“Gémir, pleurer, prier est également lâche"
Alfred de Vigny est un romantique, mais un romantique original et indépendant qui, sur bien des points, a réagi contre les manies de l’école Nature aristocratique et hautaine. Il supportait mal ses crises de larmes un peu théâtrales et ces confidences eplorées que ses confrères faisaient un public de leurs troubles de coeur et de leur mélancolie.
D’après Alfred de Vigny, qui a d’ailleurs développé cette idée dans un admirable chef-d’oeuvre, c’est la douleur qui fait les grands poètes et il n’y a pas de plus beaux vers que les vers pleins de sanglots. Comme pour répondre à la Nuit de Mai qu’il venait de lire dans la Revue des Deux Mondes Vigny écrivit La Mort du Loup où il affirme que notre vraie grandeur est dans la science et que les plus beaux vers sont les plus stoiques. Il a résumé sa théorie formule si connue:
L’homme qui est atteint par la douleur montre la dignité de son courage en la regardant en face sans mot dire. La lâcheté consiste à reculer devant elle et à montrer qu’on est dominé par elle: gémir, c’est pousser un cri plaintif comme l’enfant qui se lamente pour qu’on le pleigne et le secoure; pleurer c’est montrer par ses larmes qu’on ne peut plus supporter le fardeau; prier c’est demander à Dieu d’en être débarassé. Tout cela est un aveu de faiblesse donc un lâcheté.
Ne nous laissons pas émouvoir parce qu’il y a de grand dans cette théorie et dans ce vers: l’homme qui brave la douleur et la supporte sans mot dire est assurrement admirable mais est-il vrai de dire que gémir, pleurer, prier soit une lâcheté? En quoi consiste la lâcheté? À reculer devant son devoir à dérober à son devoir. Mais savoir reconnaitre sa faiblesse et demander du secours pour mieux faire faire son devoir ce n’est pas se dérober à son devoir. Le chef millitaire qui est chargé de défendre un poste qui se déclare incapable de le tenir avec le petit nombre d’hommes dont il dispose et demande du secourls n’est pas un lâche. Il fait son devoir. Le gémissement et les larmes dans une grande douleur physique ou morale ne sont pas volontaires: c’est la nature humaine qui se laisse arracher cet aveu de faiblesse. Prétendre s’élever au-dessus de la nature, c’est une folie; se refuser à pleurer par pose ou par dureté de coeur n’est pas une marque de grandeur d’âme. La prière est mieux qu’un aveu de faiblesse. C’est un appel pour demander du secours afin de pouvoir tenir ferme devant la douleur. Refuser de reconnaitre sa défendance et ses limites, c’est de la part de l’homme attitude rigidité et fermée, il y a aussi une feu de lâcheté on a peur du jugement des hommes et on veut paraitre à leurs yeux plus courageux qu’on n’est en réalité en tas cas c’est du respect humain si ce n’est pas de la lâcheté.
De très authentiques héros ont gémi, pleuré et prié. Charlemagne a pleuré devant les invasions des Normands; Jeanne d’Arc a pleuré dans la solitude de sa prison. Alfred de Vigny lui-même raconte dans le journal d’un poète qu’au moment de la mort de sa mère, il éclata en sanglots et tomba à genoux. Les stoiciens impasibles et durs ne nous intéressent pas, ils ont oublié d’être hommes. La douleur abat et écrase certains hommes qui deviennent incapables d’agir, ce sont les lâches, chez d’autres elle provoque la colère et la révolte , ce sont des insensés, les stoiques la nient ce sont des orgueilleux. L’homme raisonnable l’accepte, s’incline sous son fardeau, il ne prétend pas être assez fort pour la porter tout seul, il avoue sa faiblesse, il demande à Dieu la force qui lui manque, puis il agit et il tâche de tirer de cette douleur un profit moral pour lui-même et pour les autres il est resigné; c’est encore ce que les hommes ont trouvé de meilleur. Il ne se refuse pas à admirer les stoiques ni à plaindre les deséspérés: il tâche de garder entre ces deux extrêmes une attitude moyenne, ferme à la fois et humaine
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