EXTRAITS DES « MEMOIRES »
Les princesses firent deux nouveautés: le roi à Trianon mangeait avec les dames, et donnait assez souvent aux princesses l'agrément d'en nommer deux chacune; il leur avait donné l'étrange distinction de faire manger leurs dames d'honneur; ce qui continua toujours d'être refusé à celles des princesses du sang, c'est-à-dire de Mme la Princesse, et de Mme la princesse de Conti, sa fille. À Trianon, Mme la princesse de Conti, fille du roi, lui fit trouver bon qu'elle nommât ses deux filles d'honneur pour manger, et elles furent admises: elle était la seule qui en eût. L'autre nouveauté fut dans leurs signatures. Toutes trois ajoutaient à leur nom légitimée de France. Mme la duchesse de Chartres et Mme la Duchesse supprimèrent cette addition, et par là signèrent en plein comme les princesses du sang légitimes. Cet appât ne tenta point Mme la princesse de Conti. Elle ne perdait point d'occasion de faire sentir aux deux autres princesses qu'elle avait une mère connue et nommée, et qu'elles n'en avaient point; elle crut que cette addition la distinguait en cela d'autant plus que les deux autres la supprimaient, et elle voulut la conserver.
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Le roi eut un anthrax au cou qui ne parut d'abord qu'un clou et qui bientôt après donna beaucoup d'inquiétudes. Il eut la fièvre et il fallut en venir à plusieurs incisions par reprises. Il affecta de se laisser voir tous les jours et de travailler dans son lit presqu'à son ordinaire. Toute l'Europe ne laissa pas d'être fort attentive à un mal qui ne fût pas sans danger: il dépêcha un courrier au duc de La Rochefoucauld en Angoumois, où il était allé passer un mois dans sa belle maison de Verteuil, et lui manda sa maladie et son désir de le revoir, avec beaucoup d'amitié. Il partit aussitôt, et sa faveur parut plus que jamais. Comme il ne se passait rien en Flandre, et qu'il n'y avait plus lieu de s'y attendre à rien, le roi manda aux maréchaux de Villeroy et de Boufflers de renvoyer les princes dès que le prince d'Orange aurait quitté l'armée, ce qui arriva peu de jours après.
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Mme la Dauphine avait une fille d'honneur d'un chapitre d'Allemagne, jolie comme le jour, et faite comme une nymphe, avec toutes les grâces de l'esprit et du corps. L'esprit était fort médiocre, mais fort juste, sage et sensée, et avec cela une vertu sans soupçon. Elle était fille d'un comte de Lovestein et d'une soeur du cardinal de Furstemberg qui a tant fait de bruit dans le monde, et qui était dans la plus haute considération à la cour. Ces Lovestein étaient de la maison palatine, mais d'une branche mésalliée par un mariage qu'ils appellent de la main gauche, mais qui n'en est pas moins légitime. L'inégalité de la mère fait que ce qui en sort n'hérite point, mais a un gros partage, et tombe du rang de prince à celui de comte. Le cardinal de Furstemberg, qui aimait fort cette nièce, cherchait à la marier. Elle plaisait fort au roi et à Mme de Maintenon qui se prenaient fort aux figures. Elle n'avait rien vaillant, comme toutes les Allemandes. Dangeau, veuf depuis longtemps d'une soeur de la maréchale d'Estrées, fille de Morin le Juif, et qui n'en avait qu'une fille dont le grand bien qu'on lui croyait l'avait mariée au duc de Montfort, se présenta pour une si brande alliance pour lui, et aussi agréable. Mlle de Lovestein, avec la hauteur de son pays, vit le tuf à travers tous les ornements qui le couvraient, et dit qu'elle n'en voulait point. Le roi s'en mêla, Mme de Maintenon, Mme la Dauphine; le cardinal son oncle le voulut et la fit consentir. Le maréchal et la maréchale de Villeroy en firent la noce, et Dangeau se crut électeur palatin.
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