LE PROJET REALISTE
La science connait d'extraordinaire progrès au 19ème siècle, tant dans les découvertes que dans les méthodes fondées sur l'expérience. Le courant du positivisme, dans la deuxième moitié du 19ème siècle, se manifeste par la confiance dans les pouvoirs de la science: on la croit capable d'observer les faits, d'expliquer le monde et d'engendrer le progrès pour l'humanité. La littérature n'échappe pas à ce parti pris, commun à de nombreux auteurs. Ainsi, à l'initiative d'Emile Zola, le mouvement naturaliste va plus loin dans le réalisme, en appliquant l'expérimentation scientifique à l'élaboration du roman.
Les deux textes de Honoré de Balzac et des Goncourt sont des préfaces de romans, où chaque auteur explique son projet littéraire.
Honoré de Balzac, La Comédie Humaine, 1842
"La société française allait être l'historien, je ne devais être que le secrétaire. En dressant l'inventaire des vices et des vertus, en rassemblant les principaux de la société, en composant des types par la réunion des traits de plusieurs caractères homogènes, peut-être pouvais-je arriver à écrire l'histoire oubliée par tant d'historiens, celle des moeurs.(...)
Ce travail n'était rien encore. S'en tenant à cette reproduction rigoureuse, un écrivain pouvait devenir un peintre plus ou moins fidèle, plus ou moins heureux, patient ou courageux, des types humains, le conteur des drames de la vie intime, l'archéologue du mobilier social, le nomenclature des professions, l'enregistreur du bien et du mal; mais pour mériter les éloges que doit ambitionner tout artiste, ne devais-je pas étudier les raisons ou la raison de ces effets sociaux, surprendre le sens caché dans cet immense assemblage de figures, de passions et d'événements. Enfin, après avoir cherché, je ne dis pas trouvé, cette raison, ce moteur social, ne fallait-il pas méditer sur les principes naturels et voir en quoi les sociétés s'écartent ou se rapprochent de la règle éternelle, du vrai, du beau? Malgré l'étendue des prémisses, qui pouvaient être à elles seules un ouvrage, l'oeuvre pour être entière, voulait une conclusion. Ainsi dépeinte, la société devait porter avec elle la raison de son mouvement".
Honoré de Balzac, avant-propos de la Comédie Humaine, 1842
E. et J. Goncourt, Germinie Lacerteux, 1865
"Aujourd'hui que le Roman s'élargit et grandit, qu'il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante, de l'étude littéraire et de l'enquête sociale, qu'il devient, par l'analyse et par la recherche psychologique, l'Histoire morale contemporaine, aujourd'hui que le Roman s'est imposé les études et les devoirs de la Science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. Et qu'il cherche l'Art et la Vérité, qu'il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris, qu'il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les reines d'autrefois faisaient toucher de l'oeil à leurs enfants dans les hospices: la souffrance humaine présente et toute vive, qui apprend la charité; que le roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce large et vaste nom: Humanité; -il lui suffit de cette conscience: son droit est là!"
Edmond et Jules de Goncourt, préface de Germinie Lacerteux, 1865
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