Les hommes marchaient courbés car chacun portait sur son dos une énorme Chimère aussi lourd qu’un sac de farine ou de charbon ou le fourniment d’un fantassin romain; c’est-à-dire les hommes sont écrasés physiquement et moralement.
C’est un poème en prose allégorique qui peint un tableau de la condition de l’homme (Chimère) et celle du poète (Indifférence). "Chimère" et "Indifférence" sont donc les allégories, les symboles du récit. Pour le préciser le poète les a écrits en majuscule.
Dans son sens concret Chimère est un monstre à tête de lyon, corps de chèvre et queue de dragon, c’est une bête redoutable qui séduit et perd ceux qui l’approchent. Baudelaire utilise ce sens fabuleux pour décrire l’influence que la Chimère exerce sur chacun. Symboliquement, elle représente les créations imaginaires.L’effort du poète de vouloir comprendre le mystère de la condition de l’homme aboutit à un échec. Lui aussi a sa Chimère à porter. Sa curiosité est insatisfaite, il ne peut participer au sort des autres, c’est la solitude tragique du poète. C’est une solitude desespérée et lucide, c’est-à-dire, le poète est clairvoyant, il est en plein possession de ses facultés intellectuelles mais tout de même il est hors du commun. Sur la route de ce cortège, le poète se dresse comme un être indifférent et solitaire.
La Chimère est une monstrueuse bête qui n’est pas immobile. Elle enveloppe et opprime l’homme de ses muscles élastiques et puissants. Elle s’agrafe avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture et sa tête fabuleuse surmonte le front de l’homme. La bête est suspendue à son cou et collée à son dos.
Les hommes vont quelque part mais aucun parmi le cortège n’en sait où, ils sont poussés par un invincible besoin de marcher. Ils n’ont pas l’air irrité contre la bête. On dirait qu’ils la considèrent comme faisant partie d’eux-mêmes. Leurs visages ne témoignent pas de désespoir.
Les hommes sont condamnés à espérer toujours. C’est l’éternel condition de l’homme qui espère toujours et dont la vie est écrasée de douleur. D’autre part l’homme est inconsciente de sa condition, il n’est pas malheureux de sa situation.
Le poète place le poème dans une atmosphère mélancolique. Le ciel triste montre l’écrasement et l’ennui. C’est la coupole spleenétique de Baudelaire. La couleur dominante c’est le gris qui est la fusion du blanc et du noir (farine/charbon). La poussière renforce l’effet de tristesse. Ciel gris est le paysage poussiéreux et monotone ainsi c’est le paysage typiquement spleenétique des Fleurs du Mal.
Dans le poème, chacun a ses Chimères, ses rêves, ses désirs, ses idéaux plus ou moins purs qui font vivre et souffrir à la fois, signe éternel de l’humaine condition.
La dernière phrase du texte►L’obstination et l’écrasement atteignent lourdement le poète. L’adjectif “irrésistible” rappelle invincible besoin de marcher. L’accumulation des verbes (je m’obstinai à vouloir comprendre) traduit la mission difficile du poète. L’effort de comprendre les hommes c’est une défaite pour Baudelaire. Lui aussi, il est vaincu mais lui, il est lucide, clarivoyant. Ce n’est pas l’espoir qui le pousse ni les Chimères car il est sagement indifférent mais le spleen l’écrase encore davantage: la lucidité est plus terrible que ce qui est trompeur. Même s’il est en pleine possession de ses facultés intellectuelles, il est plus terriblement écrasé par le spleen.
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