L'EMPIRE DE "L'AMOUR-PROPRE"
L'amour-propre est inséparable de l'intérêt, de l'orgueil, de la vanité, enfin des passions en général.
INTERET► L'intérêt est l'âme de l'amour-propre, de sorte que comme le corps, privé de son âme, est sans vue, sans ouïe, sans connaissance, sans sentiment et sans mouvement, de même l'amour-prropre séparé, s'il le faut dire ainsi, de son intérêt, n'entend, ne sent et ne se remue plus... (510)
L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé (39).
On ne blâme le vie et on ne loue la vertu que par intérêt (597).
ORGUEIL► L'orgueil se dédommage toujours et ne perd rien, lors même qu'il renonce à la vanité (33).
Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne plaindrions pas de celui des autres (34).
L'orgueuil est égal dans tous les hommes, et il n'y a de différence qu'aux moyens et à la manière de le mettre au jour (35).
VANITE► Quelque bien qu'on nous dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau (303).
On parle peu, quand la vanité ne fait pas parler (137).
On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler (138).
LES PASSIONS► Les passions ont une injustice et un propre intérêt qui fait qu'il est dangereux de les suivre, et qu'on doit s'en défier, lors même qu'elles paraissent les plus raisonables (9).
Contre l'amour-propre, la raison demeure impuissante, tant notre volonté est débile:
Nous avons plus de force que de volonté, et c'est souvent pour nous excuser à nous-mêmes que nous nous imaginons que les choses sont impossibles (30). Nous n'avons pas assez de force pour suivre toute notre raison (42).
Voici les conséquences de l'emprise de l'amour-propre sur l'âme humaine:
Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés.
Les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer (171).
Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les motifs qui les produisent (409).
Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois (149).
La modération est une crainte de tomber dans l'envie et dans le mépris que méritent ceux qui s'envirent de leur bonheur; c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit; et enfin la modération des hommes dans leur plus haute élevation est un désir de paraitre plus grands que leur fortune (18).
La clémence des princes n'est souvent qu'une politique pour gagner l'affection des peuples (15).
Cette clémence dont on fait une vertu, se pratique tantôt par vanité, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble (16).
L'amour de la justice n'est, en la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice (78).
Le mépris des richesses était dans les philosophes un désir caché de venger leur mérite de l'injustice, de la fortune, par le mépris des mêmes biens dont elle les privait; c'était un secret pour se garantir de l'avilissement, de la pauvreté; c'était un chemin détourné pour aller à la considération qu'ils ne pouvaient avoir par les richesses (44).
La sincérité est une ouverture de coeur. On la trouve en fort peu de gens et celle que l'on voit d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation, pour attirer la confiance des autres (62).
Ce que les hommes ont nommé amitié n'est qu'une société, qu'un ménagement réciproque d'intérêts et qu'un échange de bons ofices; ce n'est enfin qu'un commerce où l'amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner (83).
Ce qui parait générosité n'est souvent qu'une ambition déguisée, qui méprise de petits intérêts, pour aller à de plus grands (246).
La magnanimité méprise tout, pour avoir tout (248).
Enfin La Rochefoucauld décèle souvent la faiblesse sous les apparences de la bonté et de la vertu:
Rien n'est plus rare que la véritable bonté: ceux même qui croient en avoir n'ont d'ordinaire que la complaisance ou de la faiblesse (481).
Nul ne mérite d'être loué de bonté, s'il n'a pas la force d'être méchant: tout autre bonté n'est le plus souvent qu'une paresse ou une impuissance de la volonté (237).
Pendant que la paresse et la timidité nous retiennent dans notre devoir, notre vertu en a souvent tout l'honneur (169).
Or cette confusion est néfaste, car:
La faiblesse est plus opposée à la vertu que le vice (445).
La faiblesse est le seul défaut qu'on ne saurait corriger (130)
L'on fait plus souvent des trahisons par faiblesse que par un dessein formé de trahir (120).
LA ROCHEFOUCAULD
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