TRISTAN ET YSEUT
LA FATALITE DE LA PASSION
Tristan dit: "Seigneur, croyez-moi,
Si elle m'aime en bonne foi,
Vous n'en savez pas la raison:
Elle m'aime par le poison:
D'elle ne me puis séparer
Ni elle de moi sans mentir".
Ogrin lui dit: "Quel réconfort
Peut-on donner à homme mort?
Il est bien mort qui longuement
Git en péché sans repentir.
Je ne puis donc pénitence
A pécheur qui ne peut se répent".
L'ermite Ogrin fort les sermonne,
Du repentir conseil leur donne,
Et l'ermite souvent leur dit
Les paroles de l'Ecriture;
Ne cesse de les appeler
Au devoir de se séparer.
Irrité il dit à Tristan:
"Que vas-tu faire? Réfléchis.
-Seigneur, j'aime Iseut à merveille,
Si bien que j'en perds le sommeil.
Je suis tout à fait résolu.
J'aime mieux être un mendiant.
Et vivre d'herbes et de glands
Qu'avoir le royaume d'Otran.
La quitter? Je n'y songe pas,
Car j'en serai fort incapable".
Iseut pleure aux pieds de l'ermite,
Sans cesse rougit et palit,
Souvent lui demande merci:
"Seigneur par Dieu le Tout Puissant,
Nous ne nous aimons tous les deux
Qu'à cause de ce que nous bûmes
Ce breuvage: ce fut malheur,
Et le roi nous a exilés".
BEROUL, Tristan et Yseut (vers 1377 à 1419)
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