HISTOIRE D'UNE CENSURE AU 19ème SIECLE
J'ajoute que le livre n'est pas une feuille légère quiğ se perd et s'oublie comme le journal. Quand le livre apparait, c'est pour rester; il demeure dans nos bibliothèques, à nos foyers, comme une sorte de tableau. S'il a ces peintures obscènes qui corrompent ceux qui ne savent rien encore de la vie, s'il excite les curiosités mauvaises et s'il est aussi le piment des sens blasés, il devient un danger toujours permanent, bien autrement que cette feuille quotidienne qu'on parcourt le matin, qu'on oublie le soir, et qu'on collectionne rarement.
Charles Baudelaire et ses éditeurs sont condamnés à une lourde amende et six poèmes doivent être supprimés du recueil. En 1858, l'amende du poète est réduite.
Au début du 20ème siècle, les poèmes condamnés réapparaissent dans la plupart des éditions mais il faut attendre le 31 mai 1949 pour que Charles Baudelaire soit réhabilité par une décision de justice.
En janvier 1857, le procureur Pinard avait déjà soutenu un réquisitoire contre un autre écrivain: Gustave Flaubert, comme Charles Baudelaire, était poursuivi pour "outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes moeurs" après la publication de Madame Bovary. Il avait été acquitté.
Voici un extrait du réquisitoire;
Je soutiens que le roman de Madame Bovary, envisagé au point de vue philosophique, n'est point moral. Sans doute, -Mme Bovary meurt empoisonnée; elle a beaucoup souffert, c'est vrai; mais elle meurt à son heure et à son jour, mais elle meurt, non parce qu'elle est adultère, mais parce qu'elle l'a voulu; elle meurt dans tout le prestige de sa jeunesse et de sa beauté; elle meurt après avoir eu deux amants, laissant un mari qui l'aime, qui l'adore, qui trouvera le portrait de Rodolphe, qui trouvera ses lettres et celles de Léon, qui lira les lettres d'une femme deux fois adultère, et qui, après cela, l'aimera encore davantage au-delà du tombeau. Qui peut condamner cette femme dans le livre? Personne. Telle est la conclusion. Il n'y a pas dans le livre un personnage qui puisse la condamner. Si vous y trouvez un personnage sage, si vous y trouvez un seul principe en vertu duquel l'adultère soit stigmatisé, j'ai tort. Donc, si dans tout le livre, il n'y a pas un personnage qui puisse lui faire courber la tête, s'il n'y a pas une idée, une ligne en vertu de laquelle l'adultère soit flétri, c'est moi qui ai raison, le livre est immoral!
Extrait du réquisitoire du procureur Pinard, 1857
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