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Şişli / İstanbul, (0533 2490843) vildan_ornadis@hotmail.com, Türkiye
Chers abonnés et visiteurs du blog;Tout au long de ma vie scolaire,j’ai reçu un enseignement français.Après avoir terminé le collège français “Sainte-Pulchèrie” j’ai continué à ma vie lycéenne au “Lycée Français Saint-Michel”.J’ai reçu mon diplôme de fin d’études secondaires 3 ans plus tard. À la suite du lycée,j’ai étudié la philologie et la littérature française à “L’Université d’Istanbul, dans “La Faculté des Lettres”;simultanément j’ai étudié la formation pédagogique à L’Université d’Istanbul,dans“La Faculté d’Éducation”(“Formation à L’Enseignement”).Après 4 ans d’études de double licence je suis diplômée en tant que philologue,aussi professeur de français.Toutes les formations que j’ai acquises m’ont perfectionnée dans les domaines tels que la langue, la littérature et la culture française ainsi que la formation pédagogique. Depuis 11 ans, je partage mes connaissances avec ceux qui veulent apprendre la langue,la culture et la civilisation française. J’enseigne les gens de tout âge et de tout niveau depuis les élèves des écoles françaises,jusqu’aux étudiants de diverses universités sans oublier les hommes ou femmes d’affaires ni les amateurs de la francophonie

Présentation

Sevgili Blog Takipçileri;
Tüm eğitim hayatımı fransızca gördüm. İstanbul'da bulunan‘’Özel Sainte-Pulchérie Fransız Kız Ortaokulu’’nu bitirdikten sonra liseyi İstanbul'da bulunan ''Özel Saint-Michel Fransız Lisesi’’nde okudum. Ardından ‘’İstanbul Üniversitesi Edebiyat Fakültesi Batı Dilleri ve Edebiyatları Bölümü‘’ içinde yer alan ‘’Fransız Dili ve Edebiyatı Anabilim Dalı’’nda dört yıllık lisans eğitimimi tamamladım.Bu süre içerisinde ‘’İstanbul Üniversitesi Eğitim Fakültesinde Pedagojik Formasyon’’ alanında eğitim görüp çift anadal diploması aldım. Böylece hem filolog (Dilbilimci) hem de öğretmen olarak mezun oldum. Aldığım bütün bu eğitimler bana hem Fransız Dili, hem Fransız Edebiyatı hem de Pedagoji alanlarında büyük bir yetkinlik sağladı. Onbir yıldır teorik olarak edindiğim tüm bilgileri, pratikte bu dili ve kültürü öğrenmek isteyen her yaştan her gruptan kişilere aktarıyorum. İstanbulda bulunan fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler başta olmak üzere üniversite öğrencileri, iş adamları, fransız kültürüne meraklı olup kendini geliştirmek isteyen her yaştan her meslek grubundan kişiler meslek hayatım süresince öğrencim olmuştur ve olmaya devam edecektir.

EĞİTMENLİK YAPTIĞIM ALANLAR ►

MES DOMAINES D'ENSEIGNEMENT-EĞİTMENLİK YAPTIĞIM ALANLAR

Grammaire – Littérature – Biologie ( Pour les élèves des écoles françaises - Fransız kolejlerinde eğitim gören öğrenciler için )

Préparation au concours organisé par L'Université de Galatasaray - Galatasaray Üniversitesi iç sınavına hazırlık

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Toutes sortes de conseils d'orientation scolaire en France (licence, master) - Fransa’da yüksek öğrenim (lisans , yüksek lisans) görmek isteyen öğrencilere, üniversite seçimlerinden motivasyon mektubu yazımına kadar her türlü alanda eğitim danışmanlığı

Etudes spéciales (privées ou en groupe) pour les adultes -Yetişkinler için kişiye özel birebir ve grup çalışmaları

Cours de la langue Turque (grammaire - conversation) pour les étrangers - Yabancılara türkçe (dil bilgisi ve konuşma) dersleri

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16 Kasım 2010 Salı

LE « MOI » ROMANTIQUE

Afin de poursuivre et approfondir une réflexion déjà entamée sur le Romantisme, je voudrais aborder un des aspects le plus énigmatique de ce mouvement. La nouvelle sensibilité qui apparaît avec le Romantisme configure en même temps une subjectivité jusqu'alors inconnue, néanmoins en germe chez Rousseau et qui enfantera le « moi » moderne, débarrassé des carcans d'une histoire pour s'engager dans sa propre quête et inventant sa propre histoire.

Si le Romantisme est une nouvelle manière de sentir, d'écrire et de penser, il est aussi et peut-être plus fondamentalement l'expression d'un changement radical dans l'être de l'homme. A ce titre, il n'est pas le fruit d'une génération spontanée mais l'aboutissement d'une évolution historique qui traverse l'histoire de l'Occident depuis les premiers siècles.

Le Romantisme est une affaire classique, c’est-à-dire entendue. L'on sait qu'il commence avec Chateaubriand, suit avec Lamartine, atteint son sommet avec Hugo, puis suscite par réaction ou par épuisement le Réalisme pour déboucher sur le Symbolisme. Quant à ses antécédents, on lui reconnaît comme père Jean Jacques Rousseau. Tel saint Jean Baptiste, il déblaye le chemin. En revanche, ce qu'on ne souligne pas assez, c'est l'influence des Confession qui sera le pas décisif en direction d'un « moi » nouveau, celui dont les Romantiques se réclameront et transmettront aux générations futures. Je vous invite au travers de cette courte étude à une promenade dans l'histoire pour observer les singuliers visages du moi, les plus représentatifs et les plus influents qui ont changé l'histoire ou exprimé l'histoire qui change.

Pour bien faire ressortir cette particularité déterminante des Confessions, je prendrai deux autres exemples ayant joué un rôle majeur dans la formation du moi occidentale et qui sont les Confessions de Saint-Augustin et les Essais de Montaigne. Chacun à leur manière inaugure une époque et/ou témoigne d'un changement.

Les confessions appartiennent au genre autobiographique. L'idée d'écrire le récit de sa vie n'est pas prisée par les Anciens, car l'introspection est dévalorisée. « L'homme idéal ne parle ni de lui-même ni des autres », dit Aristote dans Ethique à Nicomaque. La notion de moi n'existe pas chez les Grecs, car l'homme est considéré faisant partie d'un tout, de l'univers. Bien que quelques latins aient fait des tentatives de littérature personnelle, c'est la discipline chrétienne qui, invitant le fidèle à scruter son âme favorisera les vrais débuts du genre autobiographique. Il n'empêche que le moi n'étant pas une matière littéraire jusqu'au tard l'entreprise d'Augustin restera l'unique exemple.

L'apparition de la notion de moi coïncide donc avec les débuts du christianisme. Le fait que Dieu s'incarne sur terre en son fils Jésus-Christ en vue du rachat de l'homme souligne d'emblée l'importance capitale accordée au péché et au pardon. L'exigence de salut nécessite en premier de confesser ses fautes. C'est que la pratique de la confession engage immédiatement une conscience de soi et celle-ci, si elle veut prendre part à la plénitude du Christ se doit de reconnaître impérativement comme unique interlocuteur Dieu seul. En définissant la philosophie comme un dialogue de l'âme avec elle-même, Platon laissait le « moi » en face de lui-même et l'invitait à chercher les réponses dans « le ciel des Idées ». Aristote de son côté, plaçait l'homme dans et en face de la nature pour en explorer les lois instituant ainsi le réel comme interlocuteur de l'intellect humain. La venue sur terre du Dieu chrétien renversera ce schéma en plaçant au centre du débat la question du salut et la problématique de la connaissance de la vérité dépendra désormais de la foi. C'est à l'intérieur et à partir de ce cadre nouveau qu'Augustin situe sa démarche autobiographique. Avant d'être un genre littéraire, l'autobiographie est d'abord une pratique religieuse, une démarche de foi. Il faut s'exposer au salut donné par grâce et par le pardon des péchés. Il faut exposer le « je » à Dieu, lui dire ce qu'il a été et ce qu'il est en toute sincérité en confiance. Ce qui revient à situer le moi dans une histoire singulière, la sienne propre, parce qu'il y a une histoire du salut. Cette exposition du moi chez Saint-Augustin, contrairement chez Montaigne et Rousseau n'est qu'aveux et louanges. Avouant ses péchés à Dieu, Augustin le loue de sa miséricorde. L'ouvrage tout entier est adressé à lui. Dans ce dialogue l'auteur se laisse également enseigner par lui parce que suite au péché la volonté humaine est incapable de décider entre le bien et le mal en toute connaissance de cause. Saint-Paul disait: « Je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux ». Le « moi » augustinien décide et s'engage à la suite d'une crise personnelle à déclarer comme seule source de salut et de bonheur la vérité du Dieu chrétien. Ce moi est aussi celui de tout être humain confronté à l'errance et à l'incertitude, la condition terrestre et malheureuse de toute existence. L'aspiration au bonheur et à la paix, c'est-à-dire au salut, est l'indice d'une insatisfaction que rien ne peut combler hormis Dieu. De fait, Saint-Augustin se racontant et se confessant focalise en lui le « je » de tout homme en quête de vérité et propose de s'en remettre à une instance supérieure au moi. Ce qui exige évidemment une conversion, un retournement complet. Si la conversion est nécessaire, c'est que l'homme manque de guidance et l'obtention d'une direction sûre ne peut passer que par la reconnaissance de sa condition de pécheur. Se l'avouer et demander pardon sont les actes les plus pertinents qui ouvrent la voie vers la plénitude promise par le Christ.

Le « je » d'Augustin n'est ni inexistant ni dissout. Il est irrésolu, c'est-à-dire perdu. Cette perte est consécutive au péché et sous peine de ne plus jamais se retrouver, de n'être pas un « je », il doit se réorienter. Cet itinéraire sera celui des Confessions. Toute l'Antiquité tardive et le Moyen-Age suivra cette voie, spécifiquement chrétienne où le moi est ordonné à la grâce. Cette réorientation exige une lutte spirituelle incessante contre l'ego et la volonté. D'où la nécessité de retourner son regard vers l'intérieur. Les Confessions d'Augustin est un nouveau mode d'appréhension de l'homme jamais envisagé auparavant. Engagé dans la même lutte Platon tournait son regard vers une réalité extérieure, transcendante, vers le « ciel des Idées ». Désormais, il s'agit d'une herméneutique introspective, d'interroger son ego, de se confesser en découvrant son incapacité à atteindre le bien par ses seules forces et  de s'en remettre à Dieu à qui Augustin demande: « Donne ce que tu commandes et commande ce que tu veux. »

L'époque où vécut Montaigne est une des périodes les plus troubles de l'histoire: les guerres de Religion. Pris entre deux mondes, un qui vacille et un autre qui va naître, Montaigne représente un moi hésitant, dans le doute. L'autorité des Anciens, pierre angulaire de l'Humanisme de la Renaissance commence à être critiquée. Les deux piliers de la Scolastique, Ptolémée et Aristote sont touchés. C'est une période où tout est possible. On sent qu'on abandonne l'époque médiévale mais le cartésianisme n'est pas encore là. Les assises qui seront fournies par la science viendront plus tard mais ses découvertes sont déjà menaçantes. Ce passage du monde clos à l'univers infini pour reprendre le titre du livre d'Alexandre Koyré génère un moi dont l'illustration la plus parlante sera exposée par Montaigne. A l'image du monde européen qui bouge et découvre, Montaigne écrit à bâtons rompus, en découvrant et explorant. Il reconnaît qu'il écrit « à sauts et gambades ». Tout le charme de la langue de Montaigne vient de son mouvement. Une langue dansante, brisée, légère et volage. L'homme a beau être enfermé dans sa tour, son esprit voyage jusqu'aux confins de l'homme. C'est que l'homme pose problème. Son image est ébranlée. Il se révèle inconstant et incertain comme son époque. Dans un monde où règne l'incertitude, le moi montaignien est un moi « entre-deux ». Son moi est pré cartésien, c'est-à-dire son être n'a pas d'essence auquel il faut trouver un  nouveau contenu (que trouvera Descartes plus tard), parce que l'ancien était dogmatique et fausse. « Je ne peins pas l'être, je peins le passage », précise l'auteur. Son moi est à l'image de son temps: en mouvement et en interrogation. Autant dire sceptique. Le scepticisme de Montaigne qui a fait couler beaucoup d'encres n'est pas une profession de foi, une adhésion pure et simple à une philosophie ou une doctrine. Il découle de l'incertitude des hommes. Le moi est d'abord une « incertitude fondamentale ». Certes, c'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que « l'homme ». Il serait vain en conséquence de chercher dans Les Essais une unité ou un plan. Ce sont des considérations diverses qui partent dans tous les sens. La digression, la forme d'expression préférée de l'auteur, est une excursion permanente. Le génie de l'Occident n'est pas tant d'avoir fait table rase d'un passé que d'avoir osé promener son regard dans un vide avec courage et obstination. Ces espaces infinis qui provoquaient la frayeur d'un Pascal seront l'endroit idéal pour Montaigne qui y découvre l'homme parce qu'il se découvre lui-même. Son livre se confond avec lui. Il dit de son ouvrage qu'il est « consubstantiel à son auteur. Qui touche l'un touche l'autre ». Si le thème du  livre est la nature de l'homme, le vrai maître en est Montaigne. Cette peinture de soi-même n'est pas le fait d'un égoïsme ni d'une suffisance ni d'une complaisance à se montrer. Elle est le reflet fidèle de la nature humaine parce que « chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition ». Montaigne annonce déjà Hugo qui écrivait : « Insensé qui croit que je ne suis pas toi » et la célèbre phrase de Sartre à la fin des Mots: « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui ». Cette liberté à l'écriture dansante met en avant un  « je » qui dorénavant dialogue non avec Dieu mais avec le monde et avec l'homme dont l'avenir incertain, non encore dessiné par la raison se précisera avec Rousseau dans un tout autre sens.

Si tout est mouvement et instabilité, si tout est relatif, c'est qu'aucune idée ne peut être réifiée. Lorsque tout l'édifice craque et que la vérité d'hier est déclarée inopérante face aux nouvelles conditions, la raison irrésolue et le moi hésitant ne peuvent que tourner en rond. Il n'y a rien d'autre à dire que ce passage désabusé entre deux ordres du monde. De ce désordre Rousseau fera un monde.

Le sentiment intérieur et l'acte d'écrire seront le refuge de la liberté pour Rousseau puisqu'il considère que la société corrompt les hommes et que le passé est dominé par une fatalité que les hommes ont mis en exécution contre la nature et qui pèse sur eux. Comment y échapper? Tout doit partir de l'instant, car tout est à refaire. Le point de départ ne peut être que le moi, car qu'y a-t-il de plus immédiat de nous si ce n'est notre moi? Se connaître est un acte simple et instantané qui courcircuite tout ce qui lui est étranger. Chez Rousseau, il n'y a pas de différence entre se connaître et se sentir. Ce sentiment intime de connaissance de soi décide en même temps de son innocence. Pour Rousseau dire « je » équivaut à dire « je suis innocent ». Mais ce sentiment si unique et si simple ne peut se contenter de sa propre certitude. Si telle est la vérité il faut la communiquer. Car se taire ce serait reconnaître la validité d'un jugement injuste. Rousseau persécuté, trahi, acculé à une solitude et à l'exil doit réagir, dire la vérité.

Dans les Confessions Rousseau va déployer tous les plis et les replis de son âme. Qu'est-ce qu'un moi convaincu de sa propre innocence? Ce n'est certainement pas un moi qui se défend en arborant toutes les raisons. Seul un moi passif, libre et sans défense peut réaliser un tel projet. Il ne s'agit pas d'un abandon résigné à une force extérieure, étrangère à l'intimité, mais d'un abandon sincère à une puissance intérieure. Il faut se livrer au souvenir et au sentiment et extérioriser leur vérité telle qu'on les trouve sur le moment. « J'aurai toujours le style qui me viendra », écrit Rousseau. La volonté de s'abandonner au langage, laisser l'initiative à une instance autre que la raison. Voilà le secret de Rousseau qui sera celui des Romantiques. Avec cette nouvelle conception du langage (que les Surréalistes exploiteront à leur façon) Rousseau propose comme garantie de la vérité l'autobiographie. En effet, le sujet se laisse devenir son émotion, et l'émotion est le langage immédiat. Plus on est près de la source, plus on est près de la vérité. L'émotion est le sujet qui se dévoile dans sa source et l'écrire telle qu'elle apparaît c'est aussi transformer cet outil qu'est la langue. Dès lors la parole n'est un  plus intermédiaire, car non distincte de l'émotion. Elle est le moi lui-même. Cette identification du sujet, de l'émotion, de la mémoire et de la parole fournit une transparence absolue à la vérité. L'autobiographie n'est pas un moyen en vue du dévoilement, elle est le dévoilement .La vérité que Rousseau cherche à nous dire n'est pas la localisation des faits ni leur exactitude, mais la relation de vérité qu'entretiennent entre eux le moi et l'émotion dans le passé. Ne prétendant pas dominer son objet (lui-même), Rousseau évite l'impartialité froide du scientifique et de l'historien laquelle impartialité vise le vrai et non la vérité. Celle-ci échappe par nature aux lois habituelles de la vérification et se présente à partir d'une instance qui ne se manifeste pas à la manière des faits. Elle a pour nom la sincérité. Pour Rousseau la parole authentique ne se réfère pas à une donnée préexistante. Elle est libre contrairement au discours classique qui est imitation d'un modèle. Le modèle du moi ne peut être que lui-même à condition d'être sincère. Contre le paraître social Rousseau choisit d'être et cet être il faut le laisser paraître. Le moi d'Augustin s'effaçant devant Dieu, et celui de Montaigne sans arrogance, car la vérité est inaccessible, sont à l'exact opposé du moi de Rousseau qui se veut exemplaire. Dans une lettre à Malherbe du 26 janvier 1762 il écrit; « Oh! Que le sort dont j'ai joui n'est-il connu de tout l'univers! Chacun voudrait s'en faire un semblable; la paix régnerait sur  la terre; les hommes ne songeraient plus à se nuire et il n'y aurait plus de méchants quand nul n'aurait intérêt à l'être ».

Le moi rousseauiste est un moi qui se veut « démocratique ». Dès lors la question est comment partir de soi pour retrouver le monde? Ou plutôt, comment un moi singulier peut se prétendre à la pluralité? Le tour de force de Rousseau, tout son intérêt est là: le passage à la politique. Fervent lecteur d'Augustin, Rousseau établit une symétrie parfaite avec les Confessions d'Augustin. Le choix du même titre n'est pas innocent. Il faut prendre le contre-parti en évacuant la division de la volonté contre elle-même. Cette vérité, chez Augustin est la conséquence du péché originel. Elle empêche Augustin de se déterminer pleinement à suivre la vraie foi. C'est faire passer l'amour de soi avant l'amour de Dieu, geste d'orgueil qui ne peut aboutir qu'à sa servitude. Celle-ci fonde à son tour la servitude civile. D'où les Deux Cités chez Saint-Augustin. A l'homme qui a perdu son gouvernement de soi il faut donc un maître. Cet obstacle légitimera au Moyen-Age la fonction royale sur l'incapacité de l'homme à se gouverner soi-même. Contester la légitimité des rois sera contesté cette division de la volonté contre elle-même. C'est cette légitimation que rejette Rousseau dans son Contrat social, c'est- à- dire la domination du péché. La seule légitimité pensable, concrète et applicable est la légitimité d'un pacte. Ce pacte est un consensus des volontés individuelles dont la composition forme la volonté générale qui doit présider au vivre ensemble. Or cette faculté n'est pas entachée selon Rousseau par une faute à l'origine de la division de la volonté. La volonté avant d'être celle d'un orgueil est celle d'un amour propre, l'amour de soi-même. Cette inclinaison est naturelle et dépourvue de tout orgueil. L'homme s'aime naturellement avant même de se prendre comme le lieu d'une division qui l'obligerait à choisir entre lui et un Dieu. Cette innocence qui ruissèle à chaque page des Confessions est un enjambement du péché, son escamotation, son refus. Le péché n'existe pas ou plus précisément, il est une donné non surnaturelle, mystérieuse, mais le fruit d'une civilisation. De fait, le paradis est perdu non consécutivement au péché mais à cause de la bêtise des hommes incapables de réformer la société. C'est précisément la tâche des Confessions de nous le prouver, et nous exposer la peinture d'un homme ainsi réformé capable remplace la volonté divisée, l'unité perdue par la culture de la vertu. Il n'est pas le fruit d'un hasard que Rousseau propose cette alternative au chapitre 8 de ses Confessions tout comme Saint-Augustin au même chapitre. Ce dernier propose la conversion comme remède à la division de la volonté, alors que Rousseau préconise une réforme sociale et politique pour contrecarrer les effets néfastes du péché. C'est ainsi que la démocratie représentative se substituera à la conversion personnelle. Entre s'en remettre à Dieu et au peuple, le choix se clarifiera au fil du temps, s'en remettre aux autres devenant synonyme de choisir son moi comme étant celui des  autres, la volonté générale.

Cette brèche était ouverte par Montaigne. Le progrès des sciences comblera le vide politique par la raison cartésienne et Rousseau donnera l'estocade. Chacun des trois « moi » est ruptural, inaugurant un règne et définissant une anthropologie. Parce que chacune de ces époques demande une vision nouvelle posant des questions nouvelles. Et chacun de ces trois génies est une réponse nouvelle.

L'obsession de la transparence chez Rousseau annonce nos sociétés de spectacle. A la théâtralité antique, médiatrice des passions en vue de leur catharsis, Rousseau oppose « L'extimité » (l'intimité extrême), telle que la définit Serge Tisseron où l'espace publique et privé deviennent indistincts. Une société où le privé rendu aussitôt public est-elle encore vertueuse? Comment faire la part de la sincérité et de l'obscénité, de l'obstacle et de la transparence?

Le moi romantique est la reprise de cette problématique et son installation définitive sur la scène historique. Si Rousseau est l'instigateur  et le revendicateur du moi démocratique, les Romantiques seront leurs propagateurs. Ils démocratiseront le moi. En le sortant de son anonymat, ils achèveront la révolution rousseauiste. Hugo dira que le Romantisme est la Révolution 1789 en littérature. La jonction du singulier et du pluriel tant réclamée par Rousseau trouvera son accomplissement dans le moi romantique.

Loin d'être un principe distinct du corps comme chez Platon, le moi romantique est charnel, incarné. Il est nourri par une tension permanente produit par un double refus: celui de la réduction du vivant à un mécanisme (l'homme machine) et celui de la réduction de l'âme aux seules opérations de la pensée. Augustin réglait la parole humaine sur celle divine. Montaigne, devant la débâcle des toutes paroles préférait se réfugier à toutes les paroles pour en constater l'inanité. Rousseau la prenait comme la seule source de vérité. Le Romantisme accentuera ces contradictions sans  réussir en faire prévaloir l'une plus qu'une autre. En poussant à l'extrême l’expression du moi rencontrera les mêmes écueils. Si l'émotion du moi est à dire, sa vérité est-elle suffisante? Chateaubriand répondra par « Le Génie du Christianisme » comme pour retourner à Saint-Augustin. Hugo finira par opter pour une spiritualité chrétienne lui aussi, mais non en faveur des privilégiés, c'est-à-dire pour une domination injuste. Gautier s'enfoncera dans l'art pour l'art. Vigny avec son satanisme prendra une voie sans issue. L'éclatement est total. La subjectivité laissée à elle-même enfante montres et merveilles sans qu'on sache qui a tort, qui a raison. Le sceptique Montaigne veille du haut de sa tolérance et de son irrésolution.

La proposition d'un nouveau paradigme est venue de Rousseau et les Romantiques l'ont imposé dans l'histoire. A la solitude de Rousseau ils ont rejoint la multiplicité. Le pathos de l'intériorité devient norme avec les Romantiques. Cette intériorité est-elle parole d'un moi ou d'une parole plus ancienne? Le « je » est-il Rome et Antique? Peut-on assigner au « moi » une géographie, un statut? Ville ou période, histoire ou nouveauté, le « moi » est une aventure. Il doit s'exprimer, s'étaler, se laisser aller. Mais qui peut dire si c'est rejoindre une extériorité, parce qu'on rejoint la nature ou revenir à soi, au plus naturel, au plus immédiat? Le statut de la nature dans toute son acception date de cette démarche une et multiple.

Le risque d'une inflation de la subjectivité était rendu présent par Augustin et Montaigne. Mais si Augustin a réussi à y échapper grâce à Dieu et Montaigne grâce à son scepticisme, les Romantiques trouveront la réponse dans l'exaltation du moi. Si l'unité originelle est perdue à jamais, rien ne dispense la liberté humaine d'en créer une autre. Le Romantisme est l'approche sans fin d'un impossible. Il apparaît comme une expérience tragique d'avance vouée à l'échec car il découvre tout comme ses trois prédécesseurs que l'homme est une instance d'un entre-deux jamais inconciliable. Le moi romantique est la reprise, l'affirmation et le dévoilement de l'homme qui ne cesse de jouer au cache-cache avec lui même, avec sa vérité située quelque part inaccessible néanmoins en lui.
AUGUSTE UNAT

AUTEURS et LEURS OEUVRES

  • Louis Aragon (20ème siècle)
  • Samuel Beckett - "En Attendant Godot" (20ème siècle - Théâtre)
  • Eugène Ionesco - "La Cantatrice Chauve", "Rhinocéros" (20ème siècle - Théâtre)
  • Aimé Césaire - "Cahier du Retour au Pays Natal" (20ème siècle)
  • Jacques Prévert - "Paroles" (20ème siècle)
  • Marguerite Yourcenar - "Alexis ou Le traité du Vain Combat" (20ème siècle)
  • André Breton - "Nadja" (20ème siècle)
  • Jean Cocteau - "Les Enfants Terribles" (20ème siècle)
  • Jean-Paul Sartre - "Huis Clos", "Les Mouches", "La Nausée", "Le Mur" (20ème siècle)
  • Albert Camus - "L'Etranger", "La Peste" (20ème siècle)
  • Colette - "Les Séries de "Claudine" (20ème siècle)
  • Guillaume Apollinaire - "Calligrammes" (20ème siècle - Poésie)
  • André Gide - "Les Nourritures Terrestres", "La Symphonie Pastorale", "Les Caves du Vatican", "Les Faux Monnayeurs" (20ème siècle)
  • Paul Verlaine - "Romances Sans Paroles" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Arthur Rimbaud - "Le Dormeur du Val" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Mallarmé - "Poésies" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Charles Baudelaire - "Les Fleurs du Mal", "L'Etranger" (19ème siècle - Symbolisme)
  • Emile Zola - "Germinal", "L'Assommoir", "Thérèse Raquin", La Bête humaine" (19ème siècle, Naturalisme)
  • Guy de Maupassant - "Papa de Simon", "L'Auberge", "Aux Champs", "La Ficelle", "Pierrot", "Toine", "La Bête du Maitre Belhomme", "La Parrure", "La Dot", "La Rempailleuse" (19ème siècle - Réalisme)
  • Alexandre Dumas - "Les Trois Mousquetaires", "Le Comte de Monte Cristo", "La Reine Margot" (19ème siècle)
  • George Sand - "La Petite Fadette", "La Mare au Diable" (19ème siècle)
  • Gustave Flaubert - "Madame Bovary", "Salammbô", "L'Education Sentimentale" (19ème siècle - Réalisme)
  • Honoré de Balzac - "Le Père Goriot", "Eugénie Grandet", La Peau de Chagrin", "Le Colonel Chabert", "Le Lys dans La Vallée", "Illusions Perdues", "Le médecin de Campagne", "Les Chouans" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Stendhal - "Le Rouge et Le Noir", "La Chartreuse de Parme", "Vie de Rossini" (19ème siècle - Romantisme et Réalisme)
  • Victor Hugo - "Notre Dame de Paris", "Les Misérables", "Le Dernier Jour d'Un Condamné", "Les Orientales", "Hernani", "Cromwell", "William Shakespeare" (19ème siècle - Romantisme)
  • Gérard de Nerval - "Odelettes" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Vigny - "La mort du Loup" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Alfred de Musset - "Les Caprices de Marianne" (19ème siècle - Romantisme, théâtre)
  • Alphonse de Lamartine - "Méditations Poétiques" (19ème siècle - Romantisme, poésie)
  • Bernardin de Saint-Pierre - "Paul et Virginie" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Madame de Staël - "Colline et Delphine", "De l’Allemagne" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Senancour - "Oberman" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Benjamin Constant - "Adolphe" (19ème siècle - Préromantisme)
  • François René de Chateaubriand - "Mémoires d'Outre-Tombe", "René" (19ème siècle - Préromantisme)
  • Le Sage - "Gil Blas de Sentillane" (18ème siècle)
  • Marquis de Sade - "Justine ou Les Malheurs de la vertu", "Les 120 jours de Sodome" (18ème siècle)
  • Choderlos de Laclos - "Les Liaisons Dangereuses" (18ème siècle - Roman Epistolaire)
  • Jean-Jacques Rouseau - "Emile ou de L'Education", "Les Confessions", "Julie ou La Nouvelle Héloïse" (18ème siècle)
  • Voltaire - "Candide", "Zadig", "Micromégas" (18ème siècle)
  • Diderot - "Le Neveu de Rameau" (18ème siècle)
  • Beaumarchais - "Le Barbier de Séville", "Le Mariage de Figaro" (18ème siècle - Théâtre)
  • Marivaux - "Le Jeu de L'Amour et du Hasard" (18ème siècle - Théâtre)
  • Montesquieu - "L'Esprit des Lois", "Les Lettres Persanes" (18ème siècle)
  • Jean Racine - "Andromaque", "Bérénice", "Britannicus", "Phèdre", "Iphigénie" (17ème siècle - Tragédie)
  • Pierre de Corneille - "Le Cid" (17ème siècle - Tragédie)
  • Molière - "L'Avare", "Le Bourgeois Gentilhomme", "Les Précieuses Ridicules", "Dom Juan", "Le Malade Imaginaire", "Tartuffe", "L'Ecole des Femmes", "Amphitryon", "Les Fourberies de Scapin", "Les Femmes Savantes" (17ème siècle - Comédie)
  • Madame de la Fayette - "La Princesse de Clèves" (17ème siècle)
  • Jean de La Fontaine - "Les Fables" (17ème siècle)
  • Joachim du Bellay - "Regrets" (16ème siècle)
  • Pierre de Ronsard - "Sonnets pour Hélène", "Sonnets pour Marie", "Sonnets pour Cassandre" (16ème siècle)
  • Michel de Montaigne - "Les Essais" (16ème siècle)
  • Thomas More - "L'Utopie" (16ème siècle)
  • Erasmes de Rottherdam - "L'Eloge de la Folie", "Les Antibarbares" (16ème siècle)
  • François Rabelais - "Gargantua" , "Pantagruel" (16ème siècle)