LES SERMONS DE BOSSUET
Bossuet avait longuement médité sur son art. Après avoir hésité quelque temps entre deux méthodes, il arriva par l'expérience à un système bien équilibré dont on peut voir les principes dans le Sermon sur La Parole de Dieu.
Pour Bossuet, la prédication n'est pas un métier comme l'éloquence du barreau, mais un ministère sacré, comparable à celui du prêtre qui offre le sacrifice de la Messe. Etabli pour sauver les hommes, le prédicateur doit donc s'oublier lui-même, et, au lieu de se faire valoir par les artifices de la parole, viser uniquement à être compris à force de simplicité. Bossuet est simple, parce que les idées relevées qu'il exprime sont rendues en un langage ouvert et commun que les chrétiens de culture moyenne peuvent saisir tout d'abord.
Le fond de la prédication doit être le dogme, contenu dans l'Evangile et dans l'enseignement des Pères, des Docteurs et des Conciles. Tout autre fondement est ruineux. Le dogme n'est pas exposé dans ses subtilités pour satisfaire la curiosité de l'esprit mais il est étudié comme la lumière de la conduite et comme le fondement de la morale. Cette morale est la morale chrétienne traditionnelle, qui ne met pas des coussins sous les coudes des pécheurs et qui n'accable pas les hommes faibles sous un joug très injuste.
Le prêtre prêche pour convertir les âmes. Il ne lui suffit donc pas de prouver; il faut qu'il touche. Mais il ne suffit pas non plus d'émouvoir la sensibilité. Il faut aller au coeur par la raison. Bossuet pratique cette art à merveille: il raisonne, mais son rasionnement est passionné. Tout s'anime à sa voix: les abstractions dont il parle deviennent des réalités concrètes et pressantes, il interpelle ses auditeurs, il les interroge, il répond pour eux et il ne leur permet pas de respirer.
La prédication ainsi comprise devient lyrique. Bossuet est lyrique, c'est-à-dire qu'il traite des idées humaines, touchantes pour tous les hommes, les brièveté de la vie, l'âpreté de la mort, les déboires de l'ambition, les illusions de l'honneur; ces lieux communs, il les traite avec passion, parce que son âme frémissante en a été touchée jusqu'au fond et cette passion s'exprime dans un style coloré, imagé, paré, de tous les prestiges de la poésie.
On a dit que l'éloquence de Bossuet ne fut pas goûtée de son temps. Il y a la quelque exagération. De 1659 à 1670, Bossuet est considéré comme le premier des orateurs chrétiens. Comme il se tait ensuite, et qu'on ne peut pas lire ses sermons qu'il n'a pas publiés, il n'est pas étonnant qu'on parle peu de lui. Bourdaloue parait et il a le bonheur d'enthousiasmer Madame de Sévigné qui répend son nom à travers la France et fait pour la postérité une bonne part de sa gloire. Son genre plus subtil, ses analyses psychologiques devaient plaire d'ailleurs aux contemporains de Racine plus que la logique passionnée de Bossuet. On exagère donc quand on parle de l'échec de Bossuet prédicateur.
Cependant, il est certain que le XVIIème siècle n'a pas apprécié l'éloquence de Bossuet comme nous le voudrions aujourd'hui. On voyait en lui un théologien, un savant, un Père de l'Eglise; on convenait qu'il laissait à d'autres la palme de l'éloquence. Le XVIIIème siècle ne comprit pas plus Bossuet qu'il ne comprenait Corneille et Pascal. De nos jours, on a mis Bossuet à sa vraie place, qui est la première.
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