LES ROMANS IDYLLIQUES ET D'AVENTURES
Parallèlement aux romans bretons, au 12ème et au 13ème siècles, se développe en France un genre de romans qui ne doivent rien à la légende arthurienne: ils racontent une histoire d'amour dans un cadre d'aventures extraordinaires. On a voulu les rattacher à l'Orient, que les Croisades venaient de révéler, et aux légendes byzantines. Il est possible qu'ils doivent quelque chose à ce fond; mais il serait aussi simple de supposer que la trame en a été inventée par l'imagination des auteurs français. Le thème est en général le suivant: le héros et l'héroïne, de condition différente, sont élevés ensemble; ils s'aiment; les préjugés et la volonté de leurs parents les séparent; après mille aventures fantastiques, ils finissent par se rejoindre et par être heureux.
Les principaux romans de cette catégorie publiés au 12ème siècle sont "FLOIRE ET BLANCHEFLEUR"; "L'ESCOUFLE OU GUILLAUME ET AELIS"; "PARLENOPEUS DE BLOIS"; "LA CHATELAINE DE VERGY"; "LE ROMAN DE LA VIOLETTE".
FLOIRE ET BLANCHEFLEUR
C'est l'histoire merveilleuse du chevalier Floire et de la petite Blanchefleur qu'il poursuit à travers le monde, qu'il finit par trouver dans le palais de l'émir de Babylone et qu'il ramène à la cour du roi son père où il l'épouse. La langue de ce roman est raide et archaïque; mais les caractères sont bien tracés et le récit est conduit avec fermeté.
EXTRAITS DE L'OEUVRE
C’est le jour de Pâques fleuries, ainsi que le rapporte l’histoire de nos deux héros, qu’arriva le terme où elles devaient mettre au monde les enfants qu’elles portaient. (…) La païenne eut un garçon et la chrétienne une fille. À leur naissance, les deux enfants reçurent un nom en rapport avec la fête: la chrétienne, d’après Pâques Fleuries, donna à sa fille le nom de Blanchefleur, et le roi celui de Floire à son fils lorsqu’il eut appris ce que signifiait cette fête.
(…)La chrétienne sut élever le garçon à la perfection; elle prenait soin de lui plus encore que de sa propre fille; elle n’aurait su dire lequel des deux elle préférait. Elle les éleva ensemble jusqu’à ce qu’ils eussent deux ans accomplis. À l’exception de l’allaitement, elle ne leur donna jamais séparément à manger ni à boire. Elle les couchait dans un même lit, les nourrissait et les faisait boire tous les deux ensemble.
(…) Les voilà tous deux à l’école, où ils purent se parler tout à leur aise. Chacun des deux progressait si bien grâce à l’autre que c’en était surprenant. Les deux enfants s’aimaient beaucoup, et ils rayonnaient d’une même beauté. Aucun des deux ne pouvait rien faire si l’autre était absent. Aussitôt que Nature leur permit, ils mirent toute leur ardeur à s’aimer: ils apprenaient avec intelligence et s’appliquaient de leur mieux à retenir! Ils lisaient les livres païens où ils entendaient parler d’amour; ce qui leur plaisait particulièrement c’était les ruses d’amour qu’ils y trouvaient. Grâce à ses lectures, ils en arrivèrent très vite à s’entre-aimer d’un amour autre que l’attachement fraternel qui les avait animés jusque-là.