Mars et Vénus de Boticelli |
Nous l'avons signalé ; les Romains honoraient Mars bien plus que les Grecs n'aimaient Arès. De nombreuses différences apparaissent, de fait, entre Mars et Arès et ce n'est qu'assez tard que le dieu romain fut identifié à l'Arès hellénique.
D'origine italique Mars préexista à l'introduction d'Arès dans la religion romaine. Son nom, dont le sens est inconnu, avait pris tout d'abord la forme de Mavors, Marspiter (Macrobe, Saturnales) ou Mamers (de l'étrusque Maris). Il semble avoir été à l'origine un dieu agraire et, à une époque très ancienne, il fut identifié au dieu de la végétation, Silvanus. Selon une tradition romaine, Junon l'avait enfanté sans le secours de Jupiter ; jalouse, en effet, de la naissance de Minerve, jaillie spontanément de la tête de Jupiter, Junon avait voulu à son tour concevoir seule un enfant. Elle s'adressa à Flore, déesse des jardins et des champs cultivés, qui lui donna une fleur magique dont le simple attouchement rendait une femme féconde (Ovide, Fastes). C'est ainsi que Junon donna le jour au dieu dont le nom est porté par le premier mois du printemps. Notons que ce Martius mensis était, dans l'ancien calendrier romain, le premier mois de l'année (Ovide, Fastes et Macrobe, Saturnales). Une légende, qui semble d'origine italique, rapporte que Mars, tombé amoureux de Minerve, avait choisi comme intermédiaire la vieille Anna Perenna, une déesse locale du Latium, qui dupa le dieu en se substituant à Minerve lors d'un rendez-vous nocturne (Ovide, Fastes). Il y aurait là le symbole de la vieille année qui s'en va lorsque commence la nouvelle. Ce dieu agraire aidait les paysans du Latium à défendre leurs cultures et leurs troupeaux. On lui avait donc consacré, pour qu'il les écarte des moissons et des bergeries, tous les animaux que l'on craint à la campagne, en particulier le loup ; mais le pivert, annonciateur de pluie, était son oiseau favori.
Cette caractérisation de Mars comme dieu primitivement agraire, est contestée par certains mythographes. En tout cas, à l'époque classique, quand Rome devient une grande puissance militaire, ce dieu du printemps est essentiellement un dieu guerrier (Virgile, Énéide). Mais il faut noter que c'est au printemps que recommence la saison de la guerre. Il est en même temps le dieu de la jeunesse parce que la guerre est l'objet de l'activité de la jeunesse. Il était particulièrement révéré par l'armée, ce qui lui valut le surnom de Gradivus (= "qui s'avance à grands pas" [au combat] ou, selon d'autres, "qui fait pousser" [les moissons])
Ce dieu de la jeunesse guide, lors du ver sacrum (le printemps sacré) les jeunes gens qui émigrent des cités sabines pour aller fonder de nouvelles villes. En effet, les Sabins, en cas de grave malheur, consacraient à Mars, en propriété absolue, toute la production végétale, animale et même humaine du printemps suivant. En ce qui concerne les enfants, devenus grands et alors considérés comme "sacrés", c'est-à-dire mis en dehors de la communauté, ils partaient, guidés en général par un animal consacré à Mars, le loup ou le pivert, en quête d'une nouvelle patrie où ils puissent s'établir par la force des armes et grâce à la protection du dieu de la guerre auquel ils étaient voués. L'histoire romaine nous apprend que les Romains, après le désastre de Trasimène ( 217) décidèrent de consacrer, à la manière sabine, un ver sacrum mais à Jupiter; mais ils ne s'acquittèrent de leur voeu que...vingt-deux ans plus tard, incomplètement (uniquement les productions végétales et animales) et, à une époque où le désordre régnait dans le calendrier, le voeu fut "accompli" en hiver, c'est-à-dire avec beaucoup d'économie !
Peut-être faut-il rattacher aussi à la tradition sabine la fameuse légende de Romulus et de Rémus sauvés par une louve. Rappelons cette légende : Albe-la-Longue, jadis fondée par le fils d'Énée, Ascagne, vit son roi Numitor dépossédé de son trône par son frère Amulius. Celui-ci fit périr tous les fils de Numitor et voua sa fille, Rhéa Silvia, au culte de Vesta, la vouant ainsi à la virginité. Mais celle-ci, par sa beauté, séduisit le dieu Mars qui l'aperçut un jour se rendant à la fontaine; il la rendit mère, pendant son sommeil, de jumeaux, Romulus et Rémus (Ovide, Fastes)). L'ayant appris, Amulius fit enfermer la mère et exposer les deux bébés dans des marécages près du Tibre en crue (Tite-Live, Histoire romaine) ou sur le sommet du mont Palatin, selon les légendes. Une louve, animal sacré, envoyée par leur père, les nourrit (Virgile, Énéide) avant qu'ils soient recueillis par un berger et sa femme, qui les élevèrent jusqu'au moment où ils purent rendre son trône à Numitor et fonder Rome. On a signalé que cette légende devait s'être développée autour d'une statue très ancienne figurant une louve à l'abri de laquelle se dressait l'image de deux petits hommes, symbolisant peut-être la race sabine et la race latine. En tout cas, dans la religion d'État, à Rome, le culte de Mars revêt la plus haute importance puisqu'il aurait ainsi fondé la race romaine (Virgile, Énéide), et c'est la raison pour laquelle la jeunesse romaine était souvent appelée "enfants de Mars".
Le dieu donna aussi son nom au Champ de Mars, sur lequel les jeunes Romains s'exerçaient à la guerre. C'est également au Champ de Mars que se faisaient, tous les cinq ans (période appelée lustre) le recensement et la purification du peuple (lustrum ou lustratio), au cours desquels on célébrait les suovetaurilia, triple sacrifice d'un verrat, d'un bélier et d'un taureau offert au dieu Mars (Tite-Live, Histoire romaine).
Le culte de Mars était essentiellement représenté par un collège de prêtres, choisis parmi les patriciens, appelés Saliens (= les "sauteurs" ou "danseurs"). Tous les ans, à la fête du dieu, ces prêtres, vêtus d'une tunique de pourpre et portant sur la tête un bonnet pointu (apex) exécutaient, au cours d'une procession dans les rues de la ville, (Tite-Live, Histoire romaine) des danses sacrées, peut-être, à l'origine, en l'honneur de divinités rustiques. Mais, dès le règne de Numa, ils rythmaient la cadence de leurs pas par des coups frappés avec une lance sur des boucliers mystérieux appelés "anciles"; ces boucliers et les lances, conservés dans le sacrarium Martis de la Regia (résidence du Pontifex Maximus) étaient censés posséder un pouvoir d'oracle : le mouvement spontané des lances (hastæ) était un présage inquiétant. La légende prétendait qu'un de ces boucliers était un jour tombé du ciel comme gage de la protection des dieux sur Rome. Craignant de voir ses compatriotes privés par quelque audacieux ennemi de cet objet sacré qui leur assurait la protection des dieux, Numa en fit fabriquer onze autres exactement identiques ; les douze boucliers restaient suspendus pendant le reste de l'année dans le temple de Mars et confiés à la garde des prêtres saliens, sans qu'on pût distinguer le bouclier miraculeux des autres (Ovide, Fastes). La procession s'achevait par un repas dans le temple du dieu.
Quant aux anciens Sabins, ils adoraient Mars sous l'effigie d'une lance (quiris) ; d'où le nom de Quirinus donné à Romulus après sa mort et sa divinisation, et celui de Quirites employé lorsqu'on s'adressait officiellement à l'ensemble des citoyens romains.
À Rome se trouvaient plusieurs temples consacrés à Mars ; un des plus importants était celui qu'Auguste lui dédia sous le nom d'Ultor (le Vengeur) pour commémorer le rôle de l'empereur dans sa victoire sur les assassins de Jules César, Brutus et Cassius.
Donc le dieu Mars, en ordre d'importance, venait pour les Romains juste après Jupiter ; il se trouve, en effet, en seconde position dans la triade Jupiter-Mars-Quirinus, et ses attributs sont le bouclier, la lance et le casque. Des légions, une surtout, (Cicéron, Philippiques), lui étaient consacrées et, au début d'une campagne, le général ne manquait pas d'entrer dans le temple où l'on conservait les "anciles" ; il venait y faire bouger d'abord ceux-ci, puis la lance et la statue du dieu et disait, en frappant les boucliers de sa lance : "Mars, aie l'oeil bien ouvert" (Mars, uigila).
Dans le domaine littéraire, les aventures prêtées à Mars ont reproduit peu à peu celles rapportées par la littérature grecque pour Arès, comme, par exemple, les amours de Mars et de Vénus (Ovide, Métamorphoses). Mais nulle part, on ne trouve l'équivalent du côté lâche et geignard de son correspondant hellénique Arès.
Mars et Venus pris dans le filet de Vulcain (1536)d'après Maerten Van Heemskerk |
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