Ovide dans “Les Amours”, décrit des thèmes comme l’attente devant une porte fermée, la maladie de la femme aimée, l’amitié, la jalousie, la joie du premier triomphe etc, tout le recueil est inspiré par l’amour.
Les Amours furent d’abord édités en 5 livres puis en 3 livres seulement. Ovide avait remanié l’œuvre pour y supprimer un certain nombre de pièces qu’il ne jugeait pas satisfaisantes. Corinne est le nom qui domine l’œuvre, on ne sait si elle exista vraiment, mais elle semble plutôt être le résulta d’une sorte de « mélanges » des femmes que connaissait, désirait ou aimait Ovide. Donc les Amours ne sont pas le reflet d’un amour vécu, c’est un recueil à la gloire de l’amour et de la femme aimée. L’amour est une sorte de combat. On peut en inférer qu’il vaut mieux faire l’amour que la guerre, voilà une nouvelle que n’allait pas ravir les puissants; Ovide d’ailleurs, allait bientôt s’en rendre compte.
Ovide nous dit que c’est Cupidon qui est venu l’inciter à travailler sur une telle oeuvre.
LIVRE PREMIER
ÉLÉGIE III
Ma prière est juste: que la jeune beauté qui vient de m'asservir, ou continue de m'aimer ou fasse que je l'aine toujours. Hélas! c'est trop exiger encore; qu'elle souffre seulement que je l'aime, et Vénus aura exaucé tous mes voeux. Souris, ô ma maîtresse, à l'amant qui jure d'être à jamais ton esclave! Reçois les serments de celui qui sait aimer avec une inviolable fidélité. Si, pour me recommander à toi, je n'ai point à invoquer les grands noms d'une illustre famille; si le premier de mes aïeux n'était qu'un simple chevalier; si, pour labourer mes champs, je n'ai pas besoin d'innombrables charrues; si mon père et ma mère sont forcés de vivre avec une sage économie; que j'aie du moins pour répondants et Phébus et les neuf Soeurs, et le dieu qui inventa la vigne, et l'Amour qui te livre mon être, et ma fidélité que nulle autre ne me fera trahir, et mes moeurs innocentes, et mon coeur simple et sans détours, et la pudeur qui colore souvent mon front. Mille beautés ne me plaisent point à la fois, je ne suis pas inconstant en amour; toi seule, tu peux m'en croire, tu seras à jamais mes seules amours; ces années que me filent les trois Soeurs, puissé-je les passer à tes côtés; puissé-je mourir avant que tu te plaignes de moi!
Sois l'objet heureux qui inspire mes chants, et mes vers couleront dignes de leur sujet. C’est la poésie qui a rendu célèbres et la nymphe Io, épouvantée de ses cornes naissantes, et Léda, que séduisit Jupiter sous la forme d'un cygne, et Europe qui traversa la mer sur le dos d'un taureau mensonger, tenant, de ses mains virginales, les cornes de son ravisseur. Nous aussi, nous serons chantés dans tout l'univers, et à ton nom sera toujours uni le mien.
ÉLÉGIE IX
Tout amant est soldat, et l'Amour a son camp; oui, Atticus, crois-moi, tout amant est soldat; l'âge qui convient à la guerre est aussi celui qui convient à Vénus. Honte au vieux soldat! honte au vieil amant ! le nombre d'années qu'exige un chef dans un brave soldat est celui qu'une jeune beauté demande à l'heureux possesseur de sa couche; ils veillent l'un et l’autre; tous deux ils ont souvent pour lit la terre; l’un garde la porte de sa maîtresse, l'autre celle de son général; le soldat doit parcourir de longues routes, l'intrépide amant suivra jusqu'au bout du monde sa maîtresse, obligée de partir: il franchira les montagnes escarpées, les torrents grossis par les orages, et traversera sans crainte les neiges amoncelées; prêt à voguer sur les mers, il ne redoutera point les vents déchaînés, il n'attendra pas le temps propice à la navigation. Quel autre qu'un soldat ou qu'un amant bravera la fraîcheur des nuits et la neige mêlée à des torrents de pluie? L'un est envoyé comme éclaireur au-devant de l'ennemi; l'autre a les yeux fixés sur son rival comme sur un ennemi; celui-ci assiège des villes menaçantes, l’autre le seuil de son inflexible maîtresse; tous deux ils enfoncent des portes d'inégale grandeur. On fut souvent vainqueur pour avoir surpris un ennemi plongé dans le sommeil, et massacré avec le fer une armée sans défense; ainsi périrent les farouches bataillons du Thrace Rhésus; nobles coursiers, captifs alors, vous fûtes enlevés à votre maître! Souvent aussi les amants profitent du sommeil des maris, et tournent les armes contre un ennemi endormi; échapper à la vigilance des gardiens, à celle de vingt Argus, voilà le triste et continuel devoir du soldat et de l'amant.
Rien de certain ni sous les drapeaux de Mars ni sous ceux de Vénus: les vaincus se relèvent et l'on voit tomber ceux que l'on croyait invulnérables. Qu'on cesse donc d'appeler l'amour de l'oisiveté; l'amour est soumis à des épreuves de tout genre. Le grand Achille brûle pour Briséis, qu'on lui a enlevée; pendant que sa douleur vous le permet, anéantissez, Troyens, les forces de la Grèce: Hector s'arrachait des bras d'Andromaque pour voler aux combats; c'est la main d'une épouse qui couvrait sa tête du casque guerrier. Le premier des chefs de la Grèce, le fils d'Atrée, à la vue de la fille de Priam, les cheveux épars comme ceux d'une bacchante, resta, dit-on, dans une muette admiration. Mars lui-même fut pris dans les filets qu'avait forgés Vulcain. Nulle histoire ne fit plus de bruit dans le ciel. Moi-même j'étais paresseux et né pour une molle oisiveté; le lit et le repos avaient énervé mon âme; le désir de plaire à une jeune beauté mit un terme à mon apathie; il me fallait faire mes premières armes à son service. Depuis ce temps, tous me voyez toujours agile, toujours occupé de quelque expédition nocturne. Voulez-vous ne point languir dans l'oisiveté? aimez.
LIVRE DEUXIÈME
ÉLÉGIE I
Encore un ouvrage d'Ovide qu'a vu naître l'humide contrée des Pélignes au fécond littoral, d'Ovide, le poète de ses propres folies. C'est encore l'Amour qui l’a voulu. Loin d'ici, oui, loin d'ici, beautés sévères! Vous n'êtes point l’auditoire qu'il faut à de tendres accents. Je veux être lu par la vierge dont le coeur s'enflamme à la vue de son fiancé, et par le jeune adolescent que l’Amour vient de blesser pour la première fois; je veux que l'amant, frappé du même trait que moi, reconnaisse, en me lisant, le feu qui le dévore, et qu'après un long étonnement il s'écrie: "Comment ce poète a-t-il connu le secret de mes amours ?" (…)ÉLÉGIE I
ÉLÉGIE XV
Anneau qui vas entourer le doigt de ma belle maîtresse, toi qui n'as de prix que par l'amour de celui qui te donne, va, et sois pour elle un présent agréable; que, te recevant avec joie, elle te place aussitôt à son doigt. Sois fait pour elle: comme elle est faite pour moi; sois la juste mesure de son doigt, sans le presser trop heureux anneau, ma maîtresse va te toucher en tous sens; hélas ! j'envie déjà le sort de mon présent.
Oh! que ne puis-je, par les enchantements de la magicienne d'Ea et du vieillard de Carpathos, devenir tout à coup ce que je donne! Alors, je voudrais que ma maîtresse touchât à sa gorge, et que sa main gauche se portât sous sa tunique; je glisserais de son doigt, si étroitement serré que j'y fusse, je m'élargirais par enchantement, et j'irais tomber sur son sein. Moi aussi, quand elle voudrait sceller ses tablettes mystérieuses, et empêcher la cire de s'attacher à la pierre, je toucherais le premier les lèvres humides de ma belle maîtresse, pourvu seulement que je ne servisse jamais à sceller un écrit douloureux pour moi. Si elle me donnait pour qu'un me plaçât dans l'écrin, je refuserais de quitter son doigt, et je me rétrécirais pour le serrer plus fortement.
Que jamais, ô ma vie! je ne devienne pour toi un sujet de honte, ni un fardeau que refuse ton doigt délicat. Porte-moi, soit que tu plonges tes membres dans un bain tiède, soit que tu te baignes dans l'eau courante ; peut-être alors que, devant ta nudité, l'Amour éveillera mes sens, et que, de ton anneau, je deviendrai ton amant.
OVIDE