L'ACADEMIE FRANÇAISE
En 1634, le pouvoir royal crée l'Académie française chargée d'établir "des règles certaines pour la langue française" et de "traiter tous les arts et toutes les sciences".
Voici l'article premier de ses statuts: "Aucune personne ne sera reçue dans l'Académie, qui ne soit agréable à Monseigneur le Protecteur, et qui ne soit de bonnes moeurs, de bonne réputation, de bon esprit, et propre aux fonctions académiques". En 1693, elle compte dans ses rangs La Bruyère, La Fontaine, Racine, Boileau, Perrault. Ses principales fonctions sont de rédiger un dictionnaire (il sera présenté à Louis XIV en 1694) et d'établir une liste des meilleurs auteurs de la langue française qui serviront de modèle.
Un exemple du rôle de l'Académie française: la querelle du CID (1637)
Les premières représentations du "Cid" ont un succès considérable, mais la publication de la pièce est au coeur d'une rive controverse. Corneille est accusé de n'avoir pas respecté les règles du théâtre et d'avoir bafoué les bienséances. L'Académie française prend position.
"L'Observateur après cela passe à l'examen des moeurs attribuées à Chimène, et les condamne. En quoy nous sommes entièrement de son costé; car au moins ne peut-on nier qu'elle ne soit, contre la bienséance de son sexe, Amante trop sensible, et Fille trop desnaturée. Quelque violence que luy peust faire sa passion, il est certain qu'elle ne devoir point se relascher dans la vengeance de la mort de son Père, et moins encore se résoudre à espouser celuy qui l'avoit fait mourir. En cecy il faut avouer que ses moeurs sont du moins scandaleuses, si en effect elles ne sont pas dépravées. Ces pernicieux exemples rendent l'Ouvrage notablement défectueux, et s'escartent du but de la Poésie, qui veut estre utile; ce n'est pas que cette utilité ne se puisse produire par des moeurs qui soient mauvaises; mais pour la produire par de mauvaises moeurs, il faut qu'à la fin elles soient punies, et non récompensées, comme elles le sont en cet ouvrage".
Sentiments de l'Académie sur le CID, 1638
L'académicien Vaugelas publie en 1647 "Remarques sur la langue française" qui définit ce que doit être l'usage correct de la langue
Voici donc comme on définit le bon usage: C'est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie des auteurs du temps. Quand je dis la Cour, j'y comprends les femmes comme les hommes et plusieurs personnes de la ville où le Prince réside, qui par la communication qu'elles ont avec les gens de la Cour participent à sa politesse. Il est certain que la Cour est comme un magasin d'où notre langue tire quantité de beaux termes pour exprimer nos pensées, et que l'éloquence de la chaire ni du barreau n'aurait pas les grâces qu'elle demande, si elle ne les empruntait presque toutes de la Cour. Je dis presque, parce que nous avons encore un grand nombre d'autres phrases qui ne viennent pas de la Cour, mais qui sont prises de tous les meilleurs auteurs grecs et latins, dont les dépouilles font une partie des richesses de notre langue, et peut-être ce qu'elle a de plus magnifique et de plus pompueux. Toutefois, quelque avantage que nous donnions à la Cour, elle n'est pas suffisante toute seule pour servir de règle, il faut que la Cour et les bons auteurs y concourent et ce n'est que de cette conformité qui se trouve entre les deux que l'usage s'établit.
Vaugelas, "Remarques sur la langue française", préface, 1647.