LE XVIIEME SIECLE
HISTORICO-SOCIAL & CULTUREL
LE BAROQUE
L'adjectif baroque garde encore dans ses acceptions les plus courantes une connotation péjorative, impliquant excentricité, bizarrerie, manque de bon sens...
Il appartient au XXème siècle d'avoir réhabilité le nom "le baroque" et, avec lui, une esthétique et une sensibilité que ses prédécesseurs jugeaient avec beaucoup de condescendance. Du portugais "barocco", terme de joaillerie désignant une perle irrégulière, le mot sous-entend beauté et imperfection, peut-être une beauté et un prix liés à l'irrégularité. D'abord appliqué aux arts pour qualifier une peinture et une architecture rompant avec celles de la Renaissance, il est employé depuis 1950, pour désigner une littérature (autrefois négligée) qui s'est développée à la fin du XVIème siècle et dans la première moitié du XVIIème siècle. En ce sens, la littérature baroque précède la littérature classique.
L'adoption par la critique littéraire de la notion de baroque a eu pour effet de repousser la période classique au début du règne de Louis XIV, c'est-à-dire aux années 1660-1685. Courte période, mais période d'une rare richesse, au cours de laquelle abondent les chefs-d'oeuvre et s'installe une fragile harmonie entre les goûts et les attentes de la société polie d'une part et la production littéraire et artistique d'autre part. Si chronologiquement, le classicisme succède au baroque, dans les faits, tout n'est pas aussi simple. L'évolution de l'un à l'autre est le résultat d'une longue osmose entre des sensibilités et des esthétiques en apparence opposées, mais qui peuvent se trouver réunies chez un même auteur. Parce que le baroque est protéiforme, il n'existe pas de pur baroque. La littérature des années 1660 est avant tout destinée à "plaire" et c'est en formant et en rejoignant les goûts du public pour un "juste millieu" et le naturel, qu'elle y parvient.
Ainsi, tandis qu'au fil des années le baroque, d'abord synonyme d'individualisme, d'excès et de liberté, s'assagit en devenant plus ludique-sans jamais disparaitre totalement- le classicisme s'établit, en marge d'une figure doctorale, mais en harmonie avec un idéal de beauté et de mesure qui est celui des honnêtes gens.
Le XVIIème siècle littéraire et artistique commence en 1598, date de la promulgation de l'Edit de Nantes et s'achève en 1715, à la mort de Louis XIV, le roi qui l'a le plus marqué. C'est la période qui s'étend de 1660 à 1680, période classique par excellence.
Quelques années plus tard, la révocation de l'Edit de Nantes (1685) constitue un point de non-retour, brisant définitivement une paix sociale et une certaine tolérence qui avaient permis à l'idéal d'honnêteté et aux valeurs du classicisme de se développer.
Le phénomène baroque est reconnu comme un phénomène européen: l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne, l'Angleterre y ont été sensibles, à des degrés divers. Tous ces pays connaissent, entre 1550 et 1660 des périodes de trouble dont le plus célèbre est au XVIIème siècle La Guerre de Trente Ans. La France de la deuxième moitié du XVIème siècle est en proie aux troubles et notamment à la guerre civile qui prend la forme des guerres de religion -Saint-Barthélémy en 1572- Promulgation de l'Edit de Nantes en 1598. En trente ans de guerres, accompagnées de leur cortège d'intrigues secrètes, de pillage, de massacres, de famine et d'épidémies, le spectacle de la mort violente est devenu coutumier. Le sentiment d'une instabilité générale, celui de la fragilité de la vie, le désir d'affirmer sa foi et ses haines aux yeux du monde, y compris par la violence, se sont imposés dans les esprits. Ils deviennent source d'inspiration et thèmes de prédilection pour des écrivains baroques, poètes notamment, comme d'Aubigné, Sponde, Chassignet.
Henri IV meurt en 1610 sous les coups de Ravaillac. Son fils Louis XIII âgé de neuf ans, doit laisser le pouvoir à sa mère Marie de Médicis qui le confie bientôt à son favori, Concini. Femme d'une grande piété, décrite comme avide de pouvoir, elle mène une vie hispanophile qui a pour effet de susciter la contestation de Condé, chef du parti protestant. L'assassinat de Concini, sur ordre de Louis XIII et son remplacement par Luynes ne mettent pas fin à ces troubles.
Le jeune roi doit affronter sa propre mère et l'armée des princes, de nouvelles révoltes protestantes. Le Cardinal de Richelieu arrive. C'est un catholique convaincu mais nullement dévot. S'instaure ainsi un Etat fort, dans lequel une répression sans pitié peut s'abattre sur les nobles insoumis comme sur les provinces contestataires. Le Cardinal s'efforce d'assurer le développement économique du pays et fait entrer ouvertement la France dans la guerre de Trente Ans, offrant à ses grands seigneurs l'occasion de briller à nouveau. Son influence sur les lettres et les arts n'est pas négligeable: Création de "l'Imprimerie Royale" et de la "Gazette" de Théophraste Renaudot.
CREATION DE L'ACADEMIE FRANÇAISE
La fondation de l'Académie Française traduit le besoin éprouvé par un bon nombre de gens du monde, d'écrivains, d'artistes et de savants, d'une amélioration de la langue française troublée par les jargons divers, les négligences généralisées, le mauvais usage. Et Richelieu, désireux d'unifier le pays et d'en assurer le rayonnement par la langue fait d'un cercle d'intellectules qui se réunissaient chex Valentin Conrart, le noyau de son Académie. Il trouve en eux des gens instruits, comme Jean Chapelin, Antoine Godeau, Malherbe. L'Académie fut créée et la première séance eut lieu le 13 Mars 1634. Les "lettres patentes" sont signées de Louis XIII le 29 janvier 1635, elles donnent une existence officielle à la compagnie et définissent sa raison d'être qui était de contribuer à l'épanouissement des belles-lettres et au perfectionnement de la langue française. Les membres de la nouvelle compagnie prennent le nom d'académiciens. Ils se réunissent d'abord chez eux, ils s'installent ensuite à l'hôtel du chancelier Séguir (1642) à sa mort au Louvre (1672).
Leur nombre est dès le début fixé à quarante. Les éléctions devaient être approuvées par le Roi. Les discours de réception prononcés par les nouveaux admis furent souvent des exposés importants pour l'histoire littéraire, surtout à partir de 1672, lorsque les réceptions devinrent publiques.
Ceux de Fénelon et de La Bruyère, par exemple, furent de véritables commentaires critiques de la littérature. L'ouvrage le plus significatif dans l'instauration d'une langue classique est constitué par les "Remarques sur la langue française" de l'académicien Claude Favre de Vaugelas. Refusant aussi bien les leçons des doctes que les incorrections du peuple, Vaugelas se réfère exclusivement au bon usage de la Cour, c'est-à-dire non seulement du roi et des courtisans mais de tous les honnêtes gens. Loin de se poser en grammairien, il se contente de constater les usages et édicter un code du bien parler en accord avec son époque.
Parmi les écrivains qui ont contribué à l'élaboration d'une langue correcte claire et naturelle on peut citer: Faret, Chapelain, Ménage, le Chevalier de Méré, Voiture, le père Bouhours, Pascal, Perraut, Mme de Sévigné. Quant à Nicolas Boileau, qui, en traduisant "Le Traité du Sublime" de Longin et en le complétant par ses "Réflexions" rappelle, un peu à contre-courant, que le bon goût, la pureté et l'exactitude de la langue ne suffisent pas toujours et que les mots les plus simples, "les plus bas" permettent eux aussi d'atteindre au "sublime" pour peu qu'ils aient, en eux et dans leur assemblage, "une certaine forme énergique".
A partir de 1639 on commença à travailler au Dictionnaire confié à la responsabilité exclusive de l'assemblée; Furetière, exclu en 1685, réussit à en publier un dès 1690, avant celui de l'Académie et celui de Michelet parut en 1680.
Louis XIV n'a pas encore cinq ans lorsque meurent à quelques mois d'intervalle, Richelieu et Louis XIII. Sa mère Anne d'Autriche, devenue régente, s'appuie sur le cardinal de Mazarin.
En 1661, Louis XIV accède aux pleins pouvoirs dans un pays en paix et respecté de ses voisins. En affrimant son autorité, en lançant avec Colbert une politique de développement économique, en remportant après 1667 des victoires militaires qui lui permettent d'étendre les limites du royaume, le Roi-Soleil fait des vingt premières années de son règne une période faste. Louis XIV est jeune, aime s'amuser - il danse sur scène et virevolte entre ses maitresses-. Il sait occuper les grands seigneurs par une vie de cour riche et variée, et il a, autour de lui, une Cour et même une ville, disposées à partager ses goûts. Des écrivains de premier plan, La Fontaine, Molière, Racine, Boileau sont prêts à célèbrer la grandeur du règne. Le roi lui-même sait venir en aide à des artistes en distribuant commande, subsides et protections.
La société du XVIIème siècle est nettement hierarchisée. Des vingt millions d'habitants qui peuplent le pays, la majeure partie constitue le peuple. Paysans ou petites gens des villes, ils sont qualifiés par Vaugelas de "lie du peuple" et assimilés à des gens grossiers et illétrés. A l'opposé se situe la noblesse provinciale ou parisienne et proche de la Cour. Théoriquement plus cultivée, mais influencée par le millieu des armes et de la guerre, elle se singularise, en partie, dans les premières années du siècle, par la grossiéreté de ses manières. Le développement de l'idéal d'honnêteté le transformera. Enfin, la bourgeoisie, souvent instruite constitue le public en direction duquel peuvent se développer la littérature et les arts. A partir de Richelieu, puis sous Mazarin, son influence ne cesse de croitre. Au fur et à mesure qu'on avance vers le règne de Louis XIV, les villes de province perdent de leur influence. La Cour devient alors le centre du bon goût et du bel esprit (personne cultivée, qui cherche à se distinguer par son goût et sa pratique des lettres).
Très importante pour comprendre le classicisme est l'élaboration tout au long du siècle de l'idéal d'honnêteté. Né en réaction contre la grossièreté des moeurs et des manières qui caractérisaient la cour d'Henri IV, et contre les excès qui favorisaient les époques troubles des guerres, cet idéal résulte d'une prise de conscience de la nécessité de conférer à l'homme une grandeur et une dignité nouvelles.
-"Il Cortegiano" de l'Italien Balthazar Castigliano (1528)- "L'Homme de Cour" de l'Espagnol Baltasar Gracien (1647)- l'honnêteté, appelée "politesse mondaine" trouve dans les Français Nicolas Faret, L'Honnête Homme ou l'Art de plaire à la Cour" et le Chevalier de Méré, "Conversations avec le Maréchal de Clérembault" ses principaux théoriciens.
Sous l'égide des femmes, elle est cultivée dans les salons, véritables lieux de rencontre entre la société aristocratique et les beaux esprits, puis diffusée par les romans à la mode et les correspondances. Cet art de vivre, qui concerne d'abord les courtisans, se répand ensuite dans les millieux bourgeois. S'instaure ainsi l'image d'un homme aux multiples facettes, alliant aux qualités de l'âme celles du corps et de l'esprit. Brillant l'art en société, possédant parfaitement l'art de conversation, aussi à l'aise dans les exercices physiques que dans les subtilités de la galanterie, l'honnête homme sait garder en tout un juste millieu et se distingue du commun des mortels par un "je ne sais quoi" qui révèle sa qualité. Même si la sainteté peut être pour lui un but, elle est loin de constituer son unique préoccupation: l'art du paraitre est souvent beaucoup plus important que l'être.
L'honnête homme est, vers 1660, l'homme moderne et à l'aise dans la société, pour lequel écrivent les auteurs classiques, cherchant à la fois plaire et à le conforter dans ses aspirations
LA LANGUE
L'évolution de la littérature ne peut être séparée de la question de la langue. Selon l'expression de Marc Fumaroli, la France de la fin du XVIème siècle vit sous un "régime de diglossie". Le latin y est encore la langue des hommes d'Eglise, des savants et des philosophes. En fait, pas plus que les nombreux idiomes régionaux, le latin ne tient une grande place dans les oeuvres baroques, si ce n'est sous forme de citations ou d'expressions pittoresques. La langue du baroque est essentiellement le français de la Pléiade, nourri des enrichissements de "Défense et illustrations de la langue française": les poètes y trouvent le matériau pour les innombrables figures de style qui émaillent leurs écrits. Et Malherbe, un moment tenté par le baroque, rompit avec la poésie savante de la Pléiade et imposa avec la poésie de cour et chef d'école, un idéal de clarté et de riguer qui est à l'origine du goût classique. Il se prononce pour un style plus dépouillé et surtout pour une langue débarassée des archaismes, néologismes, provincialismes et autres syntaxiques qui en obscurcissent le sens.