MADAME DE SEVIGNE (1626 - 1696)
Marie de Rabutin-Chantal est née à Paris. Orpheline de bonne heure, elle est élevée par un oncle qui lui fait donner une éducation soignée -elle apprend l'italien, l'espagnol, le latin-. Mariée à un jeune seigneur en 1644, elle devient marquise de Sévigné. Elle fréquente les salons, où elle brille par son charme et son esprit. Elle engage une correspondance avec des personnalités de l'époque: madame de La Fayette, le cardinal de Retz. Ses lettres sont déjà fort appréciées. Elle a 26 ans lorsque son mari est tué en duel. Par la suite, elle s'occupe beaucoup de ses enfants et surtout de sa fille. Lorsque celle-ci se marie en 1671 et suit son époux à Grignan, dans le Midi de la France, elle lui écrit de longues lettres, au moins deux par semaine, depuis Paris, mais aussi de Bretagne où elle possède un château. Lorsque madame de Sévigné meurt en 1696, elle a écrit près de 1200 lettres, réparties sur une trentaine d'années. Certaines ont été pendues, beaucoup d'autres n'ont été publiées qu'au cours du XVIIIème et du XIXème siècle.
Dans cette correspondance, nous voyons vivre et évoluer pendant trente ans une personnalité, un peu comme dans les Essais de Montaigne, mais les préoccupations et le ton sont différents. Elle apparait spirituelle, enjouée; elle a tendance à voir les choses sous leur côté agréable. Sa tendresse pour sa fille, la force de ses amitiés nous sont livrées sans fard.
Elle a été marquée par le courant précieux de l'Hôtel de Rambouillet, sans en prendre les défauts. Elle garde l'imagination vive et une gaieté naturelle. Elle nous dit ses goûts, ses lectures, ses préférences. Elle admire mademoiselle de Scudéry et Corneille; elle se trompe parfois, comme en témoigne le peu d'intérêt qu'elle accorde à Racine: "Ce n'est pas pour les siècles à venir". Sans être austère, elle est attirée par le jansénisme et Pascal. Chose rare à l'époque classique, elle sait nous dire aussi son émerveillement pour la nature et la beauté des saisons.
Sa situation mondaine met madame de Sévigné en mesure d'être bien renseignée sur tout, et elle se fait un plaisir de renseigner à son tour ses correspondants. Elle raconte les événements qui agitent la cour et la capitale: procès du surintendant Fouquet, mort de Turenne, exécution de La Brinvilliers, etc. De façon plus vivante que dans des mémoires, elle nous donne la chronique du règne de Louis XIV, avec, semaine par semaine, tous les commérages et les faits divers. Pendant ses séjours en province, son écriture est proche de celle du reportage: elle raconte comment on voyage, comment les paysans font les foins, la thérapeutique des eaux à Vichy. Elle montre aussi le climat spirituel et moral de l'époque: la portée du cartésianisme sur les esprits, l'influence du jansénisme, le malaise d'une noblesse encore secouée par l'échec de la Fronde.
Il y a chez Madame de Sévigné un désir très fort de briller et de plaire. L'art épistolaire est à la mode au XVIIème siècle et l'auteur sait que ses lettres, si elles sont bien tournées, ont des chances d'être lues publiquement dans les salons de la bonne société. Il y a donc peu de réelles confidences et de détails intimes: ces lettres ont un caractère social. La futilité et le bavardage sont, à certains moments, inévitables, mais la coquetterie littéraire n'altère pas les trois qualités principales de sont style: la vivacité, le naturel et la variété. L'élocution aisée, la spontanéité, de jolies trouvailles d'expression font le charme de son écriture. Sous sa plume rien n'est banal, elle a le don de la mise en scène et l'art de trouver chaque fois le côté accrocheur des choses.
Les lettres de madame de Sévigné sont autant de tableaux des gens et des choses de son époque. On y voit vivre une femme brillante et à l'aise dans son millieu. Elle fait partie de ce que l'on appelle les auteurs mondains.