LITTERATURE ANTIQUE
HOMERE |
Aujourd'hui il est impossible d'affirmer qu'Homère ait réellement existé ou pas. Il aurait été un poète ("aède" en Grèce antique), originaire de Chios ayant vécu au VIIIème siècle avant Jésus-Christ. L'auteur de l'Iliade et d'Odyssée, il était représenté comme un vieil homme aveugle, voyageant de ville en ville pour déclamer ses vers. Au cours de l'Antiquité, d'abord en Grèce puis à Rome, l'Iliade était appris par tous les écoliers.
L'épopée apparait dans toutes les civilisations avec les mêmes caractères fondamentaux. Ainsi, en Grèce antique, Homère, aède -chanteur- mythique, chanta dans l'Iliade les exploits légendaires des guerriers grecs devant la ville de Troie. Son récit se concentre autour de la colère d'Achille, le plus valereux des Grecs: celui-ci est furieux contre son chef, qui lui a arraché une belle prisonnière et il boude les combats. Son ami Patrocle néanmoins lui emprunte ses armes et s'engage dans la bataille. Mais le destin veut que Patrocle meure, afin qu'Achille, pour le venger, retourne dans la mêlée et tue Hector, le meurtrier de son ami, avant de mourir à son tour dans la gloire du combat.
PATROCLE |
Trois fois il s'élance, émule de l'ardent Arès, en poussant des cris effroyables: trois fois il tue neuf hommes. Une quatrième fois encore, il bondit pareil à un dieu. Mais, à ce moment, se lève pour toi, Patrocle, le terme de ta vie. Phoebos vient à toi, à travers la mêlée brutale. Il vient, terrible -et Patrocle ne le voit pas venir à travers le tumulte, car Apollon marche vers lui, couvert d'une épaisse vapeur. Il s'arrête derrière Patrocle; il lui frappe le dos, les larges épaules, du plat de la main. Les yeux aussitôt lui chavirent. Phoebos Apollon fait choir alors son casque de sa tête. Le casque au long cimier, sous les pieds des chevaux, roule avec fracas; le panache se souille de poussière et de sang. Eût-il été admis naguère que ce casque à crins de cheval fût jamais souillé de poussière? C'était d'un héros divin, c'était d'Achille alors qu'il protégeait la tête et le front charmants. Mais aujourd'hui Zéus l'octroie à Hector, afin qu'il le porte sur son propre front, à l'heure où sa perte est proche. La longue pique de Patrocle se brise toute dans ses mains, la lourde et grande et forte pique, coiffée de bronze. Son haut bouclier, son baudrier même, de ses épaules tombent à terre. Sire Apollon, fils de Zéus, lui détache sa cuirasse. Un vertige prend sa raison; ses glorieux membres sont rompus; il s'arrête, saisi de stupeur. Par derrière alors, dans le dos, entre les épaules, un Dardanien vient le frapper, à bout portant, d'un bronze aigu.
Homère, Iliade XVI, v.784-807, traduction Paul Mazon, Belles-Lettres, 1936
ACHILLE |
ACHILLE MASSACRE LES TROYENS
Dryops s'abbatit devant les pieds d'Achille. Mais Achille le laissa, et atteignit d'un coup de lance au genou, le brave et grand Démouchos fils de Philétor, qu'il immobilisa; puis avec sa grande épée, il le perça et lui ôta la vie. (...) Il atteignit encore Trôs, le fils d'Alastor. Mais celui-ci vint droit auprès d'Achille et lui prit les genoux, espérant qu'il épargnerait, le laisserait en vie et ne le tuerait point, prenant en pitié son âge égal au sien. L'insensé! il ne savait pas qu'il ne devait point persuader Achille, car celui-ci n'était pas un mortel au coeur doux, ni une âme tendre, mais un guerrier d'une inexorable violence. Des ses mains donc, le Troyen lui touchait les genoux, ardent à la supplication, mais Achille lui porta un coup d'épée au foie. Le foie jaillit au-dehors; le sang noir, qui en découlait, lui brûla les entrailles, et l'obscurité s'étendit sur ses yeux, dès le moment que la vie lui manqua.
En s'approchant de lui, Achille ensuite blessa Moulios d'un coup de lance à l'oreille, et la pointe de la lance sortit aussitôt par l'autre l'oreille. Puis il porta son épée contre Echélos fils d'Agénor, et le blessa au millieu de la tête. L'épée tout entière se tiédit sous le sang, et la mort empourprée et l'impérieux destin s'emparèrent de ses yeux. Deucalion ensuite fut atteint par Achille, là où se réunissent les tendons du coude, et la pointe de bronze lui traversa le bras. Deucalion, alourdi par son bras, voyant la mort devant lui, attendit Achille. Et Achille alors, portant un coup d'épée au cou de sa victime, en projeta au loin la tête avec le casque. La moelle jaillit aussitôt des vertèbres et Deucaillon resta étendu sur la terre.
Homère, Iliade, Chant XX, traduction Mario Meunier, ©Ed. Albin Michel, 1956