"LE ROSEAU PENSANT"
Extrait des "PENSEES" de Blaise PASCAL
N'est-il pas émouvant de voir ce malade, perpétuellement accablé de tourments physiques, proclamer la supériorité de l'homme sur la matière qui l'écrase? C'est ici que Pascal se sépare de Montaigne. Ce savant mathématicien, ce physicien ne pouvait méconnaitre la noblesse du génie humain. Mais Pascal est en même temps chrétien: comme s'il avait trop voulu "faire l'ange", il corrige dans le fragment 365 ce qu'il y avait d'absolu dans la pensée 347. Pour lui, grandeur et misère sont, selon le mot de M. Strowske, les deux plateaux inséparables d'une même balance: si l'un ne s'abaisse, l'autre ne s'élève point.
L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui; l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. (347)
Roseau pensant - Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée. Je n'aurai pas davantage en possédant des terres: par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends. (348)
Grandeur de l'homme - Nous avons une si grande idée de l'âme de l'homme, que nous ne pouvons souffrir d'en être méprisés et de n'être pas dans l'estime d'une âme; et toute la fécilité des hommes consiste dans cette estime. (400)
La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connait misérable. Un arbre ne se connait pas misérable. C'est donc être misérable que de (se) connaitre misérable; mais c'est être grand que de connaitre qu'on est misérable. (397)
Pensée - Toute la dignité de l'homme consiste en la pensée. La pensée est donc une chose admirable et incomparable par sa nature. Il fallait qu'elle eût d'étranges défauts pour être méprisable; mais elle en a de tels que rien n'est plus ridicule. Qu'elle est grande par sa nature! Qu'elle est basse par ses défauts! Mais qu'est-ce que cette pensée? Qu'elle est sotte! (365)
Il est dangereux de trop faire voir à l'homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l'un et l'autre. Mais il est très avantageux de lui représenter l'un et l'autre. Il ne faut pas que l'homme croie qu'il est égal aux bêtes, ni aux anges, ni qu'il ignore l'un et l'autre, mais qu'il sache l'un et l'autre. (418)
L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. (358)
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