De Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, il nous reste quelque 1400 lettres adressées à sa fille, éloignée de Paris, et à des amis. Cette correspondance abondante, vivante et variée, propose une galerie de portraits, des anecdotes significatives et un témoignage enjoué sur les moeurs et les usages de ses contemporains.
Il faut que je vous conte une petite histoirette, qui est très variée, et qui vous divertira. Le Roi se mêle depuis peu de faire des vers: MM. de Saint Aignan et Dangeau lui apprennent comme il s'y faut prendre. Il fit l'autre jour un petit madrigal, que lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de Gramont: "Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal et voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent. Parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les façons". Le maréchal, après avoir lu dit au Roi: "Sire, Votre Majesté juge divinement bien de toutes choses: il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j'aie jamais lu". Le Roi se mit à rire, et lui dit: "N'est-il pas vraie que celui qui l'a fait est bien fat?" -Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre nom. -Oh bien! dit le Roi, je suis ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement; c'est moi qui l'ai fait. -Ah! Sire, quelle trahison! Que Votre Majesté me le rende; je l'ai lu brusquement. -Non, Monsieur le maréchal: les premiers sentiments sont toujours les plus naturels".
Mme de Sévigné, Correspondance, "Lettre à Mr de Pomponne",
1er décembre 1664
Hiç yorum yok:
Yorum Gönder