POEMES DE MAURICE SCEVE
“Délie, objet de plus haute vertu” est un recueil de poème de Maurice Scève ayant paru en 1544 et constituant en fait une anagramme de l'Idée platonicienne. La poésie de Scève est une poésie profondément amoureuse: Délie, Objet de plus Haute Vertu qui est l'unique recueil de Scève est consacré à une femme. Dans ce recueil, quatre cents quarante neuf poèmes sont dédiés à l'amour et expriment tantôt les joies, les espérances puis les regrets, l'amertume et les douleurs du poète. Néanmoins, l’oeuvre est considérée comme une véritable déclaration amoureuse, ce receuil n'en est pas moins une œuvre poétique, un travail de poète et donc un exploit sur le plan de l'écriture.
LE JOUR PASSE DE TA DOUCE PRESENCE
Le jour passé de ta douce présence
Fut un serein en hiver ténébreux,
Qui fait prouver la nuit de ton absence
A l'oeil de l'âme être un temps plus ombreux,
Que n'est au Corps ce mien vivre encombreux,
Qui maintenant me fait de soi refus.
Car dès le point, que partie tu fus,
Comme le Lièvre accroupi en son gîte,
Je tends l'oreille, oyant un bruit confus,
Tout éperdu aux ténèbres d'Egypte.
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DIZAINS
I
Dans son jardin Vénus se reposait
Avec Amour, sa douce nourriture,
Lequel je vis, lorsqu'il se déduisait,
Et l'aperçus semblable à ma figure
Car il était de très basse stature,
Moi très petit; lui pâle, moi transi.
Puisque pareils nous sommes donc ainsi
Pourquoi ne suis second dieu d'amitié?
Las! je n'ai pas l'arc et les traits aussi
Pour émouvoir ma maîtresse à pitié.
II
Vois que l'hiver tremblant en son séjour,
Aux champs tout nus sont leurs arbres faillis.
Puis le printemps ramenant le beau jour,
Leur sont bourgeons, feuilles, fleurs, fruits saillis.
Arbres, buissons, et haies, et taillis
Se crêpent lors en leur gaie verdure.
Tant que sur moi le tien ingrat froid dure,
Mon espoir est dénué de son herbe
Puis, retournant le doux ver sans froidure,
Mon an se frise en son avril superbe.
III
Le peintre peut de la neige dépeindre
La blancheur telle à peu près qu'on peut voir ;
Mais il ne sait à la froideur atteindre,
Et moins la faire à l'oeil apercevoir.
Ce me serait moi-même décevoir,
Et grandement me pourrait-on reprendre,
Si je tâchais à te faire comprendre
Ce mal qui peut voire l'âme opprimer,
Que d'un objet comme peste on voit prendre,
Qui mieux se sent qu'on ne peut exprimer.
IV
Le doux sommeil de ses tacites eaux
D'oblivion ! m'arrosa tellement
Que de la mère et du fils les flambeaux
Je pressentais éteints totalement,
Ou le croyais, et, spécialement,
Quand la nuit est à repos inclinée.
Mais le jour vint, et l'heure destinée,
Où revivant mille fois je mourus,
Lorsque vertu en son zèle obstinée
Perdit au monde Angleterre et
Morus.
v
Délie aux champs, troussée et accoutrée .
Comme un veneur, s'en allait ébattant.
Sur le chemin, d'Amour, fut rencontrée,
Qui partout va jeunes amants guettant,
Et lui a dit, près d'elle voletant
"Comment vas-tu sans armes à la chasse ? -
N'ai-je mes yeux, dit-elle, dont je chasse,
Et par lesquels j'ai maint gibier surpris
Que sert ton arc qui rien ne te pourchasse,
Vu mêmement que par eux je t'ai pris ?"
VI
Amour, brûlant de se voir en portrait,
Bien eût voulu qu'Appelle fût en vie ;
A son défaut autre peintre il convie,
Lequel déjà achevait arc et trait,
Croyant avoir portraiture accomplie ;
Quand je lui dis :
"Ami, que fais-tu là ?
Pour le bien peindre efface tout cela,
Et seulement peins vite ma
Délie. "
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EN TOI JE VIS, OU QUE TU SOIS ABSENTE
En toi je vis, où que tu sois absente :
En moi je meurs, où que soye présent.
Tant loin sois-tu, toujours tu es présente :
Pour près que soye, encore suis-je absent.
Et si nature outragée se sent
De me voir vivre en toi trop plus qu'en moi :
Le haut pouvoir qui, oeuvrant sans émoi,
Infuse l'âme en ce mien corps passible,
La prévoyant sans son essence en soi,
En toi l'étend comme en son plus possible.
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MICROCOSME - AU LECTEUR
Le vain travail de voir divers païs
Aporte a qui vagabond erre,
Combien qu'il perde à changer ciel, et terre,
Ses meilleurs jours de tems larron trahis.
Ce tems perdu peut aux plus esbahis
Gaigner encor son merite, et acquerre
Son loyer deu, que mieux peuvent conquerre
Veille, et labeur d'oisiveté haïs.
Ainsi errant dessous ce cours Solaire
Tardif je tasche inutile à te plaire
Ne mendiant de toi autre faveur.
Ainsi le Lys jà flestri refleuronne,
Et le Figuier regette sur l'Autonne
Son second fruict, mais vert, et sans saveur.
NON SI NON LA
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