LA ROCHEFOUCAULD (1613-1680)
François de La Rochefoucauld appartient à la plus haute noblesse de France. Contemporain de Corneille, c'est encore un personnage de l'époque de Louis XIII. Sa jeunesse est aventureuse; il fait ses premières armes en Italie, complote contre Richelieu, est emprisonné à la Bastille et participe à la Fronde pour plaire à une dame. Gravement blessé au combat à Paris il se retire en province, avant de revenir dans la capitale en 1656.
Il fréquente les salons, fait la connaissance de madame de Sévignée et devient l'ami de madame de la Fayette. En 1662, il entreprend la rédaction de ses Mémoires; mais l'oeuvre pour laquelle il reste célèbre, ce sont les Maximes. On en publie cinq éditions de son vivant, qui connaissent énormément de succès. La Rochefoucauld meurt en 1680, et c'est Bossuet qui lui donne les derniers sacrements.
LES MEMOIRES
Cet ouvrage relate la période qui va de la régence d'Anne d'Autriche à la Fronde. Il parait à Bruxelles en 1662 et dès sa parrution il fait scandale. L'auteur y emploie sa lucidité à démasquer les mobiles inavoués, psychologiques ou politiques, des différents protagonistes et intriguants de cette période mouvementée. Ce n'est pas un essai historique car il n'y a aucune réflexion globale pour essayer d'insérer cette période dans le courant de l'histoire.
LES MAXIMES
C'est un divertissement mondain qui est le point de départ des Maximes. Dans les salons de madame de Sablé, amie des jansénistes, les invités se livrent à des joutes oratoires mêlées de morale, de philosophie et de religion. C'est la Rochefoucauld qui a su le mieux condenser le résultat de ces entretiens en choisissant "l'amour propre" comme fil directeur.
L'idée centrale des Maximes est que l'égoïsme est le mobile de tous nos actes. "Les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves dans la mer" (Maxime 171). Pour cet homme qui se vantait de ne rire jamais, l'homme n'est pas bon. La générosité est interprétée comme de l'ambition déguisée, la modestie comme "le désir d'être loué deux fois", la tolérence des princes comme "une politique pour gagner l'affection des peuples". Pour ce personnage sans illusion, il n'y a pas de vertu pur; c'est l'équilibre de vices qui donne à l'individu une apparence d'homme de bien. Ce pessimiste désenchanté dénonce les fausses sagesses et l'hypocrisie; il place au-dessus de tout la lucidité qui permet de voir l'homme tel qu'il est: égoïste, vaniteux, orgueilleux. Tout comme Corneille, il reconnait qu'il y a "des héros en mal comme en bien" et que plus le crime est grand, plus il passe pour glorieux (exemple: les grandes batailles). Cette vision de l'homme n'est pas absolument originale et le catholicisme, avec Saint-Augustin, avait déjà parlé de la nature humaine en ces termes peu flatteurs. Ce qui fait le prix de cette oeuvre, c'est que La Rochefoucauld a su y mêler les apports de plusieurs cultures (Antiquité, Machiavel, Montaigne, conversations de salons, jansénisme etc). En les centrant sur un idéal d'honnêteté: ne pas tricher, essayer d'être honnête avec soi-même.
Du point de vue de style, l'expression est lapidaire, parfois sèche, mais elle ne manque pas de réussite dans les aphorismes. La Rochefoucauld est l'un des maitres du genre littéraire que l'on appelle le fragment (et que l'on retrouve chez Nietzsche).