EXTRAITS DU TESTAMENT
L'un des thèmes les plus fréquents chez Villon est la mort. En dépit de leur beauté ou de leur grandeur, les belles dames du temps jadis n'ont pas échappé à cette destinée: Flora, courtisane romaine, ou peut-être la déesse du printemps; Thaïs, courtisane égyptienne; Echo, nymphe grecque qui aima Narcisse et se laissa mourir de désespoir, ne conservant de son corps que sa voix; Héloïse, qui au 12ème siècle, fut l'amante du philosophe Abélard; Marguerite de Bourgogne, femme de roi qui faisait tuer ses amants, dont Buridan, qui était aussi une philosophe; Blanche de Castille, reinde de France; Berthe aux grands pieds, femme de Pépin et mère de Charlemagne. On ne sait qui sont Bietris, Alis et Harembourgis. Belles ou tragiques, ces héroïnes sont choisies pour le prestige de leur nom. Villon a su en outre exprimer la fuite du temps par un refrain devenu fameux: "Mais où sont les neiges d'antan?" (d'antan: de l'année passée)
BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS
Dites-moi où n' en quel pays
Est Flora la belle Romaine,
Archipides ne Thaïs
Qui fut sa cousine germaine,
Echo parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine,
Mais où sont les neiges d'antan?
Où est la très sage Héloïs
Pour qui chatré fut, et puis moine
Pierre Abélard à Saint-Denis?
Pour son amour eut cette essoine
Semblablement où est la reine
Qui commande que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine?
Mais où sont les neiges d'antan?
La reine blanche comme lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pieds, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint la Maine,
Et Jeanne la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen;
Où sont-ils, Vierge souveraine?
Mais où sont les neiges d'antan?
Prince, n'enquérez de semaine
Où elles sont, né de cet an,
Qu'à ce refrain ne vous ramaine
Mais où sont les neiges d'antan?
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Dans cette ballade, Villon fait parler sa mère, une femme humble. Elle adresse à Notre-Dame une prière ardente et naïve. Tout l'art nait de la simplicité d'expression de ce langage parlé, et dans la ferveur de la demande, on ne sait plus si c'est Villon ou sa mère qui prie.
BALLADE POUR PRIER NOTRE DAME
Dame du ciel, régente terrienne
Emperière des infernaux palus
Recevez-moi votre humble chrétienne,
Que comprinse sois entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les bien de vous, ma dame et ma maitresse,
Sont trop plus grands que ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut mérir
N'avoir les cieux, je n'en suis jongleresse.
En cette foi je veux vivre et mourir.
A votre fils dites que je suis sienne;
Que de lui soient mes péchés abolus;
Pardonnez-moi comme à l'Egyptienne
Ou comme il fit au clerc Théophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eût au diable fait promesse.
Préservez-moi de faire jamais ce;
Vierge, pourtant, me veillez impartir
Le sacrement qu'on célèbre à la messe.
En cette foi je veux vivre et mourir.
Femme je suis pauvrette et ancienne,
Ni rien ne sais; oncques lettre ne lus;
Au monstier vois dont je suis paroissienne
Paradis peint, où sont harpes et luths
Et un enfer où damnés sont boullus:
L'un me fait peur, l'autre joie et liesse.
La joie avoir, fais-moi, haute Déesse,
A qui pécheurs doivent sous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ni paresse.
En cette foi, je veux vivre et mourir.
Vous portâtes, Vierge, digne princesse,
Jésus régnant, qui n'a fin ni cesse.
Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les cieux et nous vint secourir;
Offrit à Dieu sa très claire jeunesse;
Notre Seigneur tel est, tel je confesse.
En cette foi je veux vivre et mourir.
FRANÇOIS VILLON
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