LANCELOT OU LE CHEVALIER À LA CHARRETTE
RÉSUMÉ
Dans le prologue Chrétien de Troyes se nomme et dédie son livre à sa protectrice, Marie de Champagne. Il donne aussi le titre "Le chevalier à la charrette", ce qui crée un effet de surprise; en effet il ne nomme pas le héros dont l'identité ne sera dévoilée que dans la deuxième partie du roman et il associe deux réalités opposées: le monde de l'aristocratie "chevalier" et celui des paysans "charrette".
Le récit commence dans la cour du roi Arthur, le jour de l'Ascension. Dans la réunion de cette élite, l'arrivée du chevalier armé vient créer la perturbation d'autant plus qu'il ne respecte ni les usages ni les codes féodaux. Il se montre discourtois, agressif, menaçant et son défi à Arthur lance véritablement l'intrigue. Ké, le sénéchal, est lui aussi en faute. Bien que son désir de défendre la reine Guenièvre soit louable, il se montre orgueilleux, prétentieux et déraisonnable en exerçant un chantage pour obtenir cette mission. Gauvain, neveu d'Arthur, ne se prive d'ailleurs pas de souligner l'imprudence qu'il y a eu à lui confier une telle tâche: l'échec de Ké est d'ores et déjà prévisible.
On remarque qu'en ce début le récit progresse avec rapidité et vivacité -réunion de la cour, défi du chevalier, départ de la reine et de Ké, enlèvement de ces derniers- mais il est momentanément interrompu par l'arrivée impromptue d'un nouveau chevalier, mystérieux et en bien piteux état. Il ne semble pas non plus correspondre aux normes de son milieu puisqu'il va sans cheval et qu'il accepte de monter sur une charrette infâmante des condamnés. Mais l'auteur justifie son geste au nom de l'Amour: le lecteur, s'il ne connaît pas ce chevalier, comprend donc déjà qu'il est passionnément épris de la reine puisqu'il est prêt à lui sacrifier ce qu'il y a de plus précieux pour un chevalier, son honneur. La première épreuve -celle du lit enflammé- vient renforcer le caractère exceptionnel de ce chevalier: le fait d'en sortir indemne est déjà une preuve de la protection surnaturelle qui entoure le héros.
La deuxième journée Gauvain et Lancelot apprennent l'identité du ravisseur de la Reine: il s'agit de Méléagant, fils du roi de Gorre, Baudemagus. L'accès à ce royaume est présenté comme impossible, deux passages périlleux en défendent l'entrée. L'un c'est le "Pont dessous l'eau" et l'autre c'est le "Pont de l'épée". Les deux hommes décident alors de se séparer et dès lors le récit va se concentrer sur la seule quête de Lancelot.
Les aventures de cette journée -Lancelot bat en duel le chevalier du Ké- soulignent à la foi la bravoure et la loyauté du chevalier mais surtout son extraordinaire passion pour la Reine. L'auteur se livre à une véritable analyse de l'amour et de ces effets sur le cœur d'un homme. Tantôt il se moque presque de son héros qui se ridiculise par sa distraction ou ses hésitations, tantôt il en montre la grandeur.
La troisième journée est organisée autour de deux épisodes importants; celui du peigne au bord de la fontaine et celui du cimetière. Le premier nous montre le ravissement dans lequel Lancelot est plongé à la vue de quelques cheveux de la reine et le caractère quasi religieux de sa passion pour elle. Le narrateur en profite aussi pour s'amuser un peu du caractère exalté et excessif de son héros.
Le deuxième épisode, plus grave, donne à Lancelot une toute autre dimension. S'il est l'occasion de montrer la force miraculeuse de notre héros, il fait surtout de lui un personnage messianique; comme le Christ descendu aux enfers délivrer les âmes, Lancelot s'avance dans le pays d'où l'on ne revient pas, pour en libérer les captifs.
La quatrième journée voit Lancelot franchir victorieusement le "Passage des Pierres" puis intervenir de façon décisive dans le soulèvement du royaume de Logres contre ceux de Gorre.
La cinquième journée est centrée sur le passage du "Pont de l'Épée". C'est le dernier obstacle dans la quête de Guenièvre et le plus périlleux. Il symbolise la difficulté et la cruauté des épreuves auxquelles le héros doit se soumettre au nom de l'Amour, et la victoire de Lancelot est celle de sa passion.
Au terme de cette journée, le héros a donc triomphé de tous les obstacles et mérite sa récompense, la reine. Mais si Baudemagus, modèle de roi sage, bienveillant et loyal, veut rendre la reine qu'il a protégée dans sa prison des avances de Méléagant, ce dernier, lui, s'y refuse. En tout point opposé à Lancelot, Méléagant représente l'orgueil, l'obstination, la déloyauté et la cruauté; il faudra donc qu'il y ait un combat entre les deux hommes. L'affrontement entre Lancelot et Méléagant est mis en scène comme un véritable spectacle: un public nombreux; notamment le roi Baudemagus, la reine Guenièvre, les captifs retenus au royaume de Gorre; un duel redoutable et des rebondissements qui renforcent le "suspens". Lancelot est d'abord progressivement vaincu à cause de son état de faiblesse, puis soudain ranimé par la présence de Guenièvre; Méléagant est d'abord victorieux puis battu et sauvé in extremis par l'intervention de son père.
Au moment même où le récit semble s'achever dans l'admiration générale -qui fait définitivement oublier l'infamie de la charrette- il rebondit. Guenièvre fait à Lancelot un accueil glacial et ce dernier, désespéré, quitte la cour à la recherche de Gauvain. Attaqué par des gens du pays, il est momentanément fait prisonnier; ce rebondissement permet à l'auteur de nous montrer que la froideur de la reine était feinte. En effet lorsque Guenièvre croit Lancelot mort, elle se laisse aller au désespoir tandis que Lancelot, lui, cherche à se sucider. Le parallélisme de leurs réactions est une preuve irréfutable de la passion qui les unit. Il ne reste plus alors qu'à les remettre l'un en face de l'autre pour que s'accomplisse l'acte d'amour. Après cette ultime épreuve de deux jours, Lancelot a enfin mérité sa récompense.Grâce à une nouvelle fourberie (fausse lettre de Lancelot) Méléagant parvient à faire croire que Lancelot est retourné à la cour d'Arthur. Guenièvre, Gauvain et les captifs rentrent donc au royaume de Logres où ils comprennent la trahison dont ils on été victimes. Quelque temps après Lancelot obtient de la femme de son geôlier l'autorisation d'assister au tournoi de Noauz que doit présider Guenièvre. Là, sans se faire reconnaître, il se plie aux ordres secrets de la reine qui l'invite d'abord à se montrer lâche -nouvelle preuve d'amour puisqu'il devient ainsi la risée de tous- puis à réaliser des exploits le lendemain. Lancelot est vainqueur mais, fidèle à sa promesse, il disparaît pour rejoindre sa prison. A son retour, Méléagant, furieux qu'il ait pu encore une fois prouver sa valeur, le fait emmurer dans une tour.
Ce duel consacre définitivement Lancelot comme le chevalier parfait. Il est à la fois courageux, généreux; quand il sauvegarde Méléagant, libérateur;grâce à lui les captifs sont enfin libres et surtout amoureux;ce sont l'intervention de Guenièvre et sa passion qui lui donnent la force de continuer malgré ses blessures.
Guenièvre après avoir éclairé Lancelot sur les raisons de son dédain initial -elle lui reproche d'avoir hésité avant de monter sur la charrette d'infamie et y voit une faute contre leur amour parfait- lui offre enfin sa récompense, la nuit d'amour. Les blessures que Lancelot s'est faites en rejoignant la reine sont l'occasion d'un nouveau rebondissement. Méléagant croit voir dans les taches de sang sur les draps de la reine la preuve de la trahison de Ké qui dormait dans la même chambre. Pour défendre son honneur attaqué Guenièvre choisit Lancelot. Le serment de ce dernier est un modèle d'habileté; il jure sur les reliques que la reine est innocente de l'infamie dont on l'accuse mais il omet bien entendu de dire la vérité.
Une fois de plus les deux rivaux s'affrontent mais une fois de plus le combat est interrompu par Baudemagus et la reine. Le récit va rebondir avec le départ de Lancelot à la recherche de Gauvain. Avant d'arriver au Pont dessous l'eau, Lancelot est abordé par un nain qui le prie courtoisement de le suivre; en réalite il s'agit d'un traître qui a pour mission d'enlever Lancelot. Les compagnons de ce dernier retrouvent Gauvain à moitié mort et lui apprennent les exploits de Lancelot avant de le ramener à la cour de Baudemagus. Son arrivée est fêtée mais la joie de son retour est assombrie par la dispariton de Lancelot.
Ici s'achève le récit de Chrétien de Troyes dont Geoffrey de Lagny apportera la conclusion qui verra le triomphe définitif de Lancelot et la mort de Méléagant.
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