LES OEUVRES D'AGRIPPA D'AUBIGNE
LE PRINTEMPS
Publié pour la première fois au XIXème siècle, ce recueil rassemble les vers que lui inspira son amour pour Diane Salviati, la passion de ses vingt ans. La première partie, Hécatombe à Diane (étymologiquement: cent offrandes à Diane), nous raconte l'inquiétude, le bonheur et finalement la déception de l'amoureux. D'Aubigné écrit ici son canzonière à la manière de Pétrarque, comme Ronsard écrivit dans le même style les Sonnets pour Hélène. Le ton de la suite est moins conventionnel et dans les Stances et les Odes se heurtent, dans un furieux mélange, le désespoir, le sang, la mort et l'univers animé. Il s'y fait déjà sentir une véhémence toute guerrière qui trouve son plein épanouissement dans les Tragiques.
LES TRAGIQUES
C'est l'oeuvre majeure d'Agrippa d'Aubigné; elle inaugure en France un genre nouveau: "l'épopée lyrique et satirique" (A.M. Schmidt). Commencé en 1577, elle ne fut publiée qu'en 1616 et raconte, à la gloire des protestants, l'épopée des guerres de religion. C'est une oeuvre immense de plus de 9000 vers divisées en sept chants.
Le premier, les Misères, décrit les malheurs de la France ravagée par les guerres. Les Princes développe une violente satire contre les moeurs efféminées des favoris royaux. Dans la Chambre Dorée, il attaque les gens de justice chargés de Fers, passent en revue, sous la forme de tableaux saisissants, toutes les horreurs de la guerre. Dans Vengeances, D'Aubigné annonce que le châtiment de Dieu menace les coupables. Enfin, le Jugement annonce l'Apocalypse et le Jugement dernier. On y voit le bonheur des élus qui ont été persécutés sur terre: l'ordre naturel, renversé un moment par la barbarie et la corruption des puissants est ainsi rétablie par la volonté divine. Telle est la pensée profonde que reflète le plan. Elle est voisine de celle de Calvin dans le Traité des scandales où Dieu rétablit aussi la justice après la mort. Mais à la différence de Calvin, qui ne remet pas le monde en question et appelle à l'espoir dans l'au-delà, la grande originalité de D'Aubigné, qui est un combattant, c'est de prendre directement parti contre les vices et les corruptions de la cour.
La longue épopée des Tragiques est une oeuvre de qualité inégale mais elle est intéressante dans la mesure où elle reflète très bien, jusque dans ses excès même, les angoisses d'une époque tourmentée. La seconde moitié du XVIème siècle est marquée par l'insécurité, la violence et les atrocités. Le climat d'intolérence et de sauvagerie place les hommes dans un état de détresse qui les rapproche soudain de celui dont tout dépend en dernière instance: Dieu. C'est de ce perpétuel échange entre les misères humaines et la splendeur divine que se nourrit l'épopée. Cette déchirure entre le sentiment intense du tragique de la vie et la grandeur absolue de Dieu, significative de la sensibilité baroque, est plus manifeste chez les écrivains protestants, peut-être parce qu'ils étaient davantage soumis aux persécutions. La mort et la souffrance sont en effet deux thèmes qui reviennent comme des obsessions chez D'Aubigné.
LES THEMES DES TRAGIQUES
LA MORT► Pour D'Aubigné la mort n'est pas seulement l'aboutissement de l'existence, mais une présence tout au long de la vie. Elle se manifeste partout dans le sang des victimes, dans les crimes des méchants et jusque dans les plaintes de la nature qui sont l'expression du tragique de l'univers.
LES SUPPLICES► Dans certains de leurs chants, les Tragiques ressemblent à un long répertoire des souffrances infligées aux hommes, avec une prédilection non dissimulée pour le macabre et les scènes d'horreur. On est loin de la poésie aimable de Marot ou de rire de Rabelais au début du siècle. Pour D'Aubigné, la douleur est le lot de l'humanité: d'un côté il y a les bons, persécutés pour leurs coryances, de l'autre les méchants voués aux tortures et aux flammes de l'enfer.
La violence des thèmes appelait un style véhément. Agrippa D'Aubigné a su le trouver.
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