thibaud vient demander à Maître Pathelin de le défendre, et lui explique son affaire: il a assommé et mangé plusieurs moutons à son maître. L'avocat, ravi de l'aubaine de trouver un client, enjoint au berger de simuler le naïf, et de répondre "Bée" à toute question.
Devant le juge, Pathelin renverse les rôles et accuse le drapier de peu payer son berger. Guillaume révolté, ayant reconnu Pathelin, mélange les deux affaires, s'attire les disgrâces du juge pour son incohérence et passe pour fou. Le "Bée" répété du berger à toutes les questions qu'on lui pose pousse le juge à classer l'affaire et absoudre le berger qui paraît fou. Le drapier reconnaît bien l'homme qu'il a laissé pour mourant, ce que réfute Pathelin. Voulant tirer la chose au clair, Guillaume court chez Guillemette voir s'il y est.
Maître Pathelin et le berger restent seuls. L'avocat félicite pour son jeu Thibaut, puis réclame sa solde, mais Thibaud de répondre "Bée" sans relâche. Le trompeur trompé court chercher un sergent tandis que s'enfuit le futé.
Le comique de situation, tient une place importante. Il naît tout d'abord d'un quiproquo: en se quittant, Pathelin et Guillaume sont tous deux persuadés d'avoir berné l'autre; Guillaume se réjouit d'avoir escroqué l'avocat en lui vendant six aunes de drap hors de prix et d'avoir gagné de plus un repas gratis, alors que Pathelin se félicite d'avoir dupé le drapier en ne lui payant point son dû. Ensuite le renversement de situation qui voit le drapier jubilant brusquement ahuri et déçu, puis le délire de Pathelin, amusent. De même, Guillemette demande tout d'abord au drapier de parler bas, puis elle-même s'égosille si bien que les rôles sont inversés et que c'est Guillaume qui lui fait remarquer ses éclats de voix. La confusion du drapier qui mélange les deux affaires, et l'ultime duperie dont est victime l'avocat, pris à son propre jeu, parachèvent la farce.
Le comique de caractère; Guillaume se laisse séduire par des flatteries exagérées: Pathelin loue sa tante Laurence ainsi que son père auquel il ressemble soi-disant grandement, et qui "prestoit ses denrees a qui les vouloit", ce qui est cocasse, quand on sait que la seule chose que désire l'avocat est de prendre un drap à crédit. Le drapier est indéterminé et naïf, se laissant persuader qu'il a rêvé, puis mêlant les deux affaires lors du procès. Guillemette, comme son mari est sans scrupule et joue parfaitement le rôle que ce dernier lui assigne.
A ces comiques se mêle un comique de moeurs, faisant la satire légère de plusieurs corps. Ainsi, la corporation des drapiers, très importante à l'époque, est décriée à travers Guillaume, qui, avide, escroc et profiteur, ne se satisfait pas de voler un client, et pousse le vice jusqu'à aller chez lui manger "de [s]on oye". Non content d' "aulner" "ric a ric" (ric-rac), il lui "baille" pour "vingt et quatre solz l'aulne" un drap "qui n'en vault pas vingt". Propriétaire d'un troupeau, il vole également son berger. Le juge, pareillement, est empressé, ne s'adonne pas corps et âme à sa fonction et se hâte d'en finir, prétextant une affaire, alors qu'il invite l'avocat à déjeuner. Il écoute les suggestions de l'avocat, et ne décèle rien de la fourberie. Il est également fait allusion aux médecins lors du délire de l'avocat qui se plaint de leurs pilules (qui lui ont "gasté les machouës") et déclare:
"Ces phisicïens m'ont tué
de ses brouliz qu'ilz m'ont fait boire;
et toutesfois les fault il croire!
Ils en oeuvrent comme de cire."
Le trompeur trompé (ou à trompeur, trompeur et demi) est la seule morale acceptée dans la farce. Que ce soit Pathelin qui faute d'avoir berné le drapier est à son tour roulé par le berger et ses "bées" au moment de payer, ou Guillaume Jeauceaulme qui croyant abuser Pathelin sur le prix du drap, subit la fourberie de l'avocat, bref, la tromperie est érigée en règle.
Les plaisirs de la vie; le seul désir de jouir meut les protagonistes qui ne s'attachent qu'à la ripaille, le gain et le jeu: Guillaume se laisse convaincre par une oie, le larcin de Thibaut est d'avoir dévoré quelque trente agneaux, et le juge clôt le procès pour aller déjeuner prestement; Guillaume est mû par l'appât du gain, de même que Pathelin qui exulte de son futur payement; l'avocat s'amuse à jouer la comédie devant le drapier et le berger prend sa relève. Cette tendance s'ajoute à la satire des moeurs.
RÉSUMÉ
Maître Pathelin et son épouse Guillemette se lamentent sur leur sort. Sans un sou et sans clients, ils ont besoin de drap, et le rusé Pathelin se décide tout de même à aller à la foire, comptant bien user de quelque tour.
Arrivant devant l'étal de Guillaume Joceaulme, drapier de son état, l'avocat ne tarit pas d'éloge à son égard, et loue abondamment son père, à qui il ressemble "mieulx que goute d'eaue". Après tant de flatteries, Pathelin fait mine de s'intéresser par hasard à une pièce de drap et finit par en réclamer six aunes. Il prie le marchand de venir chez lui prendre son dû. Tout d'abord méfiant, Guillaume se laisse tenter par un verre et une oie que Pathelin l'invite à partager dans son logis. Pathelin s'en va avec le drap, se moquant du drapier qu'il ne compte pas payer, tandis que Guilllaume se réjouit d'avoir volé un client.
De retour au foyer, Pathelin conte l'histoire à sa femme, et prépare un subterfuge pour berner le marchand. Il s'alite et feint la maladie.
Le drapier se refuse à boire, quand il peut le faire gratis chez l'avocat, et se décide à partir, n'espérant plus rien vendre. Accueilli par Guillemette, qui l'exhorte à parler bas par respect pour son mari malade, Guillaume ne peut croire à la supercherie. Mais Guillemette assure que Maître Pierre est au lit depuis onze semaines, et fait entrer le marchand dans sa chambre. Tandis que Guillaume s'obstine à réclamer ses neuf francs, Pathelin délire et feint de le prendre pour médecin. Ahuri, Guillaume s'excuse et s'en va croyant avoir rêvé. Alors que les époux se gaussent, le drapier revient après avoir vérifié que le drap manquait à son étal. Pathelin se met à délirer de plus belle, en dialecte limousin, puis picard, normand, breton, et enfin latin. Ce tour de force achève de convaincre de son erreur Guillaume, qui impute le vol du drap au diable.
Poursuivi par la malchance, le drapier s'aperçoit qu'il est volé par son berger, Thibaud l'Agnelet, et compte le traduire en justice. Thibaud vient demander à Maître Pathelin de le défendre, et lui explique son affaire: il a assommé et mangé plusieurs moutons à son maître. L'avocat, ravi de l'aubaine de trouver un client, enjoint au berger de simuler le naïf, et de répondre "Bée" à toute question.
Devant le juge, Pathelin renverse les rôles et accuse le drapier de peu payer son berger. Guillaume révolté, ayant reconnu Pathelin, mélange les deux affaires, s'attire les disgrâces du juge pour son incohérence et passe pour fou. Le "Bée" répété du berger à toutes les questions qu'on lui pose pousse le juge à classer l'affaire et absoudre le berger qui paraît fou. Le drapier reconnaît bien l'homme qu'il a laissé pour mourant, ce que réfute Pathelin. Voulant tirer la chose au clair, Guillaume court chez Guillemette voir s'il y est.
Maître Pathelin et le berger restent seuls. L'avocat félicite pour son jeu Thibaut, puis réclame sa solde, mais Thibaud de répondre "Bée" sans relâche. Le trompeur trompé court chercher un sergent tandis que s'enfuit le futé.