Hakkımda

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Şişli / İstanbul, (0533 2490843) vildan_ornadis@hotmail.com, Türkiye
Chers abonnés et visiteurs du blog;Tout au long de ma vie scolaire,j’ai reçu un enseignement français.Après avoir terminé le collège français “Sainte-Pulchèrie” j’ai continué à ma vie lycéenne au “Lycée Français Saint-Michel”.J’ai reçu mon diplôme de fin d’études secondaires 3 ans plus tard. À la suite du lycée,j’ai étudié la philologie et la littérature française à “L’Université d’Istanbul, dans “La Faculté des Lettres”;simultanément j’ai étudié la formation pédagogique à L’Université d’Istanbul,dans“La Faculté d’Éducation”(“Formation à L’Enseignement”).Après 4 ans d’études de double licence je suis diplômée en tant que philologue,aussi professeur de français.Toutes les formations que j’ai acquises m’ont perfectionnée dans les domaines tels que la langue, la littérature et la culture française ainsi que la formation pédagogique. Depuis 11 ans, je partage mes connaissances avec ceux qui veulent apprendre la langue,la culture et la civilisation française. J’enseigne les gens de tout âge et de tout niveau depuis les élèves des écoles françaises,jusqu’aux étudiants de diverses universités sans oublier les hommes ou femmes d’affaires ni les amateurs de la francophonie

Présentation

Sevgili Blog Takipçileri;
Tüm eğitim hayatımı fransızca gördüm. İstanbul'da bulunan‘’Özel Sainte-Pulchérie Fransız Kız Ortaokulu’’nu bitirdikten sonra liseyi İstanbul'da bulunan ''Özel Saint-Michel Fransız Lisesi’’nde okudum. Ardından ‘’İstanbul Üniversitesi Edebiyat Fakültesi Batı Dilleri ve Edebiyatları Bölümü‘’ içinde yer alan ‘’Fransız Dili ve Edebiyatı Anabilim Dalı’’nda dört yıllık lisans eğitimimi tamamladım.Bu süre içerisinde ‘’İstanbul Üniversitesi Eğitim Fakültesinde Pedagojik Formasyon’’ alanında eğitim görüp çift anadal diploması aldım. Böylece hem filolog (Dilbilimci) hem de öğretmen olarak mezun oldum. Aldığım bütün bu eğitimler bana hem Fransız Dili, hem Fransız Edebiyatı hem de Pedagoji alanlarında büyük bir yetkinlik sağladı. Onbir yıldır teorik olarak edindiğim tüm bilgileri, pratikte bu dili ve kültürü öğrenmek isteyen her yaştan her gruptan kişilere aktarıyorum. İstanbulda bulunan fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler başta olmak üzere üniversite öğrencileri, iş adamları, fransız kültürüne meraklı olup kendini geliştirmek isteyen her yaştan her meslek grubundan kişiler meslek hayatım süresince öğrencim olmuştur ve olmaya devam edecektir.

EĞİTMENLİK YAPTIĞIM ALANLAR ►

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Grammaire – Littérature – Biologie ( Pour les élèves des écoles françaises - Fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler için )

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Etudes spéciales (privées ou en groupe) pour les adultes -Yetişkinler için kişiye özel birebir ve grup çalışmaları

Cours de la langue Turque (grammaire - conversation) pour les étrangers - Yabancılara türkçe (dil bilgisi ve konuşma) dersleri

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Böylece,bir gün üyesi olmayı hedeflediğimiz Avrupa Birliğine katıldığımız zaman farklı kültürlere uyum sağlamakta zorluk çekmeyeceğiz.

26 Ocak 2011 Çarşamba


 EXTRAITS DES « PENSEES » de PASCAL


Méditant sur le récit de saint Matthieu avec l’intuition ardente des grands mystiques, Pascal revit l’agonie du Christ : il entre en sympathie avec les souffrances, surtout avec la terrible sollitude morale de Jésus. Deux motifs obsédants reviennent sans cesse : l’abandon de Jésus par les hommes, la bonté de Jésus qui les sauve malgré eux. Au moment où, plein d’angoisse, le janséniste cherche la voie du salut, au fond de son âme la parole de son sauveur se fait entendre, rassurante et douce, pour lui apporter la paix des certitudes : oui, il est élu, prédestiné ; et dans l’émoi de l’extase, il fait à ce Dieu qui l’a choisi le don total et fervent de lui-même.

Le mystère de Jésus. – Jésus souffre dans sa passion les turments que lui font les hommes ; mais dans l’agonie il souffre des tourments qu’il se donne à lui-même : turbare semetipsum (se torturer soi-même). C’est une suplice d’une main non humaine, mais toute puissante, car il faut être tout-puissant pour le soutenir.

Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis et ils dorment ; il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligeance entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

Jésus est seul dans la terre, non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache : le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance.

Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et toutle genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.

Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois ; mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus contenir sa douleur excessive : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ».

Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.

Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.

Jésus au millieu de ce délaissement universel et de ses amis choisis pour veiller avec lui, les trouvant dormant, s’en fâche à cause du péril où ils exposent non lui, mais eux-mêmes, et les avertit de leur propre salut et de leur bien avec une tendresse cordiale pour eux pendant leur ingratitude, et les avertir que l’esprit est prompt et la chair infirme.

Jésus les trouvant encore dormant, sans que ni sa considération ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les éveiller, et les laisse dans leur repos.

Jésus prie dans l’incertitude de la volonté du Père, et craint la mort ; mais,l’ayant connue, il va au-devant s’offrir à elle : Eamus, Processit (Allons, Il s’avance).

Jésus a prié les hommes, et n’en a pas été exaucé.

Jésus pendant que ses disciples dormaient, a opéré leur salut. Il l’a fait à chacun, des justes pendant qu’ils dormaient, et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis leur naissance.

Il ne prie qu’une fois que le calice passe et encore avec soumission, et deux fois qu’il vienne s’il le faut.
Jésus dans l’ennui.

Jésus, voyant tous ses amis endormis et tous ses ennemis vigilants, se remet tout entier à son Père.

Jésus ne regarde pas dans Judas son intimité, mais l’ordre de Dieu qu’il aime, et la voit si peu qu’il l’appelle ami.

Jésus s’arrache d’avec ses disciples pour entrer dans l’agonie ; il faut s’arracher de ses plus proches et des plus intimes pour l’imiter.

Jésus étant dans l’agonie et dans les plus grandes peines, prions plus longtemps. Nous implorons la miséricorde de Dieu, non afin qu’il nous laisse en paix dans nos vices, mais afin qu’il nous en délivre.

Si Dieu nous donnait des maitres de sa main, oh ! qu’il leur faudrait obéir de bon cœur ! La nécessité et les événements en sont infailliblement.
_ « Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé.
« Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi.
« C’est me tenter plus que t’éprouver, que de penser si tu ferai bien telle et telle chose absente : je la ferai en toi si elle arrive.
« Laisse-toi conduire à mes règles, vois comme j’ai bien conduit la Vierge et les saints qui m’ont laissé agir en eux.
« Le Père aime tout ce que Je fais.
« Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes ?
« C’est mon affaire que ta conversion ; ne crains point, et prie avec confiance comme pour moi.
« Je te suis présent par ma parole dans l’Ecriture, par mon esprit dans l’Eglise et par les inspirations, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles.
« Les médecins ne te guériront pas, car tu mourras à la fin. Mais c’est moi qui guéris et rends le corps immortel.
« Souffre les chaines et la servitude corporelle ; je ne te délivre que de la spirituelle à présent.
« Je te suis plus un ami que tel et tel ; car j’ai fait pour toi plus qu’eux, et ils ne souffriraient pas ce que j’ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés, comme j’ai fait et comme je suis prêt à faire, et fais dans mes élus et au Saint Sacrement.
« Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur ».
_ Je le perdrai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance.
_ « Non, car moi, par qui tu l’apprends, t’en peux guérir, et ce que je te le dis est un signe que je te veux guérir. A mesure que tu les expieras, tu les connaitras, et il te sera dit : « Vois les péchés qui te sont remis». Fais donc pénitence pour tes péchés cachés et pour la malice occulte de ceux que tu connais ».
_ Seigneur, je vous donne tout.
_  « Je t’aime plus ardemment que tu n’as aimé tes souillures, ut immundus pro luto (Comme un animal immonde aime sa fange). Qu’à moi en soit la gloire et non à toi, ver et terre.
« Interroge ton directeur, quand mes propres paroles te sont occasion de mal, et de vanité ou curiosité ».
_ Je vois mon abime d’orgueil, de curiosité, de concupiscence. Il n’y a nul rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste. Mais il a été fait péché par moi ; tous vos fléaux sont tombés sur lui. Il est plus abominable que moi, et, loin de m’abhorrer, il se tient honoré que j’aille à lui et le secoure.
Mais il s’est guéri lui-même, et me guérira à plus forte raison.
Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui, et il me sauvera en se sauvant. Mais il n’en faut pas ajouter à l’avenir.

LE MEMORIAL

Le mémorial est l’écrit le plus intime de Pascal. Ce bout de papier qui relate son expérience mystique lors d’une nuit inoubliable de 1654, a été trouvé dans la doublure de son manteau après sa mort: il portait ce souvenir en permanence sur lui. Pascal a fait une copie au propre de son premier jet; un ami intime en a tiré une troisième copie. Il faut noter que les trois dernières lignes du Mémorial sont absentes dans un des autographes. Cette copie accompagnait le parchemin du Mémorial, aujourd’hui disparu. On comprend d’après cet autographe, les difficultés que présente la lecture du manuscrit des Pensées.

L'an de grâce 1654,
Lundi, 23 novembre, jour de saint Clément, pape et martyr, et autres au martyrologe.
Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres,
Depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demi,
FEU¹.
« DIEU d'Abraham, DIEU d'Isaac, DIEU de Jacob »², non des philosophes et des savants.
Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix³.
DIEU de Jésus-Christ.
Deum meum et Deum vestrum*¹.
« Ton DIEU sera mon Dieu. »*²
Oubli du monde et de tout, hormis DIEU.
Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l'Évangile.
Grandeur de l'âme humaine.
« Père juste, le monde ne t'a point connu, mais je t'ai connu. »*³
Joie, joie, joie, pleurs de joie.
Je m'en suis séparé:
Dereliquerunt me fontem aquae vivae¹¹.
« Mon Dieu, me quitterez-vous ? » ²²
Que je n'en sois pas séparé éternellement.
« Cette³³ est la vie éternelle, qu'ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. »
Jésus-Christ. Jésus-Christ.
Je m'en suis séparé; je¹¹¹ l'ai fui, renoncé, crucifié.
Que je n'en sois jamais séparé.
Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l'Évangile:
Renonciation totale et douce.
Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur.
Éternellement en joie pour un jour d'exercice sur la terre.
Non obliviscar sermones tuos²²². Amen.

Explications►
¹: Feu; mot isolé au millieu de la ligne : feu intérieur de la certitude, ou vision surnaturelle éblouissante.
² : Exode, III, 6 : Dieu se définit ainsi à Moïse ; définition reprise par Jésus (Matth., XXII, 32)
³ : Ligne ajoutée après coup, dan l’exaltation de la certitude.
*¹ : Jean, XX, 17 : « (Je monte vers) mon Dieu et votre Dieu »
*² : Ruth (I, 16) : paroles de Ruth à sa belle-mère Noémi.
*³ : Jean, XVII, 25, où Jésus apparait comme « médiateur »
¹¹ : « Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive » (reproche de l’Eternel aux Hébreux, dans Jérémie, II, 13)
²² : Mathh., XXVII, 46. Cri d’angoisse de Jésus sur la croix, qui reprend un psaume prophétique (XXII, 2.
³³ : Cette : cela (annonce « qu’ils te connaissent… ». Paroles de Jésus à Dieu (Jean, XVII, 3.)
¹¹¹ : Fin de phrase ajoutée en surcharge
²²² : « Je n’oublierai pas tes paroles ». (Ps. CXVIII, 16.)

 PASCAL, "PENSEES SUR LA POLITIQUE"

Scientifique et philosophe de génie, écrivain et polémiste redoutable, Pascal est un de ces géants qu'ait produit l'histoire. Nous le connaissons surtout par son livre « Les Pensées », bréviaire des pessimistes comme Cioran, ou livre de chevet de Nietzsche. Déroutant d'un bout à l'autre, écrit en vue de l'apologie de la religion chrétienne, ce livre passe pour une mine de réflexions profondes en tout genre concernant la condition des hommes. Chacun connaît les fragments sur les deux infinis, le pari ou encore le divertissement. Ce qu'on connaît moins, c'est que Pascal y développe aussi une pensée politique. Certes, il n'y a pas à proprement parler une philosophie politique chez Pascal au sens où les thèmes de pouvoir, de justice ou de force ne sont pas thématisés. Dispersées et souvent elliptiques, les Pensées de Pascal n'enferme pas moins un ensemble de considérations politiques dont la cohérence nous échappe. Je voudrais dans ces lignes modestes en dire quelques mots sur cet aspect peu connu des « Pensées ».

Il serait d'ailleurs surprenant que Pascal n'eut pas à réfléchir sur la politique, lui qui s'engagea avec détermination dans un conflit qui marquera l'histoire de France et de l'Eglise: la querelle des « Provinciales ». Pascal n'est pas dupe. Ne croyant en rien, hormis en Dieu (d'Abraham, d'Isaac et de Jacob), il jette une lumière crue sur la condition humaine. Les lois, la justice, la tradition, le progrès sont inventions d'hommes, néanmoins nécessaires et inévitables, mais dépourvues de toute justification. Ils ne sont certes pas dépourvues de raison, car sans cause pas d'effet, mais ces causes ne sont pas ultimes, c'est-à-dire divines mais simplement désespérément humaines. Il n'y a que des faits, et les faits tout têtus qu'ils sont ne valent rien parce qu'ils ne peuvent rien fonder. « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie » (206) (1). L'univers ne nous parle pas, le monde ne nous dit rien. Exit Galilée car il se trompe. L'espace galiléen n'a rien à dire; le monde n'est pas un livre ouvert dont les mathématiques seraient la langue.

La physique cartésienne est aussi incapable de nous proposer un sens. Quel homme, fût-ce le plus idiot, pourrait espérer son salut d'un morceau de cire? Par quoi Descartes est « inutile et incertain » (78). Que dire du progrès? Fait-il sens? Peut-être, mais ce sens progresse-t-il? Et vers quoi? (voir la « Préface sur le Traité du vide »). L'histoire avec son cortège d'absurdités ne nous éclaire pas davantage. Bref, le monde des faits est désespérément réel. Ni le monde, ni l'histoire, ni la raison ne sont Dieu. Qui adore ces vérités est un idolâtre ? Elles existent et sont vraies, mais elles ont leur limites. Pascal n'a jamais renié la connaissance rationnelle, mais il n'a cesse d'en souligner la relativité. Le vrai renferme son incertitude propre et ne peut se prononcer sur le bien. La raison, « elle a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses » (82). Vivre selon la société nous pousse à mentir, à l'égoïsme et au divertissement (101, 455, 100 dernier paragraphe, 141 et 140). Quant à l'histoire, elle n'est qu'impermanence et vanité (hormis la pérennité de l'Eglise). Les états ne durent pas plus de mille ans - (614). En plus tout y est soumis à l'insignifiance. Rappelons-nous du nez de Cléopâtre et du grain de sable dans la vessie de Cromwell (162 et 176). Pascal récuse tout optimisme naturaliste, historique et rationaliste. Croire en l'homme, c'est se leurrer gravement, car s'il y a une espérance, elle est à placer en Dieu et non en l'homme. La nature humaine étant corrompue à cause du péché originel, en matière des affaires humaines il n'y a rien qui puisse être digne de nos aspirations. Pascal s'emploie dans ses Pensées à montrer sans relâche qu'il n'y a ni justice naturelle, ni pouvoir véritablement légitime ». Il y a sans doute des lois naturelles; mais cette belle raison corrompue a tout corrompu » (294). L'homme animal dénaturé, plus exactement déchu de sa véritable nature, produit des effets, et l'ensemble de ceux-ci forme le « fait », le fait de la force et des rapports de force, c'est-à-dire la lutte pour le pouvoir et sa conservation ». Les enfants étonnés voient leur camarade respecté » (321) Pourquoi respecter celui-là, plutôt qu'un autre se demandent-ils? N'est-il pas comme nous, ou même moins fort que nous physiquement? Mais il est fils de roi ou fils de duc. En lui il n'y a aucune valeur intrinsèque. Objectivement, il ne vaut rien, mais c'est un fait. Et ce fait est une force ». Cela est admirable, écrit Pascal, on ne veut pas j'honore un homme vêtu de brocatelle et suivi de sept ou huit laquais! Eh quoi! Il me fera donner les étrivières, si je ne le salue. Cet habit est une force » (315)

Tout ce qui s'expose sous nos yeux comporte une duplicité foncière. La richesse même indue et imméritée n'en reste pas moins une richesse ». Le respect est: incommodez-vous. Cela est vaine en apparence, mais très juste; car c'est dire: je m'incommoderai bien si vous en aviez besoin, puisque je le fais bien sans que cela vous serve... » (317).Tout cela est vain et cependant nécessaire, car la force y est. L'effet par lui-même est ridicule, mais il est force. Autrement dit, tout est simulacre et en politique les simulacres ne valent que parce qu'elles renvoient à un pouvoir. Pourquoi suit-on la pluralité? Est-ce à cause qu'ils ont plus de raison? Non, mais plus de force » (301)

Il n'y a donc que la force et c'est la politique même. Avoir raison ne signifie rien en la matière. Sur ce plan, ce n'est pas la raison qui dicte sa loi, mais la force. Que vaut en effet la démocratie sans la force des démocrates? Pour avoir la paix il faut la victoire et il n'est de victoire que de la force (298).

Mais cette force, que sert-elle? Pascal répond: la concupiscence ». Qu'est-ce, à votre avis, d'être grand seigneur? C'est être maître de plusieurs objets de la concupiscence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et aux désirs de plusieurs » (Troisième discours sur la condition des Grands). La force et la concupiscence sont les sources de toutes nos actions (334) Ici, Pascal est très proche de Spinoza. Il n'y a donc que le désir de pouvoir et la force du désir est de vouloir croître et dominer. Les faits politiques ne sont que forces et rapports de forces.

La justice n'y échappe pas non plus, car elle est un fait elle aussi. Elle s'établit à partir de la force. Que serait, en effet le droit sans la force de l'Etat (et inversement)?  « La justice est ce qui est établi; et ainsi toutes nos lois établies seront nécessairement tenues pour juste sans être examinées, puisqu'elles sont établies » (312). Cette acceptation bien que nécessaire dénote cependant la faille qui les habite. Nous ne connaissons pas le vrai bien (nous l'avons perdu), mais «  nous connaissons le mal et le faux (...) et nous n'avons le vrai et le bien qu'en partie » (385). Ce qui nous permet évidemment de critiquer telle ou telle loi et la trouver injuste. Si par cette épistémologie négative Pascal annonce Popper, en revanche sa morale négative est anti-rousseauiste. Une phrase comme « l'épée donne un véritable droit » (878) est vigoureusement contestée par Rousseau au livre 1 de son Contrat Social. « La force ne produit aucun droit ». C'est que Pascal en politique ne cherche pas à fonder un ordre nouveau. Ne nourrissant aucune illusion quant à l'homme, il ne tient compte que des faits. Ce qui doit être relève d'un autre ordre qui n'appartient pas à l'histoire. Pascal explique plus qu'il ne fonde, car il ne peut y avoir de politique parfaite. La politique est une justification de fait et non de droit parce qu'elle n'est pas en mesure de se justifier pleinement pour la simple raison que nous ne sommes pas en « régime de grâce ».

La fêlure causée par le péché a disjoint l'économie de la création provoquant par là-même une disjonction des divers ordres entre eux. Ainsi, « De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée: cela est impossible, et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible, d'un autre ordre, surnaturel » (793).

Chez Pascal, les trois ordres sont irrémédiablement disjointes et irréconciliables. Distinctes et opposés (460). La charité est supérieure à la raison (ou à l'esprit), et la raison au corps. Il y a là certes une hiérarchie mais elle est inefficace. Ces trois ordres sont transcendants l'un par rapport à l'autre. C'est dire qu'ils ne peuvent se communiquer. Vouloir établir une immanence entre eux est vanité. C'est pourquoi nous consentons à jouer un rôle malgré nous car les apparences nous servent et parce qu'elles cachent notre vraie misère. Mais ces trois ordres sont nécessairement nôtres. Il est vain de vouloir de choisir; cela reviendrait à nier notre humanité. Chaque ordre est indépendant et clos sur lui-même. D'où l'impossibilité d'une politique juste, équitable et vraie. La dialectique pascalienne n'ouvre nullement sur un dépassement comme on peut le croire. La clôture des ordres et leur incommunicabilité interdisent d'aboutir à une synthèse (de type hégélien). Comment la charité tiendrait lieu de force, et comment la force la charité? Et comment ensemble (ou séparées) de raison?

La politique est le lieu où se reflète cette impossibilité d'un vivre-ensemble des ces trois ordres. Ceux-ci ne suffisent pas. Pas d'avantage la politique à faire accéder à un ordre supérieur. Tout homme pris dans ces trois ordres est à la fois fini et incomplet. Fini parce qu'il ne peut y échapper, incomplet, parce qu'il aspire justement à la plénitude, à autre chose que soi. Nulle force, nulle vérité, nul amour peuvent le satisfaire hormis Dieu, de qui viennent toute force, toute vérité et tout amour. Mais cela n'est pas de ce monde, et c'est par quoi le monde n'est pas Dieu. La séparation est radicale mais pas sans issue. Mais le fait qu'on ne puisse passer d'un ordre à un autre, ni nous contenter d'aucun d'entre eux forme le tragique de l'homme et de la politique. Ce tragique menace constamment la politique. Certes l'ordre politique et juridique est admirable, mais sans véritable bien qu'est Dieu selon Pascal. C'est une « fausse image », car les intérêts de chacun devenus sacro-saints, les forces en présence sont toujours les mêmes en plus exaspérées de nos jours. Nos démocraties sont à réinventer avec peut-être un peu plus de lucidité comme celle que Pascal promène sur nous et sur la politique.

*Les chiffres renvoient à la numérotation de Léon Brunschvicg, Pensées, Pascal, GF-Flammarion, 1976
*Préface d'André Comte Sponville dans son petit livre sur Pascal, Pensées sur la politique. (Rivages Poches, Petite Bibliothèque, 1992).

AUGUSTE UNAT

AUTEURS et LEURS OEUVRES

  • Louis Aragon (20ème siècle)
  • Samuel Beckett - "En Attendant Godot" (20ème siècle - Théâtre)
  • Eugène Ionesco - "La Cantatrice Chauve", "Rhinocéros" (20ème siècle - Théâtre)
  • Aimé Césaire - "Cahier du Retour au Pays Natal" (20ème siècle)
  • Jacques Prévert - "Paroles" (20ème siècle)
  • Marguerite Yourcenar - "Alexis ou Le traité du Vain Combat" (20ème siècle)
  • André Breton - "Nadja" (20ème siècle)
  • Jean Cocteau - "Les Enfants Terribles" (20ème siècle)
  • Jean-Paul Sartre - "Huis Clos", "Les Mouches", "La Nausée", "Le Mur" (20ème siècle)
  • Albert Camus - "L'Etranger", "La Peste" (20ème siècle)
  • Colette - "Les Séries de "Claudine" (20ème siècle)
  • Guillaume Apollinaire - "Calligrammes" (20ème siècle - Poésie)
  • André Gide - "Les Nourritures Terrestres", "La Symphonie Pastorale", "Les Caves du Vatican", "Les Faux Monnayeurs" (20ème siècle)
  • Paul Verlaine - "Romances Sans Paroles" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Arthur Rimbaud - "Le Dormeur du Val" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Mallarmé - "Poésies" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Charles Baudelaire - "Les Fleurs du Mal", "L'Etranger" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Emile Zola - "Germinal", "L'Assommoir", "Thérèse Raquin", La Bête humaine" (19ème siècle, Naturalisme)
  • Guy de Maupassant - "Papa de Simon", "L'Auberge", "Aux Champs", "La Ficelle", "Pierrot", "Toine", "La Bête du Maitre Belhomme", "La Parrure", "La Dot", "La Rempailleuse" (19ème siècle - Réalisme)
  • Alexandre Dumas - "Les Trois Mousquetaires", "Le Comte de Monte Cristo", "La Reine Margot" (19ème siècle)
  • George Sand - "La Petite Fadette", "La Mare au Diable" (19ème siècle)
  • Gustave Flaubert - "Madame Bovary", "Salammbô", "L'Education Sentimentale" (19ème siècle - Réalisme)
  • Honoré de Balzac - "Le Père Goriot", "Eugénie Grandet", La Peau de Chagrin", "Le Colonel Chabert", "Le Lys dans La Vallée", "Illusions Perdues", "Le médecin de Campagne", "Les Chouans" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Stendhal - "Le Rouge et Le Noir", "La Chartreuse de Parme", "Vie de Rossini" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Victor Hugo - "Notre Dame de Paris", "Les Misérables", "Le Dernier Jour d'Un Condamné", "Les Orientales", "Hernani", "Cromwell", "William Shakespeare" (19ème siècle - Romantisme)
  • Gérard de Nerval - "Odelettes" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Vigny - "La mort du Loup" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Musset - "Les Caprices de Marianne" (19ème siècle - Romantisme, théâtre)
  • Alphonse de Lamartine - "Méditations Poétiques" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Bernardin de Saint-Pierre - "Paul et Virginie" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Madame de Staël - "Colline et Delphine", "De l’Allemagne" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Senancour - "Oberman" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Benjamin Constant - "Adolphe" (19ème siècle - Préromantisme)
  • François René de Chateaubriand - "Mémoires d'Outre-Tombe", "René" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Le Sage - "Gil Blas de Sentillane" (18ème siècle)
  • Marquis de Sade - "Justine ou Les Malheurs de la vertu", "Les 120 jours de Sodome" (18ème siècle)
  • Choderlos de Laclos - "Les Liaisons Dangereuses" (18ème siècle - Roman Epistolaire)
  • Jean-Jacques Rouseau - "Emile ou de L'Education", "Les Confessions", "Julie ou La Nouvelle Héloïse" (18ème siècle)
  • Voltaire - "Candide", "Zadig", "Micromégas" (18ème siècle)
  • Diderot - "Le Neveu de Rameau" (18ème siècle)
  • Beaumarchais - "Le Barbier de Séville", "Le Mariage de Figaro" (18ème siècle - Théâtre)
  • Marivaux - "Le Jeu de L'Amour et du Hasard" (18ème siècle - Théâtre)
  • Montesquieu - "L'Esprit des Lois", "Les Lettres Persanes" (18ème siècle)
  • Jean Racine - "Andromaque", "Bérénice", "Britannicus", "Phèdre", "Iphigénie" (17ème siècle - Tragédie)
  • Pierre de Corneille - "Le Cid" (17ème siècle - Tragédie)
  • Molière - "L'Avare", "Le Bourgeois Gentilhomme", "Les Précieuses Ridicules", "Dom Juan", "Le Malade Imaginaire", "Tartuffe", "L'Ecole des Femmes", "Amphitryon", "Les Fourberies de Scapin", "Les Femmes Savantes" (17ème siècle - Comédie)
  • Madame de la Fayette - "La Princesse de Clèves" (17ème siècle)
  • Jean de La Fontaine - "Les Fables" (17ème siècle)
  • Joachim du Bellay - "Regrets" (16ème siècle)
  • Pierre de Ronsard - "Sonnets pour Hélène", "Sonnets pour Marie", "Sonnets pour Cassandre" (16ème siècle)
  • Michel de Montaigne - "Les Essais" (16ème siècle)
  • Thomas More - "L'Utopie" (16ème siècle)
  • Erasmes de Rottherdam - "L'Eloge de la Folie", "Les Antibarbares" (16ème siècle)
  • François Rabelais - "Gargantua" , "Pantagruel" (16ème siècle)