JEAN DE LA FONTAINE
Il est né en 1621 à Château-Thierry. Il commence ses études au collège de Château-Thierry, avec son condisciple François Maucroix, ami de toujours. Il les termine à Paris.
Il rentre ensuite à l'Oratoire. N'étant pas fait pour les études religieuses, il quitte l'Oratoire 18 mois plus tard. Il s'en souviendra ainsi : "Desmares s'amusait à lire son Saint-Augustin, et moi, mon Astrée."
Il revient à Château-Thierry. Enthousiasmé par les Odes de Malherbe, il passe ses nuits à apprendre ses vers par coeur et, le jour, il va les déclamer dans les bois. Son père est très heureux des premiers vers écrits par son fils. C'est l'époque aussi des longues promenades dans la campagne, des rencontres avec les bergères, et des aventures galantes avec les jeunes dames de Château-Thierry.
Entre 1645 et 1647, Jean de La Fontaine est à Paris où il étudie le droit avec Maucroix et Antoine Furetière. A ce moment, il fréquente une société d'amis jeunes et lettrés avec Tallemant des Réaux (le futur auteur des Historiettes), Paul Pellisson (qui sera secrétaire et ami de Fouquet, puis Académicien), Patru (avocat et lexicologue), Antoine Rambouillet de La Sablière (qui épousera Marguerite Hessein, la future protectrice de La Fontaine). Cette libre académie de jeunes "palatins" se nomme la "Table ronde".
En 1647, poussé par son père, La Fontaine épouse Marie Héricart. Charles, le fils unique du couple naît en 1653. Mademoiselle de La Fontaine (Les femmes mariées, non nobles, mais bourgeoises étaient appelées ainsi et non "dames") se pique de littérature et fréquente à Château-Thierry une "Académie" de beaux esprits, ou salon littéraire, comme cela était fréquent à l'époque. Une lettre de Jean Racine à La Fontaine, du 4 juillet 1661 évoque cette académie : "...Je fais la même prière à votre Académie de Château-Thierry, surtout à Mlle de La Fontaine. Je ne lui demande aucune grâce pour mes ouvrages..."
C'est en 1654 , que La Fontaine publie, sans signature, son premier ouvrage qui paraîtra en librairie: "L'Eunuque", adapté de Térence, comédie en 5 actes et en vers. Sa vocation s'affirme. Tallemant des Réaux, dans ses "Historiettes", en 1658, qualifie La Fontaine de "garçon de belles-lettres, qui fait des vers, grand rêveur".
Après la mort du père de La Fontaine en 1658, qui laisse une succession très embrouillée, les deux époux se séparent de biens, d'un commun accord. La Fontaine est vraisemblablement introduit par Jacques Jannart, son oncle par alliance, très proche du jeune couple, auprès de Nicolas Fouquet. La Fontaine offre à Fouquet, surintendant des finances, son poème "Adonis", manuscrit, calligraphié par Nicolas Jarry, rehaussé d'un dessin par François Chauveau, le futur illustrateur des Fables.
Quelques mois après, en 1659, Fouquet confie à La Fontaine le soin de composer un ouvrage à la gloire de Vaux-le-Vicomte : ainsi naîtra "Le Songe de Vaux", que la chute du surintendant laissera inachevé. En outre, Jean s'engage à donner pension poétique à Fouquet, payée en madrigaux, ballades, sonnets et autres vers.
Vers 1660, La Fontaine entre en relation avec Jean Racine, qui fait à Paris ses débuts poétiques et vient de publier l' ode "La Nymphe de la Seine" à l'occasion de l'entrée à Paris de Marie-Thérèse d'Espagne, future femme de Louis XIV. D'Uzès, où il restera deux ans, Racine rappelle à La Fontaine le temps où ils se voyaient "tous les jours".
De 1658 à 1661, le poète habite à Paris, chez Jannart, avec sa femme, ou à Château-Thierry pour y exercer ses charges. C'est dans sa ville natale, entre 1659 et 1660 qu'il fait représenter par des amis sa pièce "Les Rieurs du Beau-Richard" (Le Beau-Richard est un carrefour où l'on s'assemble pour bavarder à Château-Thierry et commenter la vie locale). A Vaux, La Fontaine retrouve Pellisson, Madeleine de Scudéry, Maucroix, Charles Perrault, Saint-Evremond, il se lie avec Brienne, fréquente les plus grands artistes, des financiers, parmi lesquels le banquier Herwarth.
Le 17 août 1661, Fouquet donne une fête somptueuse en l'honneur du roi accompagné de toute la famille royale. La Fontaine y assiste. Molière y présente pour la première fois "Les Fâcheux". La Fontaine en fait une relation dans la Lettre à Maucroix, alors à Rome, chargé de mission par Fouquet . L'envie, la jalousie et le désir d'affirmer le nouveau pouvoir personnel du roi motivent l'arrestation de Fouquet le 5 septembre 1661. Une autre lettre de La Fontaine à Maucroix relate cette arrestation et montre la profonde émotion de La Fontaine. En 1662 "l'élégie Aux Nymphes de Vaux" où le poète exprime sa peine et son attachement à Fouquet est publiée anonymement.
"Pleurez, Nymphes de Vaux.....
Les destins sont contents: Oronte est malheureux"
(Oronte est le nom emprunté pour désigner Fouquet). Pendant toute sa vie, La Fontaine restera fidèle au surintendant, et demande la clémence à Louis XIV dans son "Ode au roi".
En 1663, l'oncle Jannart, proche de Fouquet est envoyé en exil à Limoges. La Fontaine l'accompagne. Ce sera le plus long voyage de La Fontaine. Nous pouvons le suivre par les "Lettres à sa femme" rédigées au cours de ce voyage. Il décrit, entre autres, la Loire à Orléans, Blois, Amboise, Tours, Poitiers. Ces six lettres ne seront publiées qu'après la mort du poète. De retour à Château-Thierry à la fin de l'année, il fait sa cour à la jeune Marie-Anne Mancini, duchesse de Bouillon, la nouvelle châtelaine. Elle est férue de poésie, espiègle et vive, a un nez retroussé: La Fontaine est conquis.
"Nez troussé? C'est un charme encor selon mon sens,
C'en est même un des plus puissants."
Ils deviennent très amis. Elle réussit à imposer le poète à toute sa famille, tous reconnaissent son talent. Grâce à l'appui de la duchesse de Bouillon, La Fontaine va obtenir un emploi et s'établir à Paris, où son génie littéraire va s'épanouir.
De 1664 à 1672, La Fontaine est gentilhomme servant au palais du Luxembourg, chez la duchesse douairière d'Orléans. C'est une période d'intense production, même si beaucoup des oeuvres qu'il fait éditer à ce moment sont écrites depuis longtemps. La Fontaine semble fréquenter quelques salons, notamment celui de l'Hôtel de Nevers près du Pont-Neuf , dont Mmes de Sévigné et de Lafayette, La Rochefoucauld sont les familiers.
1665 voit paraître la première édition des "Contes et Nouvelles en Vers" de M. de La Fontaine. Un deuxième recueil est publié en 1666, un troisième en 1671. C'est un succès. En 1668, les Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine sont dédiées au dauphin âgé de 8 ans. Le vers célèbre "Je me sers d'animaux pour instruire les hommes" est inclus dans la dédicace. Ce recueil contient 124 fables, réparties en 6 livres. Les vignettes qui les illustrent sont de François Chauveau. Le recueil reçoit un immense succès. En 1669, paraissent "Les Amours de Psyché et de Cupidon", poème dédié à la duchesse de Bouillon et "Adonis", qui avait été offert à Fouquet en 1658. En 1672, La duchesse douairière d'Orléans meurt; La Fontaine perd sa charge de gentilhomme servant.
En 1672, après la mort de la duchesse douairière, La Fontaine n'a plus d'emploi. L'année suivante, Madame de La Sablière l'accueille chez elle. Il y restera 20 ans, jusqu'à la mort de sa protectrice qui vit séparée de son mari. Dans son hôtel de la rue Neuve-des-Petits-Champs, elle reçoit une société brillante et assez libre. Madame de Sévigné l'appelle assez méchamment "la tourterelle". Iris est le nom que lui réserve La Fontaine dans ses vers. La Fontaine y rencontre des savants, il est passionné par les sujets scientifiques qui sont abordés.
L'année suivante, le succès d' Alceste, opéra de Lulli est compromis par une cabale. Mme de Montespan et sa soeur Mme de Thiange conseillent à Lulli de changer de librettiste et de remplacer Quinault par La Fontaine. Lulli accepte à contrecoeur. La Fontaine travaille quatre mois sur l'opéra "Daphné", sans satisfaire Lulli. Il abandonne. C'est l'origine du poème satirique "Le Florentin". La même année, en 1674, paraissent sans privilège ni permission, "les Nouveaux Contes de Monsieur de La Fontaine". Ils sont plus licencieux que les précédents et mettent en cause des moines, soeurs etc. La vente en est interdite l'année suivante. La Fontaine vend sa maison natale Ce qui lui permet de s'acquitter de ses dettes. En 1678 et 1679 paraissent deux nouvelles éditions des fables: L'édition de 1678, ajoute à celle de 1668 les nouveaux livrets qui correspondent aux livres 7 et 8 de nos éditions actuelles. Celle de 1679, les livrets qui correspondent aux livres 9, 10 et 11 des éditions modernes. Ces 87 fables nouvelles sont dédiées à Mme de Montespan, maîtresse du roi, avec des messages concernant les grands problèmes de l'époque.
Poète reconnu, les membres de l'Académie Française élisent La Fontaine comme successeur au fauteuil de Colbert le 15 novembre 1683, mais le roi retarde la réception officielle. Elle est effective le 2 mai 1684 et La Fontaine occupe le fauteuil N°24 . La réception de Boileau a lieu le 1er juillet de la même année. Le roi avait attendu cette élection pour rendre officielle celle de La Fontaine. En 1685 sont édités les Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La Fontaine.
En 1693 est publié le dernier recueil des fables: c'est le livre XII des éditions actuelles. Il est dédié au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, alors âgé de 12 ans. La plupart des 29 fables de ce dernier recueil avaient été publiées à partir de 1684, dans le "Mercure Galant" notamment. En 1692, La Fontaine tombe gravement malade. Le 13 avril 1695 : La Fontaine meurt. Il est inhumé au cimetière des Saints-Innocents.